[PBP/Loki Project #19] O – De Loki à Odin

“Nattens tystnad” © Heathen Harnow

Odin est un dieu complexe, c’est le moins que l’on puisse dire.

Les débuts n’ont pas été des plus simples, et pour cause, j’y suis allée à reculons. Il m’a fallu pratiquement neuf ans pour arrêter de faire ma tête de mule. Et quand j’ai commencé à m’y intéresser, le réservoir d’eau suspendu au-dessus de ma tête s’est brutalement rompu, et je me suis pris 30 000 litres d’eau sur la tronche.

Il est souvent décrit, entre autres, comme un dieu de sagesse et de magie, mais les aspects prédominants dans ma pratique sont plutôt ceux de mort et d’extase, et quand j’y pense, les frontières entre ces deux notions sont assez perméables, au moins en terme d’énergie.

Il n’a pas grand chose de calme et de posé, je le ressens parfois comme une sorte de prédateur à l’affût dans le noir, vous guettant avec un large sourire en lame de couteau. Il y a quelque chose de cruel et d’affûté dans cette attente, quelque chose de sourd qui gronde et que l’on perçoit à peine. Formulé de la sorte, cela n’apparaît pas comme particulièrement joyeux, je sais. Je sais aussi que souvent, les rares bribes de ce que je relate à propos de cette découverte et de ce travail peuvent donner une impression de quelque chose de pénible, de terrifiant. Une très mauvaise expérience dont on se méfie. La réalité est différente, bien différente.

Je ne pensais pas qu’il me reconnecterait à la source que j’avais tant cherché avant de laisser tomber. Cet extase là n’a rien de mesurable. Ca a été comme d’être à côté d’un réacteur nucléaire. Quand les alarmes se sont déclenchées, il était trop tard. J’étais devant le réacteur et tout a sauté. L’image est violente, et les radiations l’ont été aussi. Mais violent n’est pas toujours synonyme de nuisible, ou de négatif. La violence dénote aussi une intensité, parfois plus qu’une intention.

Et la mort.

La mort de ce que je connaissais. Parce que toutes les certitudes, certes vacillantes pour certaines, que j’avais eu se sont trouvées balayées. Parce que certains aspects de ma vie ont valsés, certains écartés pendant un moment, d’autres fracassés. Parce que certaines déités ont été littéralement dégagées de ma vie. Tout le monde dehors, hop, circulez y’a plus rien à voir.
Loki était le dieu le plus ancien dans ma pratique. Le premier. Le seul du panthéon nordique que je trouvais intéressant. Et si je n’ai pas toujours fait que des choses intelligentes, censées ou réfléchies, il m’a énormément apporté. Il m’a aidé à une époque où il n’y avait plus rien d’autre. Et c’est par le chaos que j’ai retrouvé le chemin de ma pratique. Il y avait un avant. Il y a eu un après. Une barrière. « Maintenant c’est comme ça. Pour le moment en tout cas. » / « C’est mieux pour toi. Vas-y maintenant. »

Impossible de me reconnecter à ce niveau là. Les frontières sont closes et les demandes de visa balayées du revers de la main. No way.

Et même si aujourd’hui on pourrait dire que les choses se sont assouplies, quand j’écris sur Loki ou quand je pratique, je sens que ca n’a plus rien à voir. Je reste dans le factuelle, parce que de « non factuelle », il n’y a plus que des bribes effilochés qui subsistent encore de l’ancien tissage.

Est-ce que je regrette ? Certains impacts, oui, parce que je me suis sentie coupable. « Si j’étais restée à allumer des bougies blanches à la pleine lune, certaines choses auraient été plus simples » me suis-je souvent dit. (Probablement une connerie de plus à ajouter à mon compteur.)

Est-ce que je regrette ? Parfois, quand je me souviens des morceaux de verre dans le kaléidoscopes, je regrette leurs dessins et leurs enchantements. Mais la musique de leurs couleurs, je n’étais pas en mesure de l’apprécier. Pas comme j’ai pu apprécier une autre musique. Qu’est-ce qu’il y aurait à regretter, quand même les couleurs chantantes se figent, jusqu’à ce que vous les posiez ?

Dans le fond, en dépit des apparences, j’ai au moins autant reçu que donné. Cela n’a pas été facile, en sautillant et en claquant des doigts, apporté sur un plateau d’argent. Mais je mentirais si je disais que, au final, tout m’avait déplu. Je mentirais si je disais que tout était horrible. Je vous mentirais si je vous disais que j’ai continué sur ce chemin là par obligation.

Merci Loki.

La peur de certaines Déités [en lien avec le Loki Project #17]

En lien avec le Loki Project parce que la réflexion diverge, mais à la base elle était reliée. 

Tomasz Alen Kopera

Loki est un dieu qui a tendance à faire peur. Odin aussi d’ailleurs. Il(s) n’est /ne sont pas le(s) seul(s), on entend souvent les mêmes noms revenir quand il est question de cette peur, de cette intimidation.
On assiste à une curieuse dichotomie : ceux qui font peur. Ceux qui ne font pas peur. Les personnes qui disent « cette déité me fait peur, parce que… » ou à l’inverse « cette déité ne me fait pas peur, parce que… ».

Je trouve ca curieux comme manière de penser. Tous les dieux sont terrifiants : ce sont des dieux. Ils sont infiniment plus puissants que nous ne le serons jamais. Ce que je trouve étrange, c’est cette reconnaissance de la possible peur dans certains cas, et pas dans d’autres, comme si une partie d’entre eux pouvaient être domestiqués, adoucis, au point qu’il soit envisageable de se dire « ceux là c’est bon, on sait à quoi s’attendre ».

Peu importe leurs fonctions, leurs noms, les visages que vous en percevez ou vos interactions avec elles. Peu importe l’intimité de vos relations, votre expérience, leur sexe, leur panthéon : elles peuvent se montrer terrifiantes, pas forcément au sens effrayantes, plutôt dans le sens anglais awe : une combinaison de surprise, de peur, de crainte, de respect et d’émerveillement. Je pense que c’est le meilleur mot qui existe, en tout cas je n’en ai pas trouvé d’autre qui convienne.

Nous plaquons sur leurs apparences supposées des avis préconçus, en fonction de ce qu’on entends sur elle, des mythes à leurs propos, de leurs fonctions, de leurs apparences aussi. Mais au niveau des expériences, quand il n’y a que l’énergie brute, et suivant la nature de l’expérience en question, on se rend compte que telle gentille déesse que la tendance générale tend à dépeindre disons sous les traits d’une banale ménagère cantonnée aux fonctions domestiques possède une énergie colossale, tout aussi capable de vous terrasser qu’une autre.

J’ai parfois l’impression qu’il y a toute une mythologie néopaïenne et contemporaine autour des dieux et des déesses : on se construit des réferentiels énergétiques : avec telle déité il faut faire attention. Celle là est parfaite pour tel et tel type de travaux. Ce faisant, on finit par rajouter des couches de perceptions préfabriquées sur des déités. Il est vrai que cela rend sans doute les travaux de groupes plus « facile », que les débutants voient le boulot nécessaire devenir moins tendu.

Mais au final, on rajoute une gaine de plastique sur le lien que l’on commence par tisser entre elles et nous. Parfois cela permet de rendre les choses plus faciles mais parfois on masque des problèmes qui surgiront inévitablement plus tard, peut-être plus violents, plus graves, plus remuants.

Par moment, en plus de cette « mythologie artificielle UPG-esque » j’ai l’impression qu’il y a en plus des distinctions implicites de déités « classes » et « des moins classes ». Je me demande pourquoi je n’entends que rarement parler de Frigg. Je me demande combien bosse avec la Cailleach. Je me demande pourquoi les gens semblent toujours ramasser les mêmes « dieux et déesses patronnes ». Et dans quelle mesure il y a un implicite sociale quant à la corrélation « une femme a une déesse patronne », « un homme a généralement un dieu patron ». Soyons clairs : je ne me souviens pas avoir entendu une personne sérieuse le dire. Je l’ai parfois lu il y a quelques années, mais venant de gens qui débutent, je considère que c’est une simplification « spatiale » de débutants. A mes débuts je considérais plus ou moins les choses sous cet angle là d’ailleurs. Je me suis échinée à me chercher « une déesse patronne », pour finalement avoir un revirement de situation plutôt comique. Si vous vous cherchez absolument une patronne, gardez en tête qu’elle peut avoir une paire de couilles. Je dis ca, je dis rien. (Ces questionnements sont davantage des modélisations de phénomènes observés qu’une collecte de faits exprimés par des personnes ou des entités sociales.)

Loki est un trickster lié au chaos. Un trickster. Imprévisible donc (merci Captain Obvious). Se demander dans quoi on va mettre les pieds est compréhensible, mais si l’éventuelle peur que vous ressentez est liée à cet aspect, gardez en tête que si vous devez vous ramassez une gamelle avec une déité, peu importe qu’elle symbolise l’amour, les tâches domestiques, la mort ou le chaos (cf. Khaos : Travailler avec des déités « sombres » : l’autoroute vers les emmerdes ?). Vous la mangerez la gamelle.

(Note : Ceci dit pour moi le contexte de travail est important : est-ce que c’est la déité qui se pointe ou vous qui allez la chercher ? )

[Loki Project #16] Trickster. Changeur. Catalyseur.

Auteur inconnu

Ce mois de juillet a commencé par un gag plutôt drôle pour nous, moins pour mes voisins. Ne dites jamais « j’emmerde les voisins du dessous » la veille du mois de Loki. CQFD. Synchronicité, rien de plus. Sans doute.

Les gags se sont multipliés. Un téléphone dont le réseau tombe en rade et des sms absurdes reçus de la part d’un opérateur abasourdi quand je les appelle : « euuuh, je ne comprends vraiment pas ce qui se passe, parce que dans votre dossier tout est ok. Mais en plus il n’y a aucune trace des sms envoyés, normalement l’historique les garde. Je ne comprends vraiment pas ce qui se passe, c’est incompréhensible. » A l’autre bout du fil, on se mord les lèvres pour ne pas rire et on essaie de rassurer le hotliner confus.

Les trains qui déconnent (heureusement rien de méchant contrairement à l’accident de Brétigny). Les imprimantes sont bourrées au travail. Personne ne comprends ce qui se passe. On se planque comme on peut pour rire et annoncer ensuite. « It’s a Loki/lucky Day ». La quasi-homonymie passant inaperçue.

Le reste aussi. Les riens incongrus des jours écoulés sur lesquels on ne s’attarde pas. Une prédilection pour les outils de communications modernes.

La phrase du mois pourrait être : « C’est bizarre / je n’y comprends rien, d’habitude / normalement / techniquement / en principe, ca ne fait pas ca / je n’ai jamais vu ca / c’est pour ainsi dire impossible. »

Ca va Trickster.

Changeur. Catalyseur. Comploteur. Blagueur. Farceur. Pertubateur.

Rien de méchant, rien de grave. Mais…

Mais. Mais la donnée la plus perturbante du mois -pour le moment- c’est de comprendre, de ressentir, de toucher du doigt pourquoi il inquiète autant. D’appréhender pleinement les raisons pour lesquels il est montré du doigt, craint, honni parfois.

Les plaisanteries sont amusantes. Elles pourraient ne pas (pour paraphraser Melville). Il suffirait d’un rien, d’un glissement de quelques millimètres. Une focale très légèrement mal réglée.

Je ne m’étais jamais posée la question, et la potentialité que, éventuellement, « l’humour pouvait parfois être mal dosé », encore moins. Maintenant, étrangement, je le mesure.

Odin & Loki by Kayla Marquez

Ce n’est pas uniquement une exploration intellectuelle, même si le ressenti reste purement hypothétique et sans « application de dommages mesurables » (pour ne pas écrire autre chose. Superstition ? En partie sans doute. Ou pas), il y a quelque chose de pratiquement palpable dans cette potentialité qui ne m’était jamais apparu auparavant. Peut-être parce que mon inconscience m’en tenait éloignée. Peut-être parce que mes affiliations étaient différentes et qu’il y a certaines ambivalences, certaines charges que je suis davantage en mesure de percevoir maintenant. Peut-être parce qu’auparavant, je n’avais pas la sensation de me tenir derrière une invisible barrière électromagnétique. « You shall not pass ». Factuel. Immédiat. Sans appel. Mes cuisantes expériences de la fin de l’automne m’ont probablement appris que tout peut arriver -s’il était besoin de me faire une piqure de rappel- y compris ce qui ne vous semble ni factuel, ni rationnel, ni explicable, ni logique, ni pragmatique. Et que « non », veut dire « non », peu importe les mondes.

Je n’ai pas choisi l’autre côté de cette barrière là. J’aurai donné n’importe quoi pour rester du côté où j’étais. De part et d’autre, on m’a dit « niet ». Enfin, d’un côté il y a eu le silence fataliste. « C’est comme ça ». De l’autre on m’a fait un dessin.

Mais je digresse.

Pour en revenir au sujet, c’est troublant de se rendre compte que les pièces ont deux faces, d’en mesurer le pouvoir brut, les terribles capacités. Un peu comme de se rendre compte que la bombonne de gaz qui nous sert à faire le dîner pourrait se transformer en arme mortelle qui détruirait la maison si elle explosait.

Elle n’explose pas. Mais elle pourrait.

Il est facile de faire n’importe quoi quand on ne mesure par le danger. Ce n’est ni un signe de courage, ni un signe d’intelligence ou d’expérience.
Continuer de faire et d’aimer, continuer à conserver une certaine légèreté quand on a éprouvé ce risque, c’est un art, un apprentissage ; Un exercice d’équilibriste entre la patience, la sagesse (bien que franchement, je n’appliquerais pas ce terme à beaucoup de gens, et encore moins à moi), la « pureté » (pas dans le sens mauvais / bon ou pur / impur, plutôt dans le sens « ne pas se comporter pour éviter ci ou pour gagner ca. La pureté comme un élan du cœur sans calcul, je pense que ca résume bien mon idée). Je suppose que, ce n’est qu’un fois cette sensation ressentie que l’on peut dire que l’on connaît « pas trop mal », une déité.

[Loki Project #14] Le sacrifié : Jésus, Balder, Loki

Balder

Je repensais l’autre jour au lien entre Balder et Loki. A ce que l’on en dit, aux racines de l’histoire, au pourquoi et au comment.

Balder est présenté comme le dieu bien sous tous rapports, celui qui est aimé de tous. Après avoir raconté son rêve à Frigg, sa mère, cette dernière décide de faire prêter serments à tous les êtres pour être certaine qu’aucun mal ne lui soit fait. Elle oublie le gui. Loki rongé de jalousie, s’arrange pour tout mettre en place et guide la main de Hödr dont la flèche de gui va finalement tuer Balder. (Je passe la partie avec la chevauché de Hermod vers Helheim et l’épisode avec la vieille géante -Loki- qui refuse de pleurer Balder. Etc.)
Par la suite, Vali, transformé en loup, tue Narvi. On prend ses intestins pour attacher Loki au rocher. Voilà pour le « background ».

D’un côté, Balder, le « gentil ». De l’autre, Loki, « le méchant ». Balder dont plusieurs auteurs ont pointé l’aspect « christique ». Il est lumineux (ca doit être pratique pour lire la nuit), tout le monde l’aime, son domaine est dans les cieux, il est un des fils du Père-de-Tout, son fils Forseti a hérité de bon nombre de ses aspect et il reviendra après le Ragnarök.

Il est tentant, devant autant de « qualités » de faire Loki une sorte de démon malveillant, jaloux, mauvais, destructeur… Pourtant, quelque chose me chiffonne dans ce parallèle simpliste.

Outre le fait que Balder est apparemment une figure relativement tardive dont certains développements (dans la Geste des Danois) sont plus complexes que dans les Eddas, il y a un truc qui me chiffonne dans ce parallèle, c’est la passivité de Balder.
Balder n’a rien demandé à personne : il ne fait rien, ne dit rien. Il ne demande pas à sa mère de le sauver. Il ne parle pas et on ne sait pas vraiment ce qu’il pense : de là à en faire le Perceval nordique, pourquoi pas.

Ces histoires de Breidablik, son domaine dans les cieux où rien d’impure ou de mauvais -suivant les traductions- ne peut entrer ne me fait pas penser à un quelconque paradis d’où le mal est banni. Pour moi c’est plus simple et plus pragmatique. Il est dit qu’après le Ragnarök, Balder reviendra d’entre les morts : plutôt que de pur/bon, le domaine pourrait être associée aux notions d’innangarðr (à l’intérieur) et d’útangarðr (extérieur) et en gros, ce qui est à l’intérieur est lié au civilisé, adopte les codes, friendly. L’extérieur l’inverse (je simplifie assez méchamment, pardon). Les histoires d’enclos, de forteresse sont assez courantes dans les mythes nordiques (le coup de la construction de la forteresse au début pour laquelle, tiens donc, Loki donne de sa personne, la forteresse de Menglod, bla bla bla). On peut donc prendre ces histoires sur la maison de Balder comme un truc bêtement factuelle : « chez moi y’a que des gens friendly« , ce qui n’est pas con si on se rappelle que sa mère est Frigg (notion d’hospitalité, tout ca). 

Mis à part sa mort, assez dramatique il est vrai, et sa « résurrection » après le Ragnarök, Balder n’a rien de particulier. Sa mort est effectivement un événement qui va accélérer la venue de la fin, mais « si » Frigg n’avait pas cherché à le sauver, « si » Fenrir n’avait pas été enchaîné, « si »…

Jésus n’est pas une figure passive, il est même plutôt révolutionnaire et parfois il pète des câbles pas possibles, comme quand il vire tous les marchands du temple à coup de pieds au cul. Il est né comme un semi-clodo dans une étable, pas dans une baraque cossue avec de la pierre. Il ouvre sa gueule, partage avec ses potes, il y a des théories qui se demande s’il n’avait pas été marié avec Marie-Madeleine… Jésus sait qu’il va mourir, mais il ne cherche pas à fuir sa mort (ou on ne cherche pas à le sauver de la mort).

Balder meurt. Sa femme meurt de chagrin. Frigg a tenté de le sauver mais ca n’a servi à rien, au moins de prime abord. Odin va emmerde une morte pour lui faire cracher le morceau à propos de son fils, là aussi, c’est ce qu’une lecture simple tend à indiquer (je tends à penser que c’est beaucoup plus complexes que cela : Frigg sait tout, logiquement, elle a du savoir qu’il mourrait, mais l’idée qu’elle ait vu aussi sa résurrection après le Ragnarök pourrait expliquer pourquoi elle agit de la sorte. Ceci étant, cette idée de tout savoir d’avance me chiffonne aussi un peu, puisque cela tend à indiquer que le destin est tout puissant, et à réfuter une partie du fonctionnement de l’orlög.)

Il meurt et reviendra et avec les quelques survivants, le monde recommencera. Ok. Mais pour qu’il revienne, le monde doit d’abord être détruit.

Je ne pense pas qu’il soit pertinent de base d’en chercher une, mais puisque ce parallèle est souvent établi, voilà mon interprétation -très-personnelle : pour moi, la « figure christique » (avec d’énormes guillemets) de la mythologie nordique, ce n’est pas Balder. C’est Loki. (et parfois, quand je vois la haine que certains « groupes nordisants » vouent au Christianisme, je me dit que c’est « intéressant » comme parallèle du coup).

Loki aux origines floues, dont « le lignage » est à peu près incertain, mis à part sa mère et son père. Loki qui voyage à travers les mondes et ne se pose vraiment nul part. Loki qui se sacrifie en fin de compte plusieurs fois pour les dieux : pour rapporter leurs attributs, pour la construction de la forteresse autour d’Asgard. Loki qui offre son coursier à Odin. Loki et sa force génératrice d’un changement révolutionnaire. Loki, frère de sang d’Odin, et qui sans doute, fera le sale boulot.

Pourquoi il tue Balder ? Il y pourrait y avoir plusieurs hypothèses, mais s’il ne le tuait pas ; ce dernier aurait sans doute péri au Ragnarök et le monde n’aurait pas recommencé.
Quelque part, il est l’agent du destin qui se sacrifie lui même en faisant tuer Balder. Certes, Balder est mort, mais il n’est pas « aux enfers », il est en Helheim, en sûreté pourrait-on dire. Plutôt bien reçu, avec tous les honneurs et il a la possibilité de rendre certaines choses aux Dieux.

Dans la Lokasenna, Loki met les Dieux face à leurs contradictions, à leur linge sale. Il braille sur les marchands du temple d’une certaine manière.
Il est attrapé. Son fils est massacré. Il est enchaîné et il attendra là la fin des temps. Loki s’est sacrifié, ou a été sacrifié, pour que les autres puissent continuer à vivre.
Sigyn reste auprès de lui, et la figure de la femme restant aux côtés de celui qu’elle aime, tenant le bol, m’évoque la figure de Marie-Madeleine aux pieds de la croix. Rappelons que le crucifiement était un châtiment infamant et que Jésus n’a pas eu droit à des funérailles grandioses.

Encore une fois, je ne pense pas qu’il y ait plus que des similitudes, mais en tant que « forces révolutionnaires de changements » et « sacrifice » je pense qu’il y a un parallèle intéressant qui est plus pertinent si on considère Jésus / Loki plutôt que Jésus / Balder.