Chaque fois qu’il est question d’aborder les aspects dits « sombres », les côtés délicats d’une déité, ce qu’elle a de plus craignos etc, je suis souvent étonnée de voir que ces aspects sont perçus comme un mal nécessaire, quelque chose que l’on accepte à contre-cœur.
Comment expliquer ?
Tout d’abord, je ne pense pas que ce que nous appelons « les côtés sombres » aient toujours, systématiquement été perçus comme tel. Je pense que, quelques soient les déités que nous approchons, la façon dont elles ont été vues a évolué, non seulement au fil du temps (nombre d’entre elles ont en quelques sortes survécues, dissimulées dans les coutumes, les contes et les chansons, on peut lire en filigrane certaines évolutions.) mais aussi en fonction des personnes qui les vénéraient.
En l’occurrence dans le cas d’Odin, si certaines analyses laissent penser que Thor et Freyr avaient la préférence du peuple, d’autres catégories de personnes devaient sans doute préférer Odin, aspects craignos itou. [Je ne reviendrai pas sur les analyses en question qui ont déjà été mentionnées, au moins en partie, sur ce blog.] Notre attitude par rapport à ce qui est « dans le paganisme » (terme à prendre avec les précautions d’usage, ne pas mettre dans le même panier, et tout le toutim) considéré comme l’aspect « sombre » d’une déité est souvent révélateur de nos craintes, de nos peurs et de notre attitude face à la mort, la douleur, la terreur et j’en passe.
« Le sombre est un outil. Ou un mal nécessaire ». »Si, si j’accepte cette part d’ombre mais » (et j’ai envie de dire comme dans Game Of Thrones « ma mère m’a appris que tout ce qu’il y avait avant le mot « mais » ne comptait pas ») => cela revient plus ou moins à dire « je ne t’accepte pas comme tu es, mais je vais faire un effort, et je suis bien gentil/le de le faire ». Ou « j’en fais un outil, parce que sinon je ne vois pas de justifications à accepter cette part là ».
Comment dire ?
Quand j’aime une personne, je l’aime comme elle l’est. Avec ses qualités et ses défauts. Et parce qu’elle a certains défauts, je la trouve encore plus attachante et je ne l’en aime que davantage. Ce n’est pas toujours simple, ce n’est pas toujours évident. Mais en fin de compte, on ne trace pas une ligne pour dire « ca je prend » et « ca je laisse ». On ne remodèle pas une personne en fantasmant ce que l’on voudrait qu’elle soit, parce que cela ira mieux avec notre caractère, notre histoire, nos attentes et nos projections.
Avec les déités ce n’est pas différent.
Je n’apprécie pas Odin EN DEPIT de ses aspects craignos. Je l’apprécie AVEC. PARCE QUE.
J’ai parfois lu qu’il ne faut pas. Que ce n’est pas conseillé.
On n’est pas obligé de se focaliser « sur ». Mais ne pas se focaliser sur ne veut pas dire « oublier ou composer avec mauvaise grâce ». Ou en faire « un désagrément obligatoire. »
J’honore Viður.
Et Ygg.
Et Hangaguð.
Et les autres.
Les aspects craignos comme les aspects très sympathiques. Ceux qui réjouissent le cœur et l’âme comme les autres. Je n’ai pas envie de coller une part de ses aspects au placard, comme s’ils étaient des détails repoussants.
Est-ce que c’est utile ? Mais encore une fois : vous honorez les dieux, vous les priez et vous les aimez parce que c’est UTILE ? Vous aimez votre chat, votre conjoint/e, vos ami/e/s parce qu’ils sont utiles ? Vous faites tout par intérêt ?
Il paraît que c’est dangereux.
Mais VIVRE est dangereux. La vie est une maladie mortelle. Faire l’amour est dangereux : vous pouvez chopper le sida. Aimer est dangereux, on peut vous briser le cœur. Surtout ne traversez pas la rue, vous pourriez vous faire renverser par une voiture.
On fait attention à tout. On doit vivre sainement. Baiser avec des capotes, ne pas boire, ne pas fumer, manger sain et de préférence bio. S’inquiéter des radiations nucléaires, de la fonte des glaces, de l’inflation de ci et de mi…et on souhaite « une pratique spirituelle sans dangers ? »
On a largement de quoi s’inquiéter de manière pragmatique, si c’est pour s’inquiéter et évaluer ses choix spirituels comme on calcule les risques pour un emprunt bancaire, non merci. Pas pour moi. Je comprends que l’on puisse préférer faire autrement. Que l’on choisisse autrement. Ce sont des choses qui vous regardent, et personne d’autres n’a à vous dire quelles routes prendre, quels chemins emprunter. C’est personnel.
Peut-être que je le regretterai un jour. Oui, peut-être. Peut-être pas. Et non, tout n’est pas toujours rose, toujours facile. Mais non, tout n’est pas horrible non plus.
Mais c’est seulement dans les dernières minutes de mon existence que je pourrais peut-être savoir si ce choix là était d’une idiotie folle ou pas. Très prosaïquement, je pense que j’aurai autre chose à penser.