Une divagation sur Balder

[Partie UPG-esque/perso. Un autre article plus détaillé et analytique suivra un autre jour. Délai non garanti.]

Balder, le fils de Frigg et Odin. Le dieu lumineux et solaire à la mort tragique. Pendant longtemps, la manière dont il était présenté (gentil, bien sous tous rapports, bla bla bla) suffisait à me donner envie de gerber. Rien que pour la forme, je le détestais, comme je détestais Odin. (Il n’y a que les cons qui ne changent pas d’avis.)

Baldur by munashiibennu (deviantart)

Même après avoir commencé à creuser les mythes nordiques, j’avais un peu du mal à le comprendre, contrairement à d’autres personnes autour de moi qui semblaient capter bien plus de choses que moi, et qui avaient (et ont toujours) beaucoup de points de vue pertinents sur lui. Pour moi, Balder, c’était un blondinet hyper mystérieux qui brillait la nuit, qui mourrait connement et dont la mort provoquait un bordel monstrueux. Pardon aux familles, mais c’était ça.

Novembre 2013. Je me remue les neurones valides dont la RAM ne sature pas pour écrire les articles du Odin Project. Et il y a cette drôle d’impression. Celle que Balder est plus ou moins en train de se pointer. Ca me laisse perplexe, même s’il y a eu deux ou trois taunts dans le monde physique (les Dieux nordiques, ces petits farceurs). Une nuit, je rêve de Balder. Le genre de rêve qui vous laisse profondément perplexe au petit matin. Je rêve de Balder la nuit anniversaire de la mort de ma mère. Je me demande si je dois y voir un sens quelconque et décide que non.

Passons. Ce bla bla est modérément intéressant, sa seule utilité étant de situer le contexte.

Balder, figure ambivalente s’il en est.
Il ne parle jamais, sauf pour aller raconter ses rêves à sa mère. On ne sait pratiquement rien de lui. On ne le voit jamais agir. Il y a deux ou trois trucs qui semblent dire que le mec, il est sacrément pawned quand même (le coup des jugements qui ne peuvent se réaliser).
Frigg essaie de le sauver, ca foire magistralement. Elle a voulu prendre toutes les précautions possibles, et du coup, la mort de son fils arrive de la manière la plus horrible qui soit, tué dans une enceinte sacrée, et de fil en aiguille, est l’élément déclencheur qui amènera le Ragnarök.

Il est, malgré lui, une sorte de point de tension, un accélérateur. Un catalyseur.

Balder pourrait-il être une sorte de trickster ?

A l’opposé de Loki, trickster agissant de manière consciente, je vois Balder comme un trickster « à l’insu de son plein gré ». Il ne le fait pas exprès, mais il provoque malgré lui une situation pas possible. La mention de ses jugements qui ne peuvent se réaliser (il faudrait que je vérifie plusieurs traductions des Eddas, histoire de voir si c’est le même sens partout, ou si ce vieux fou de Régis a encore fumé la moquette) est une des justifications pour cette hypothèse (même si je pense que ca a davantage à voir avec autre chose, voir plus loin) : chaque fois qu’il veut faire un truc, ou qu’il essaie d’influencer en ce sens, paf, pastèque. A cette théorie, on peut opposer le fait que tous les Dieux sont soumis au Wyrd, oui. Sauf que les autres, on ne souligne pas précisément ce point là. Dans le cas de Balder, c’est pratiquement un warning : s’il essaie de s’impliquer dans quelque chose, c’est mort.

Après, plus prosaïquement, il est intéressant de déterrer le fait que son fils, Forseti, soit le dieu qui préside au Thing (d’ailleurs en vérifiant, j’ai trouvé que le mot est toujours employé en islandais). Les jugements et sentences du père sont systématiquement caducs. Le fils préside l’Assemblée… Je suppose que c’est davantage en ce sens que les textes mentionnent ces histoires de jugements.

Un Dieu lumineux et bon ?

C’est l’autre point qui m’a/avait toujours fait tiquer avec Balder. Cette manière de le présenter comme une sorte de figure parfaite, dont le portrait contraste singulièrement avec tous les autres.
Lumineux, oui. Mais, comme plusieurs personnes autour de moi l’ont fait judicieusement remarquer, l’aspect lumineux de Balder se rapproche plus des radiations nucléaires que de la lumière du soleil par un bel après-midi. D’une certaine manière, on peut faire un parallèle entre cet aspect nucléaire et son aspect de « trickster passif ».
L’autre notion, celle de « pureté » (notion en réalité abordée / traduite de différentes manières) peut également s’interpréter par le biais de ce prisme : ce n’est pas tant une question de pureté qu’une question de « réaction chimique ». Un peu comme des molécules de telle ou telle substance qui au contact d’une autre peuvent produire différents types de réactions. Balder est en quelque sorte un réactif. A la notion de pureté, je préfère donc la notion d’inertie : ce n’est pas que rien d’impur (ou de mauvais suivant les tradz) soient interdits dans sa halle, c’est « juste » que tout ce qui peut avoir une réaction à son contact doit demeurer à l’écart. Parce qu’autrement cela produit une réaction en chaîne.

J’ai longtemps considéré que Loki et Balder étaient, par essence, antagonistes. Aujourd’hui je suis plus sceptique sur cette question. Quelque part, en dépit du fait que l’un assassine l’autre, en dépit de la question « qui est réellement derrière la mort de Balder ? » (déjà soulevée), il y a quelque chose en eux qui se complète. Je serais bien en peine de dire quoi ou de l’expliquer. (De toute façon, en raison de sa nature UPG-esque, cet article est un point de vue tout à fait personnel.)

Au niveau de la pratique, radiations nucléaires ou pas, je trouve que l’énergie de Balder a quelque chose de remuant. Sous l’aspect « lumineux », son énergie est en fait assez torturée. Comme Heimdall, il est terriblement seul : seul au milieu des autres qui lui envoient des projectiles dans la tronche pour tester son invincibilité. Il est une focale, un transformateur, mais ce qui lui arrive, c’est pour les autres. Balder est un dieu assez distant : j’aurais du mal à l’expliquer, mais autant certaines déités ont une énergie « proche », autant ce n’est pas son cas.

Sa lumière, il la porte dans le monde des morts. Il est la lumière étrange qui brille en Helheim. Il est notre part de renoncement et l’espoir de voir un jour revenir des jours meilleurs. Davantage qu’un dieu lumineux et aimé de tous, je vois en Balder un sacrifié. Un pari sur le futur. Un sacrifié qui n’a rien demandé. Donné dans la douleur pour un peut-être improbable. Sa mort a quelque chose des images de Gaston Bachelard, sur la mort de l’eau et la mort du feu. La mort verticale du feu, irradiante, dans le moment où il est touché par la flèche de gui. D’horizontale et lancinante dans son voyage sur les eaux, dans le monde des morts où il reste.
Même si son aspect lumineux est présent, pour aussi étrange et tordue qu’elle soit, je ne pense pas que sa lumière, souterraine, soit pour nous. Elle est pour ceux que nous avons aimés et qui sont morts. Elle est pour les morts sans noms qui n’ont pas de réconfort. Nous pouvons la percevoir mais pas l’étreindre.

(Finalement, en me relisant vaguement en diagonale, je trouve que Helheim ressemble à un laboratoire P4.
Balder est une substance contaminante que l’on isole pour ne pas radier tout le monde de la carte, en attendant qu’elle puisse être utile, parce qu’on le sait, elle sera utile un jour. Le schéma de sa mort / protection est un protocole de recherche suivi d’un epic fail avec contamination des chercheurs. En attendant, nous nous contentons d’espérer.
Bref, je ne sais pas si je dois trouver ca déprimant, marrant, ou optimiste comme vision.)

[PBP] U – UPG

weyoume_tumblrUPG pour Unverified Personal Gnosis (en français Gnose Personnelle non Vérifiées) est une abréviation que l’on rencontre largement dans les textes anglophones et désigne en gros les informations obtenues sur une déité lors d’expériences personnelles. Ces informations ne sont généralement pas vérifiables (en tout cas pas complètement) par le biais des sources primaires.
Voilà pour la définition de base.

Après, ce qui est intéressant, c’est de constater que si ces informations ne sont pas vérifiables par le biais des sources premières, on peut avoir d’autres bribes d’informations qui s’y rattachent en consultant les sources secondaires. Du moins pour certaines d’entre elles. Prenons deux exemples :

* Dans les pratiques contemporaines, Frigg est souvent associée au bleu clair et au blanc. Rien dans les Eddas ou les Sagas ne confirme cette association, mais rien non plus ne vient l’infirmer. Si on regarde dans les sources secondaires purement universitaires, non plus (encore qu’on pourrait commencer à disserter sur le fait qu’aucune plante native d’Islande ne permettait de colorer les tissus en bleu et que l’importation de la guède dans le pays aurait commencée au XVIIe siècle. A vérifier, ce n’est pas une information de première main. Bref, je m’égare). Si on consulte différentes « sources de travail / réflexions » (comme dans Our Troth, pour ne citer que ce bouquin là), que l’on se réfère à des intuitions/ travaux d’autres personnes qui n’ont pas forcément été compulser des livres sur la question, on tombe souvent sur le même ressenti. C’est une UPG, pas très intéressante si on la prend au premier degré (après tout les couleurs et les dieux…), un peu plus « marrante » si on considère les symboliques des couleurs dans la société scandinaves (et non le bleu n’est pas « la couleur de la connaissance » chez eux.)

* Prenons maintenant un autre exemple, celui de la signification de la Valknut. Concrètement, si ma mémoire est bonne, rien dans les textes ne dit en fait explicitement « ce symbole est celui d’Odin ». On l’a retrouvé gravé sur des pierres trouvées sur l’île de Götland, mais comme le souligne H.E. Davidson dans The Lost Beliefs of Northern Europe (page 31), nous ne savons pas si le cavalier sur un cheval à huit pattes est Odin ou un guerrier mort chevauchant vers l’autre monde. De la même façon, le mot valknut, et son lien à Odin est une attribution moderne. Sa signification réelle a fait l’objet de nombreuses spéculations (celles de Rudolf Simek sont particulièrement intéressantes, malheureusement je ne les ai parcourues que sous forme de citations / mentions dans d’autres ouvrages).
En revanche, travailler avec ce symbole apporte un certain nombre d’hypothèses et des résultats parfois assez, euh, fulgurant. Comme il est intéressant de faire des recherches « personnelles et intuitives » sans rien connaître, et de parcourir ensuite certains auteurs (dans le cas présent Gundarsson,  Richardsson etc.) et de faire une drôle de tête quand on se rend compte que l’on retrouve certaines hypothèses personnelles pratiquement mot pour mot (parfois, prévoyez la gnôle, ca fait un putain de choc.) Ce deuxième exemple est intéressant parce que contrairement au premier, on peut trouver des hypothèses d’universitaires (de là à se dire qu’il y a un genre d’UPG de recherche universitaire qu’ils cherchent ensuite à confimer, et qu’ils planent bien eux aussi…) et aussi parce qu’au niveau de la « pratique personnelle et des techniques » c’est un peu plus dense.

Concrètement, l’UPG vient compléter le lore, les sources, pas les contredire, même si les pistes qui s’ouvrent sont parfois assez surprenantes. Morrigan Darkmoon avait d’ailleurs fait un très bon article dessus.

Le détail, qui me fait souvent râler, c’est de ne pas essayer de faire passer de l’UPG pour un truc historique. Et de préciser, autant que possible (parce que parfois dans le corps d’un article, il faudrait limite utiliser plusieurs couleurs de typo) ce qui relève de l’UPG personnelle, de l’UPG personnelle mais partagée par d’autres personnes, de la recherche universitaire, des sources premières, des sources dérivées (contes, légendes, coutumes, linguistique). Question d’honnêteté intellectuelle et surtout, de ne pas « semer ses intuitions personnelles » en les faisant passer pour ce qu’elles ne sont pas, mais aussi de permettre aux gens de pouvoir creuser par eux-même s’ils le désirent au lieu de les amputer et de les rendre dépendant d’une personne (et/ou de ne pas s’approprier le travail d’autrui). Deux personnes (ou plusieurs) ont le droit d’être d’accord et celui de ne pas être d’accord sur une intuition, un ressenti, bref, une UPG.

Autant que possible, de la manière dont je considère les choses : chacun est libre d’avoir une UPG / une pratique, à partir du moment où la personne sait un minimum m’expliquer comment elle en est venue à cette conclusion (sans me dire « on me l’a dit et c’est tout » -sauf si c’est pour des détails, comme les couleurs ou les offrandes, ou même les plantes/animaux, et encore pour ces derniers, un minimum de lien dans la réflexion, c’est mieux.)
L’UPG ne devrait jamais non plus être une manière d’écraser les autres ou une façon de les diriger / les manipuler. Avoir une putain d’UPG « béton » (comme si ca existait) sur une déité ne veut pas dire que l’on vaut mieux que les autres ou que vous avez le droit de leurs dire comment ils doivent la considérer ou pas. Ce n’est pas parce que l’expérience d’une personne ne coïncide pas avec la vôtre que vous devez lui dire que « ah mais non, ce n’est absolument pas ça, d’ailleurs, je suis prêtre/sse de machin/sorcière initiée/spirit-worker/ta mère en slibard, donc moi je sais et pas toi. » Je mentirais si je disais que parfois je lève pas les yeux au ciel en lisant certains trucs (souvent j’ai les mains qui me démangent), mais après tout, je ne marche pas dans les pompes de la personne, et ca peut-être intéressant d’en discuter, pas pour rallier l’autre à ses idées (une discussion qui a pour but de convaincre autrui que l’on a raison part sur de mauvaises bases à mes yeux), ne serait ce que pour voir comment l’autre fonctionne (les gens emploient des mots, sauf que ces mots ne veulent pas dire la même chose pour chacun : et hop problème de communication. Certains sont même spécialistes de ça.) Dans le même ordre d’idée, ce n’est pas parce que vous êtes débutant/e que vous ne pouvez pas avoir d’UPG : c’est un peu comme si on disait « ah non, tu es trop jeune pour avoir une sensibilité (l’exemple n’est pas très bien choisi, mais l’idée est là). Ce n’est pas un « bonus » qui tombe pour fêter vos trois ans de pratique, c’est plutôt le travail quotidien.

Après on a aussi le droit de trouver que l’autre fait de la merde, que ce sont des idioties. De ne pas être d’accord. Si c’est le cas, je pense que l’on est -heureusement- libre de dire « bah écoute, pour moi ca colle pas du tout. je ne suis pas d’accord avec toi, mais après tout, tu es grand/e, tu fais comme tu veux. A l’occasion tient moi au courant. » [Personnellement, si quelqu’un me demande un avis, je lui donne. (Si l’avis consiste à répondre à la question « et à ma place, tu ferais quoi ? La personne peut aller voir ailleurs si elle y est. S’il n’est pas d’accord, il fait comme il veut, c’est pas mon problème.) S’il va pas dans le mur, tant mieux pour lui. S’il va dans le mur, c’est « tant pis pour lui » ou « bien fait pour ta gueule » suivant mon humeur.] Parfois on peut se tromper ? Oui, on peut toujours se tromper, quel que soit le domaine, UPG itou, peu importe le nombre d’années d’XP. On n’arrive pas au level 90 et hop ca y est. 😉

Pour résumer le pavé : Pratiquez. Notez. Lisez. Réfléchissez. Et puis éclatez-vous, merde.

Rétrospective sur le travail avec Frigg (Mois pour Frigg)

Auteur inconnu

Il y a des déités, au hasard Loki et Odin, qui sont du genre très actives, le type qui se pointe dans la vie des gens de manière impromptue et qui vous traînent rapidement vers certains objectifs. Ils sont du genre assez explicites quand ils s’y mettent.
Il y en a d’autres, comme Frigg, qui arrivent discrètement, tellement discrètement que vous vous demandez comment faire avec eux. Frigg n’est pas très explicite. Elle ne vous demande pas de grande chose. En fait, au début, elle vous regarde vous débrouiller sans rien dire, avec un sourire en coin qui me fait irrésistiblement penser à Mme B., ma prof de français au collège. Elle vous connaît, elle vous observe, elle sait pourquoi vous tournez en rond avec cet air de carpe koï noyée dans une mare, elle sait aussi ce que vont engendrer vos tentatives, et elle connaît la signification de certaines choses auxquelles vous ne pensez pas. Mais elle ne dit rien. Elle reste là et elle vous laisse la possibilité de démarrer consciemment quelque chose ou de le refuser. Contrairement à notre duo-mortel qui débaroule et qui se fout royalement de votre consentement -au moins au début, j’ai eu l’occasion de constater que souvent, après vous avoir bien fait passé par les montagnes russes, ils vous laissent le choix. Quel choix avez-vous envie de faire, c’est une autre histoire…- Frigg attend que vous vous bougiez les fesses et dites « oui » ou « non », plutôt cohérent avec son aspect mainstream j’ai envie de dire.

Elle vous regarde, avec vos préjugés, vos galères, vos remugles, vos difficultés et votre bonne volonté enfantine. Elle ne débarque pas avec le mode d’emploi « tu vois je suis comme ça. Ca maintenant c’est terminé et tu es prié(e) de faire ça. » Non. Par contre vous pouvez vous retrouver assez brusquement à shapeshifter en Bree Van de Kamp.

L’importance du foyer propre et clean, de l’ordre.
L’extension du microcosme intérieur au macrocosme visible, à l’environnement immédiat. Il n’y a pas de réelle dichotomie entre le spirituel et le matériel. C’est souvent nous qui en mettons une, par réaction ou parce que nous continuons à aller dans le sens de ce que l’on fantasme ou de ce que l’on nous a appris. Pas plus que les déités n’aient réellement des petites cases bien définies avec des fonctions claires et distinctes. Oui, elles ont souvent une fonction principale, mais on peut retrouver cette fonction chez d’autres, et inversement. Ce n’est pas un coloriage de vitrail avec « prière de ne pas dépasser », c’est plutôt un kaléidoscope.
Je me demande si ce n’est pas pour nous rassurer que nous tentons de les englober dans une définition précise, parce que nous sommes incapables de les saisir dans leurs globalités.
On devrait être reconnaissant de ne pas être seul à prier une déité. Ce n’est pas un hasard si certaines déités « fortes » ont pas mal de suivants, ce n’est pas -uniquement- la fascination qu’elles exercent ou leurs attributs, ou une question de classe. C’est une question de répartition des charges. On n’est jamais que des humains, certes, sympa, pas trop cons, etc, mais même dans leurs « bons » côtés, les dieux sont terrassant, écrasant. On parle beaucoup des dangers du « horsing » parce que ci, ca, gna gna gna. Mais leurs énergies pures et simples peuvent nous disloquer, nous briser. En tout cas nous faire violemment réaliser que si on comprend 0,1% de la déité, c’est déjà très bien. Et pour rappel, l’amour est surtout redoutable et flippant. Dixit la personne qui a dit « X. a un amour abomiffreux » au lieu « X. a un humour abomiffreux ». Bref.

Pour établir un parallèle avec la Photographie, le Foyer constitue la focale du travail. Si la focale n’est pas bien réglée, vous ne pouvez pas faire de taf correct. Après avoir maîtrisé à la perfection, après avoir intégré les bases, les règles, les différentes étapes, vous pourrez vous en éloigner. Sinon, c’est juste du patouillage brouillon au petit bonheur la chance.
Le Foyer est le centre, après vous pouvez remonter les fils, un après après l’autre. Fils qui s’avèrent très vite connectés entre eux. Et là, tiens, la déesse du Foyer devient plus complexe, et sans parler de leurs rapports entre eux.

Frigg comme déesse de cohésion et du lien social ?
Oh oui. Je me suis fait assez tirer l’oreille et réprimander pour mon comportement, avec, une fois ces histoires de discipline et de ménage posées, pas mal de consignes sur ce que j’avais intérêt à faire. Elle ne file pas de modus operandi, elle vous laisser vous creuser les méninges, mais les vieilles habitudes et les schémas de pensées moisies, on vous les étiquette rapidement comme « à jeter ».
Marrant, mais elle a beau rester en retrait, je la soupçonne très fortement d’être « celle qui ouvre la porte ». Quelque chose comme « bon, ca va, tu as compris les bases, maintenant, on va te faire comprendre les choses de manière globale. Et si je t’entend dire un seul gros mot, je te lave la bouche au savon. C’est ma parentèle, c’est moi qui décide, et tu as intérêt à apprendre les bonnes manières, espèce de fille de ferme mal dégrossie. » Très sincèrement, quand elle est comme ça, même le Vieux ne la ramène pas, non, il préfère fumer sa pipe peinard au coin du feu et vous regarder genre « ah moi j’y suis pour rien, tu te démerdes gamine, c’est pas mes oignons. »

Auteur inconnu

Frigg, Mère-de-Tout
Ces histoires de Frigg comme « Mère-de-Tout » que l’on pose souvent en miroir de l’aspect Père-de-Tout chez le Vieux, je le vois pas relié directement à ces histoires de maison/foyer/bébés/maternité/maman. Frigg est plus subtile, parce que les quelques déesses-mères que j’ai pu croiser, je les trouve plutôt étouffantes et totalitaires, prompts à vous faire subir un lavage de cerveau. Je comprend pas pourquoi on fait toujours de ces déesses des figures sympas, cool et gentilles, alors que sincèrement, elles ont un côté monstrueux qui ferait presque passer Fenrir pour un gros loup en peluche.
C’est davantage lié au côté « régulation des liens sociaux » : commencer à bosser avec Frigg, c’est un peu se retrouver obligé d’avoir une vision plus nuancée et de considérer les déités de la mythologie nordique (au moins pour les Ases) dans leur ensemble. Vous ne pouvez plus dire « bon, alors toi je t’aime pas, donc je te laisse de côté, je ferai semblant de pas te voir. » parce qu’alors vous vous allez vous retrouver avec le goudron et les plumes. Ou des ennuis juste dans le champ d’attribution principal de la déité en question, juste pour que vous puissiez avoir l’opportunité de réfléchir et d’être moins psychorigide. Vous suivez ou vous ne suivez pas. Mais ouais, vous ne pouvez pas faire le tri en disant « celui ca va, celui là je veux pas. » C’est à prendre ou à laisser.
On peut le voir comme de la coercition, mais cela n’en est pas. C’est même très cohérent si l’on considère les notions d’iinnangard et d’utangard. Vous êtes dedans, ou vous êtes dehors, il n’y a pas de milieu confortable. Ceux qui ont la voix de Cersei Lannister dans la tête ont gagné : Frigg est une reine. Et je peux vous dire qu’une reine qui ne dit rien signifie beaucoup de choses, mais pas forcément qu’elle ne soit ni dangereuse ni puissante. Ne pas oublier que la Maîtresse du Foyer est celle qui détient les clés.

Frigg, Internet et l’adaptabilité des Dieux (Mois pour Frigg)

Si les déités sont anciennes, il est difficile de retracer leurs évolutions et leurs changements progressifs de manière certaine. Certaines ont sans doute absorbés des caractéristiques qu’elles ne possédaient peut-être pas au départ, d’autres ont sans doute fait des apparitions plus tardives que d’autres. Cela ne les rends pas moins valables que d’autres sur lesquelles on possède plus d’informations rendant parfois un semblant de datation possible.

1. Le bla bla factuel (background technique)

Je suis en train de lire actuellement Helrunar, de Jan Fries, et je trouve que cet auteur apporte des perspectives et des réflexions très intéressantes. Dans la première partie du livre intitulée How did it all begin ? il fait un topo assez complet sur l’histoire et émet une série d’hypothèses, écornant au passage beaucoup de certitudes ou d’idées que l’on nous a inculquées à l’école (au hasard, sur Jules César).

Page 106, il parle de l’évolution de la figure d’Odin, et à propos de la tête de Mimir, il souligne, non sans humour, que les dieux évoluent, et qu’il n’est pas ahurissant de penser que les mythes futurs pourraient présenter un Odin consultant un ordinateur nommé Mimir.

« Perhaps future myths will have Odin consulting a computer called Mimir. »

Si cette théorie peut froisser certains puristes -ce que je comprends-, l’idée que les déités se sont adaptées au monde moderne est très loin d’être une absurdité. Elle est même plutôt logique et cohérente. Si nous avons des détails concernant certains types de cultes, la vision d’ensemble reste lacunaire, autant sur les relations réellement entretenues avec les dieux, que le fonctionnement d’une possible prêtrise. La véracité et l’exactitude des récits sur lesquels les pratiques reconstructionnistes se basent habituellement sont à nuancer. Tel auteur était chrétien (Adam de Brème nous parlant des sacrifices ayant lieu tous les neuf ans à Uppsala) : son témoignage était-il fiable, ou bien a t-il noirci le tableau ? La Germanie de Tacite ? Oui, mais d’après ce que j’ai pu lire, son récit se base sur des témoignages, pas sur une observation (sans rentrer dans d’autres détails). Le regroupement « panthéon germanique » et « panthéon nordique » n’est pas forcément pertinente, et même à l’intérieur du « panthéon nordique », les relations entre la Norvège et l’Islande (colonisée au IXe siècle), plutôt tendues, rendent également fragile une harmonisation « aveugle » entre « les pays scandinaves ». Bref, c’est un merdier sans nom, et tout ce que nous avons relève de la supposition bien plus que de la certitude absolue.

Ceci posé, nous continuerons d’employer le terme « panthéon nordique » par souci de commodité. 😉

Les relations entre les gens et les déités du panthéon nordique auraient été relativement « proches », je ne rentrerai pas dans le détails et l’articulation des relations : c’est simplement que si le blót avait également une fonction de « renforcement des liens entre la divinité et les gens », supposer qu’au moins certaines d’entre elles aient choisis de s’adapter aux modes de vies contemporains et d’être honorées « avec les habitudes actuelles », même sans entrer dans de l’UPG, n’a rien d’inconcevable.

2. Frigg et Internet (avec des bouts d’UPG)

Les déités évoluent donc. Et ainsi que le mentionne Jan Fries dans son ouvrage, considérer Odin comme relié à des bases de données ou même internet n’a rien d’absurde (l’image est plutôt amusante je trouve),

Pour Frigg, c’est encore plus amusant si l’on prend en compte le fait que « web » veut dire « toile ». La toile du web (pléonasme). Le maillage entre les différentes informations, les croisements, les « nœuds » de la toile (les routeurs), les différents fils composant le wyrd (l’IP) etc.

Au niveau de la pratique, j’avais déjà eu l’occasion de constater que, si, si, les dieux savaient s’adapter, n’avaient pas perdu leur humour et rien de leur caractère au passage. Très récemment, au cours de ce mois pour Frigg, il s’est passé deux choses assez « marrantes » (sur le coup c’était moyen tout de même) qui ont fini par faire « tilt » et par aboutir à cet article. Les deux anecdotes sont relativement parlantes au niveau de la connexion (sans jeu de mots) entre cette déesse et le web.
Ou comment quand elle a décidé que ca allait filer droit, vous faites pas le mariole. Et elle est assez stricte sur certains points : imaginez quelqu’un qui veut se connecter à son jeu en ligne favori, « bon mon taf de recherche et le ménage je le ferai plus tard », et après avoir échangé quelques boutades avec un pote sur le fait « qu’on va se faire déchirer, le taf est pas fait », paf, plus de serveur. « Nous nous excusons de la gêne occasionnée. Nous travaillons à la résolution du souci technique ». * soupirs * Y’a pas mort d’hommes, mais c’est chiant.
Frigg c’est ca : si vous avez la flemme de faire le boulot, vous vous retrouverez avec un filtre de contrôle parental. Et pas de pizza pour dîner non. Sinon c’est pas drôle.

Parfios je me dis qu’elle et Odin formeraient un drôle de couple geek à l’heure actuelle. En fait, je les imagine bien tous en train de faire une Lan-party ou un raid sur Wow. « Bon, Thor, tu tank. Le Vieux, tu DPS, Loki qui joue un voleur spé assassinat, Eir qui heal. »