Frigg et Freyja, une seule et même déesse ? (Mois pour Frigg)

Frigg, par Marikobard

Si Frigg et Freyja sont présentées comme deux déesses distinctes, elles présentent un certain nombre de points communs qui ont conduits certains spécialistes à se demander si elles n’étaient pas, à l’origine, une seule et même déesses.
Je vous propose de faire le point rapidement sur ce qu’en disent certains spécialistes et ensuite ce que j’en pense (ou pas, si vous vous en foutez, j’en ferai pas une jaunisse.)

Ce qu’en disent les spécialistes (bref aperçu)

1. Jan Fries

Dans Helrunar, Jan Fries reprend cette théorie et explique notamment que chez les Anglo-saxons (?) et les Lombards, c’était Freyja qui était l’épouse d’Odin, mais sa sexualité très active la rendait inacceptable pour un pays très prude comme l’Islande -pays dans lequel la poésie amoureuse était par exemple interdite. Parallèle intéressant, je crois que c’est Régis Boyer dans sa traduction des Eddas poétiques qui relie Freyja et ce type de poésie. Pour cette raison, on introduisit Frigg (ou on peut la voir comme une version « chaste » de Freyja, mais je ne suis personnellement pas très fan de cette interprétation, nous verrons pourquoi.)

2. Hilda Ellis Davidson 

Dans Gods and Myths of Northern Europe, elle ne doute pas que Frigg et Freyja soient très fortement connectées. Elle se base notamment sur l’aspect maternel et protecteur de ces deux déesses, qui étaient appelées notamment dans un cadre de fertilité/protection lors de l’accouchement/protection des nouveaux-nés. Cet aspect de Frigg est relié aux fonctions originelles des Vanes. Leurs champs d’interventions pourraient signifier qu’elles sont les deux aspects d’une même déesse, et elle fait ensuite un parallèle avec l’existence de certaines triades comme Asherah, Astarté et Artémis. (Elle inclue à titre d’exemple Skadi comme possible « troisième figure » d’une triade nordique).

3. Britt-Mari Näsström 

Elle pointe également un certain nombre de similitudes entre ces deux déesses, et met en avant le fait que même Sturluson semble parfois faire des confusions entre les deux (je ne détaillerai pas), même si, fidèle aux tendances de son temps, il tend à rattacher Frigg à Junon et Freyja à Vénus. Les deux déesses sont liées aux question de fertilité, ce qui les relient, l’une et l’autre à une sexualité active. Dans la Lokasenna, les deux sont d’ailleurs accusées d’infidélité et/ou d’être licencieuses. Deux autres parallèles : la parenté de Frigg, « fille de Fjörgyn ». Fjörgynn, avec deux -n serait un nom masculin. Si on se base sur la dualité/union Njörd-Nerthus pour Freyja et Fjörgyn (Jörd)- Fjörgynn pour Frigg, on les rattache toutes les deux au même type de parentèle. L’autre parallèle concerne un sort pour guérir les chevaux, qui fait appelle à Frigg et à Freyja. Dernier point (bonus) : les deux possèdent une peau de faucon, même si contrairement à Freyja, on ne voit jamais Frigg s’en servir.

4. Kvedulf Gundarsson

Contrairement aux auteurs ci-dessus, Gundarsson (dans Teutonic Religion) établit clairement la distinction entre Freyja et Frigg ,et explique qu’un lien entre les deux semble hautement improbable, étant données leurs comportements respectifs au niveau sexuel. Le lien entre la mort et Freyja ne se retrouve pour lui pas chez Frigg. Le lien entre Freyja et Odin est relativisé, s’appuyant sur la liberté sexuelle dont fait preuve Freyja, signe d’une union qui, si elle existe, est beaucoup moins socialisée qu’entre Odin et Frigg. Il fait la distinction entre les panthéons germaniques et nordiques, précisant que chez certains peuples germaniques, il était possible d’avoir plus d’une seule femme et précise que seule Frigg donne explicitement des conseils au Vieux et partage avec lui la possibilité de pouvoir s’asseoir sur Hlidhskálf.

Ce que j’en pense

Freyja par Darkliminality

En fait, pas grand chose. Etant donné la complexité et les différentes évolutions des déités dans les grandes branches germaniques et nordiques, un certain manque de sources primaires (à part Sturluson et Saxo Grammaticus -dont les histoires sont parfois très différentes des Eddas, comme par exemple avec Balder- il n’y a semble t-il pas grand chose), le mixage de toutes ces sources qui sont parfois mises sur le même plan dans certaines analyses, je pense que l’on ne peut rien affirmer.
Freyja et Frigg étaient-elle une seule et même déesses ? C’est possible, ou deux déesses issues de la même parentèle et aux fonctions similaires qui ont finit par se confondre, chacune étant plus ou moins présente dans certaines aires géographiques en fonctions des sensibilités communes, avant que la tradition ne soit couchée par écrit ? Très possible aussi.

Je ne suis pas tout à fait d’accord avec le raccourci de Jan Fries, notamment parce que si ma mémoire est bonne, il y a un certain nombre d’endroits en Suède/Danemark (?) qui seraient nommés d’après son nom, et la toponymie serait un indicateur relativement fiable de la popularité d’une déité. Si elle avait été uniquement un aspect « lissé » de Freyja, je ne pense pas qu’on aurait retrouvé sa présence sur le continent. Il serait intéressant de regarder attentivement le folklore et les légendes typiquement islandaises et de gratter un peu. D’autant que qualifier une société de « prude » dix siècles plus tard, quand les sources écrites sont chrétiennes, bon, c’est à prendre avec précaution. Si cela se trouve, c’est exactement l’inverse : pourquoi avoir interdit la poésie amoureuse si la société était si prude que ca ? D’autant que « la société » sans distinction entre les différents milieux, c’est un peu casse-gueule. Enfin, je trouve. Dans la série des parallèles marrants, bon Freyja est connectée aux chats, etc. Je ne sais plus où j’ai lu que lors d’un mariage, on offrait aux jeunes mariés des chatons, comme signe de fertilité et de bonheur.

Toujours de mémoire, je crois que c’est dans le bouquin de Jean Renaud que ce dernier explique qu’Odin était surtout le dieu des classes dirigeantes tandis que les classes plus populaires auraient largement préféré Thor et Freyr. Ca sent un peu le Dumézil, mais on pourrait imaginer que Freyja aurait pu être la préférée des classes populaires, tandis que dans les couches plus favorisées, avec les mariages d’alliance qui étaient plus nécessaires, favoriser une déesse liée à ce domaine et à ses responsabilités auraient pu être une façon de canaliser les jeunes femmes. Encore une fois, c’est supputer sur la façon dont était perçu le mariage dans ces sociétés. Pour le peu que j’en sais à l’heure actuelle, le mariage semblait être surtout une affaire de raison et d’alliance. Est-ce que c’était commun à tous les milieux ou propre à certains d’entre eux ? Quid des différents lieux (Norvège, Danemark, Suède, Islande ?) qui avaient peut-être des façons un peu différentes de voir les choses ? Je n’en sais rien.

Dans le fond, est-ce que c’est si important ?
Qu’elles aient été ou non une seule et même déesse, je pense qu’elles sont maintenant deux déités distinctes. Les spécialistes ne peuvent rien infirmer ou confirmer, et au niveau de la pratique, Frigg et Freyja sont largement reconnues comme deux déesses différentes, même si là aussi, chacun a sa façon de considérer leurs origines respectives.
Au niveau UPG, si elles partagent des attributs en commun, je ne les trouve pas semblables du tout. Ne serait-ce que parce que je me suis toujours jetée par Freyja mais pas par Frigg. C’aurait été plus intéressant si j’avais pu travailler avec les deux et vous donner des pistes un peu plus épaisses, mais ce n’est pas le cas. Je connais en revanche plusieurs personnes qui ont travaillé avec les deux, et parmi elles, aucune ne les a collé dans le même bocal avec la même étiquette dessus.

« Faire le Travail » (Mois pour Frigg)

« C’est ton Travail. Ce n’est pas à toi de décider si c’est utile ou non. Fais-le. Point. « 

Le travail de Frigg est ce que j’appelle un « travail invisible ». Comme ses corollaires, les tâches ménagères, souvent décriées aujourd’hui. Combien de fois entendons-nous que telle personne étant à la maison toute la journée, elle a n’a rien à faire de ses journées, qu’elle peut se reposer toute la journée. Qu’elle n’a que ca à glander.
Le sous-entendu étant que seul le travail extérieur compte, le travail monétaire, visible, est le seul qui soit reconnu socialement, validé par les pairs et respecté. Pour tous les autres types de taf, vous pouvez vous grattez niveau respect ou reconnaissance. Et par reconnaissance, je n’entends ni ovations ni remerciements, ni acclamations. Juste reconnaître que telle tâche prend du temps, qu’elle est coûteuse en terme de « temps libre » pour la personne qui l’effectue, qu’elle n’est pas forcément faite « parce que la personne aime ca ».
L’invisibilité du Foyer en tant que lieu de pouvoir, de réalisations, de travail. On pense à la figure de la femme/l’homme au foyer (avec ou sans enfants), bien sûr. On peut en rajouter d’autres : ceux qui travaillent chez eux et qui sont dans l’imaginaire social « libre de faire ce qu’ils veulent quand ils veulent,  sans impératifs, sans dead line. Les chômeurs. On peut rajouter aussi « la double journée de boulot » : les tâches du Foyer quand le Travail Visible est terminé.
On pourrait nous rajouter nous. Nous tous. Les Sorciérons. (Un jour je le ferai breveter ce terme ;o j’ai été inspirée le jour où je l’ai inventé, pour les besoins d’une histoire pour enfants que je voulais écrire. Par ce terme, je désigne les « sorcières » mais aussi tous les types de pratiquants, parce que les termes anglophones me broutent. C’est dit.)

Les Sorciérons, qu’ils aient ou non un Travail Visible, ont un Travail Invisible.
Dévotions, prières, rituels, voyages, utiseta, seiðr, divinations, peinture, écriture dans ses journaux / blogs / mails, bricolages-ciérons, recherches, guérisons diverses, rituels, préparations, échanges, tirage pour les autres, mettre ses données à jour, faire les offrandes… j’en oublie. La liste est variées, les choix multiples, les journées longues, les sentiers uniques.

Travail Invisible.

Facultatif ? Non. Vous êtes un Sorciéron ou vous ne l’êtes pas.
Si vous l’êtes, vous avez votre Travail Invisible. Que vous le voyiez ou non. Que vous le teniez ou non pour un Travail. Et si vous ne le reconnaissez pas pour vous, personne d’autre ne le fera. Personne ne prendra soin de vous à votre place. Personne ne posera les limites pour vous. Ne vous faites pas bouffer, Petits Mignons Ciérons.

Quel rapport avec Frigg ?

Son Travail est Invisible.

Elle ne se pend pas à un arbre pour ramasser les runes. Elle ne porte pas de bol dans une caverne. Elle n’a pas les pommes de jouvence. Elle ne chamanise pas (dans les textes, elle a une cape en plumes de faucon, mais contrairement à Freya, on ne la voit jamais s’en servir.) Elle ne va pas buter des géants. En apparence, elle ne glande rien. On sait qu’elle file. Mais on ne l’entend pour ainsi dire jamais. De temps en temps, elle essaie de faire en sorte que le Vieux ne rajoute pas une connerie de plus à son compteur, ou ne poutre pas les Lombards (de mémoire). Que lui et Loki arrêtent de s’insulter.

Personne ne la voit filer. Personne ne la voit jamais faire. La seule et unique « action performative », c’est quand elle fait prêter serments à toutes les créatures pour qu’elles ne blessent pas Balder. Et elle se foire.
Pour une fois qu’elle fait un truc Visible, elle se viande. Avouez que c’est quand même pas de bol.

Parce que son vrai pouvoir n’est pas Visible. Elle file le Wyrd. Elle accompli un travail en planque, derrière les Nornes. On pourrait penser que c’est mineur. Un détail. Oui elle file, et alors ? Et alors ?
Réfléchissez à la chance que représente un destin sur lequel il est possible d’agir. Qu’il est possible de modifier, au moins un peu. Imaginez que cela ne soit demain plus le cas ? Imaginez. Allez, disons que demain, un gus se pointe et vous dit que vous allez faire ca, parce que vous n’avez plus d’orlög qui va influencer votre wyrd, que tout est plié, et que si vous ne le faite pas, c’est toute la lignée des ancêtres qui va morfler.

Juste « imaginez ». Vous le sentez le monstrueux merdier cosmique, au niveau humains et divins que cela serait si Frigg ne filait pas la matière des Nornes ?
On peut dire que Frigg provoque la mort de Balder telle qu’elle a lieu, puisqu’elle ferme des possibles, mais on peut aussi dire que, la mort de Balder semblant assez curieusement orchestrée par le Vieux, elle est aussi celle qui fait la main invisible (pardon Smith) : si Balder ne mourrait pas comme cela, les événements n’auraient pas lieu de la sorte, pas de chuchotements sur le bûcher funèbre, pas de Draupnir glissé en douce, pas de retour après le Ragnarök et pas de Gimlé étincelant.

Pendant que Odin va secouer une völva morte, qu’il galope partout comme un gros chien fou, Frigg fait son travail de son côté. Mais il n’y a aucun texte pour le raconter. Et quand on parle de Frigg, on a oublié son travail. Qui n’est ni visible, ni extérieur. Ni flamboyant. Frigg est devenue la déesse de la machine à laver le linge et du moutard que l’on torche. « Epouse de ». Ben voyons.
Franchement, le concept de « parure de banc », ca vous parle ? En tout cas, les déesses ne sont pas des parures de banc. Ni Frigg. Ni Freya. Ni Iðunn. Ni Sigyn. Ni aucune autre. Qu’elles vous semble ou non intéressantes. Qu’elles soient ou non « visibles ». Qu’elles vous semble ou non « utiles ». Que vous les aimiez ou non.

Vous voulez honorer Frigg ?
Prêtez attention au temps qu’il faut à autrui pour faire des choses que vous considériez comme allant de soit jusque là. Considérez ces choses faites quotidiennement comme des grâces, et non comme des dus.

Et :

Faites votre Travail Invisible.
Même si vous en avez marre.
Même si c’est dur.
Même si ce n’est « pas classe. »
Même si personne ne le sait.
Même si personne ne le reconnaît.

Faites votre Travail Invisible.

Vous n’êtes pas tout seul.

Les chats. C’est bien les chats. Dixit LA MORT dans Pratchett. (auteur du gif inconnu)

Frigg la Mère contre Freya la Putain ? (Mois de Frigg)

J’ai parfois la sensation que Frigg brille par son absence : quand on lit des blogs, et dans une moindre mesure des ouvrages sur la mythologie nordique, on constate qu’il y a finalement peu de personnes qui parlent de cette déesse. Elle est rapidement mentionnée, introduite souvent comme étant « la femme d’Odin » et celle qui gère la vie de couple, le mariage, les relations amoureuses (et encore, puisque quand on en vient à la question de la sexualité, la plupart des gens switchent sur Freya) et les enfants. La maison. Elle n’est pas décrite comme une völva, elle n’est pas une « guerrière » au sens où ce mot est le plus couramment employé. Bref, à première vue, j’ai parfois l’impression que Frigg, pour beaucoup trop de monde, c’est la meuf du Vieux, la bobonne au foyer qui s’occupe des moutards et basta. C’est vrai qu’à côté, Freya doit apparaître beaucoup plus « classe » : la femme indépendante, qui baise qui et où elle veut, qui guerroie, chamanise etc. Freya la femme libérée, Frigg la soumise.

Frigg by ~Lhox on deviantART

Le « paganisme féminin » (note : terme qui pour moi ne veut rien dire de base.) qui à force de simplification et de compréhension lacunaire, sous couleur de libération et de pouvoir féminin nous ressort parfois le surgelé décongelé de la Mère ou la Putain. Tellement plus classe d’être une Putain. (note : pour être plus juste, et parce que montrer du doigt un courant est une généralisation réductrice, je devrais dire plutôt dire « un certain nombre de personne qui fragmentent et décomposent pour n’en régurgiter qu’une partie lacunaire », mais c’est tout de suite plus velu)
Ca me rappelle cette vieille dichotomie du féminisme tel que les gens l’entendent : le féminisme c’est écraser les hommes, c’est aller bosser, baiser, faire ce que l’on veut. « Moi je ne suis pas féministe, je suis Mère au Foyer et j’aime ca ». Des claques. Le féminisme, c’est l’idée révolutionnaire que les femmes sont des êtres humains à part entières, libre et autonome, pas des citoyens de seconde zone qui ont à demander la permission de faire quoi que ce soit. Des êtres humains sans tutelle. Quand quelque chose vous gêne dans le féminisme, remplacez le mot « femme » par le mot « noir », « juif », « immigrés », « handicapés ». « Je ne suis pas contre le féminisme, mais regarde, des hommes battus il y en a aussi », alors j’entends la vieille serpillère de mots « je ne suis pas raciste, d’ailleurs j’ai des amis noirs/immigrés/maghrébins etc, mais [insérez ici un paradigme merdique]. Passons sur l’idée que dire « le féminisme » c’est comme dire « le paganisme », il y a un nombre incalculable de courants.
Si, vous pouvez être Femme au Foyer et aimer ca, et être féministe. Le féminisme n’est pas là pour vous dire « il FAUT aller faire ci ou ca », c’est « laissons les femmes faire les choix qu’elles veulent, pour elles, par elles. Sans obéir à un diktat social (rester à la maison correspondre à l’image d’Epinal de la Mère Parfaite) ou parce qu’il n’y a pas de place en crèches et que l’assistante maternelle coûte trop cher. Faire ses choix avec le plus de liberté possible, et pas parce qu’ayant un vagin, on est priées d’occuper cette place là et de fermer nos gueules.

Ca ne vous plait pas ? I don’t give a fuck. 

Voilà pourquoi Frigg comme archétype de la Femme au Foyer Soumise opposée à Freya la Libérée trop true, non seulement je n’y crois pas, mais qu’en plus je trouve ca inepte. Pourquoi vouloir les opposer ? Parce que vous ne parvenez pas à vous extraire de votre éducation monothéiste puritaine ? C’est assez révélateur de cette tendance à nous présenter systématiquement « les fâmes » comme des harpies se crêpant le chignon entre elles, incapables de s’entendre, quand les hommes se regroupent naturellement en fraternité. C’est tellement plus facile, désosser pour mieux réguler. Je ne pense pas avoir retrouvé des mécanismes semblables quand il s’agit des dieux nordiques d’ailleurs.

Il aurait été intéressant que je puisse aussi parler de Freya en détails, mais je ne pratique pas avec elle, ce que j’en connais s’est dessiné à contrario du reste.

Frigg est une déesse puissante : le fait qu’elle gère les affaires domestiques courantes, est un signe de pouvoir si on replace cette fonction dans le contexte de la Scandinavie ancienne. La femme avait toute autorité sous son toit : une fois la poutre du toit franchie, vous étiez sur son domaine. Son toit, ses règles, sa souveraineté. Si la maîtresse de maison vous refusait l’hospitalité, voyageur de passage, vous étiez dans la merde.
Et quid de la sexualité ? Elle est vraiment curieuse cette tendance à ôter de l’énergie de Frigg toute connotation sexuelle pour les confiner à Freya. C’est très post-moderne comme façon de voir, et on retrouve les vieilles antiennes « les gens mariés de toutes façons, ils ne baisent plus ». Mais bien sûr… ou alors c’est l’idée que votre papa et votre maman s’envoient en l’air sans visée procréative qui vous gêne ? Mais si les gens mariés forniquent. Ils y prennent même du plaisir. Sans qu’il y ait un but. Et non, le temps ne détruit pas forcément tout. L’obsolescence programmée n’est pas une fatalité à ce niveau là.

J’ai entendu une fois quelqu’un me dire que Odin n’en avait rien à foutre de Frigg, qu’il se la coltinait comme un mal nécessaire, qu’il ne l’aimait pas. Mais oui, c’est une façon de penser binaire et confortable (sans compter que je ne vois pas en quoi ca nous regarde de toutes manières). Si on schématise, on retrouve d’ailleurs une trame toujours actuelle : deux femmes, et au milieu un homme. Et forcément, les femmes se chamaillent pour un homme (ou pour des fringues, il n’y a qu’à voir l’étouffant renouvellement de créativité dans le domaine du marketing au moment des soldes), elles n’ont pas d’autres centres d’intérêt dans la vie, c’est connu. C’est surtout révélateur comme manière de penser : amusant aussi le nombre de personnes qui essaient de savoir si Frigg et Freya pourrait être une seule et même déesse, parce que quand même, quand on gratte le lien que chacune à avec Odin, et bla bla bla. Sérieusement, merde, vous n’avez que ca comme angle de pratique « essayer de savoir avec qui Odin baise ? » Notons que la question en elle même est intéressante, c’est l’angle d’approche exclusif que je trouve naze. Mais encore plus intéressant c’est « et si elles sont une seule et même déesse, qu’est-ce qui est à l’origine de cette scission ? » Je ne les considère personnellement pas comme ayant été une seule et même déesse, bien que l’on retrouve indéniablement certaines similitudes, comme leurs noms (qui est dans les deux cas, un titre : « Dame »). Elles ont par certains côtés, des choses en commun et d’autres très éloignées. Il n’y en a pas une « plus classe » que l’autre, à condition de ne pas les considérer sous l’angle du « paganisme social » (certaines déités sont classes, d’autres moins, comme la vague des « animaux totems ») qui vend une image et une étiquette pour mieux se rendre intéressant et masquer ses fêlures. Il n’y en a pas une plus puissante ou moins puissante. Elles sont différentes, intéressantes, et je ne perçois pas non plus entre elles de rivalités, bien au contraire.

[PBP] P – Déités patronnes

Une dénomination généraliste 

Auteur inconnu

La question du dieu patron ou de la déesse patronne surgit souvent, que ce soit dans les conversations ou dans les articles, mais au fur et à mesure, bien que ce soit les mêmes termes qui reviennent, je me demande si nous ne regroupons pas des choses différentes sous un terme qui serait en définitive générique. Un peu comme employer le terme « païen », un « mot-parapluie », pour reprendre l’expression anglaise.

Je ne pense pas qu’il existe intrinsèquement une « bonne » et une « mauvaise » définition de ce qu’est ou n’est pas une déité patronne : c’est davantage une question de :

1/ types de croyances
2/ un manque au niveau du vocabulaire et l’absence de termes de références qui rendent cette dénomination particulièrement visible.

Ci-dessous, la « base » qui me semble la plus « factuelle » et dont la définition très large peut être employée dans bon nombres de typologies (à noter que, dans ce sens, c’est une conception contemporaine : pour résumer rapidement, les idées de « patron/nes » concernaient davantage des catégories de gens que des individus).

La déité patronne occupe la place principale ou une place particulière au sein de la pratique dévotionnelle / magique / etc. 

Ensuite, des variantes qui synthétisent grosso-modo ce que j’ai pu lire, entendre ou voir autour de la conception de la déité patronne.

1. On peut avoir deux/plusieurs déités patronnes (souvent réparties en féminin/masculin mais pas toujours).
2. On ne peut avoir qu’une seule déité patronne.
3. On peut en changer au cours de notre vie/évolution de notre pratique.
4. On ne peut pas en changer.
5. On ne choisit pas sa déité patronne, c’est elle qui vous choisit.
6. Tout le monde a une déité patronne.
7. Tout le monde n’a pas de déité patronne.
8. Les femmes ont une déesse patronne, les hommes un dieu patron.
9. Le genre (biologique ou autre) d’un individu n’a rien à voir avec « le genre » de la déité patronne.
10. Le choix d’une déité patronne a des répercussions sur tous les domaines de la vie.
11. On peut se choisir une déité patronne.

Ces visions contradictoires sont en fait corrélées à ce que j’appelle la « théologie individuelle », c’est à dire la façon que chacun à d’envisager le « Schmilblick divin ».
L’idée de changer de déité patronne parce qu’on se rend compte qu’elle ne nous correspond plus, ou d’en avoir plusieurs est pour moi incohérente par rapport à ma façon de voir les choses. Par contre, pour une personne qui considère que les déités sont des facettes d’une entité ou que la/les déités patronnes agissent comme des guides, il y a une certaine cohésion entre la façon de penser et la façon d’agir, que l’on soit d’accord ou pas avec cette conception du monde.

Le « Syndrome de la Déesse Patronne »

Parfois quand on débute, on est tenté se chercher une déité référente, ou deux. Ou on cherche absolument à se trouver une patronne -plus rarement un patron. On épluche les bouquins pour piocher dans les panthéons qui nous plaise les figures que l’on trouve parlantes par rapport à nous-même et à notre vie, on cherche fiévreusement les siiiiiiiiiignes. Tant qu’à faire, on essaie de chercher les plus « trues » possibles : les plus darkos / polyvalentes / inconnues, hipster-pagan power.
En fait on pédale dans la semoule et on se met le nez dans le guidon : c’est ce que j’appelle le Syndrome de la Déesse Patronne. Que l’on considère que sa déité patronne relève d’un choix personnel et conscient ou d’un « appel », je ne vois personnellement pas l’intérêt de faire des listes pour essayer d’établir celles qui nous parlent. C’est un peu comme de vouloir choisir un conjoint en regardant des fiches de sites de rencontres : ce n’est pas parce que sur le papier tout correspond que cela donnera quelque chose de constructif.

La véritable question, si vous êtes êtes dans la recherche plus ou moins frénétique, c’est « pourquoi cherchez-vous une déité patronne ? » Est-ce que c’est une façon pour vous de vous sentir protégé(e) et aimé(e) pour palier un manque affectif ? Qu’est-ce que vous pensez que cela va vous apporter ? Est-ce que c’est par manque de repères, parce que vous vous sentez perdu(e) ? Est-ce que, par le biais de cette recherche, vous essayez en fait de mieux vous connaître ? Est-ce que c’est pour appartenir à « un groupe », même de manière figurative ? Est-ce que c’est juste par curiosité ? Et une fois que vous l’aurez trouvée, ou que vous penserez l’avoir trouvée, qu’est-ce que vous ferez ? Vous allez dire « je suis prêtre/sse de Machin ou de Bidule ? » Pourquoi faire ?

Encore une fois, il n’y a pour moi pas de bonnes ou de mauvaises manières de procéder ou de raisons de le faire. Il est simplement important d’être conscient de ses motivations personnelles, ca évite de potentiels et dantesques emmerdements par la suite.
A une époque, j’étais comme ça. Je me suis frénétiquement cherché une « déesse patronne », j’ai épluché les bouquins, j’ai demandé des signes comme on demande des bonbons, sans réfléchir. Et parce que je ne savais pas gérer certaines choses, certains détails, je n’ai pas vu ce qui s’approchait en réalité et le tout a été méchamment hard core à démêler. Il n’y a pas eu que du mauvais : si je n’avais pas été dans cette recherche, je n’aurais pas fait certains choix, et sans ces choix, je n’en serais pas là aujourd’hui et honnêtement, même si j’avais cette possibilité, je ne changerais rien, ou presque. Je serais juste peut-être un peu moins aveugle, et encore. Mais étant donné la façon dont tout s’est débloqué, il est possible qu’un jour j’ai un autre discours, et que je me rende compte que finalement, ca m’a amené à un dramatique point de non-retour. C’est une possibilité que je n’exclue pas, mais je n’ai aucun moyen de le savoir.

Déités patronnes, tutélaires, guides, etc.

Note : Ces tentatives de définitions sont corrélées à ma façon de voir le Schmilblik 😉 Ca ne veut pas dire que les autres façons de considérer les choses sont plus ou moins valables, juste qu’elles sont différentes et à prendre comme tel. 

La déité patronne 

Pas forcément toujours celle qui a la place la plus importante en terme de temps de pratique, mais qui occupe une place à part. Celle qui « chapeaute un peu tout ce qui se passe sur le territoire breton » comme dirait l’autre dans Kaamelott.
De la manière dont je considère les choses, il n’y a qu’une seule déité patronne : c’est clairement elle qui se pointe au moment où elle le juge opportun, et sa venue peut faire évoluer un certain nombre de choses, que ce soit au niveau de la pratique, des conceptions spirituelles ou de la vie quotidienne.

Ce n’est pas forcément une déité que l’on apprécie, au moins au début, mais on apprend à faire avec. Je tend à considérer qu’on a le choix dans notre pratique, mais un choix qui se pose de manière parfois un peu tordue, Il n’est pas impossible que la DP nous offre le choix : oui ou non, mais tous les choix ont des conséquences, et parfois refuser peut foutre autant le boxon que d’accepter. Tout dépend des gens, des sentiers, des déités, des potentialités, bref, il me paraît délicat d’établir une vérité générale quand il y a autant de variables à prendre en compte.

L’autre paramètre ambivalent concerne l’hypothétique « ressemblance personnelle » : j’ai cherché pendant la déesse qui pourrait être ma patronne, et je m’arrêtais toujours sur celle qui me paraissaient être en adéquation avec mon caractère ou mes centres d’intérêt. Aujourd’hui, je pense que c’est une optique de recherche un peu stérile ; la DP n’est pas un pote et elle n’a pas forcément à nous ressembler. J’ai souvent lu des avis disant « je me demandais pourquoi j’étais attirée par telle déité / pourquoi cette déité se pointait et c’est parce que j’ai ci et ca comme centre d’intérêt / parce que je suis comme ça / parce que j’aime ca ». Je suis plutôt dubitative : non pas qu’il n’y ai pas de raisons valables, non pas que ca soit toujours faux, mais plutôt parce que j’ai l’impression qu’on cherche à justifier ou à légitimer quelque chose qui n’a pas à être légitimé ou justifié. Sauf si on n’existe que par le biais de la validation sociale, ce qui est une autre paire de manches.

Dieu patron ou Déesse patronne n’est pas non plus synonyme de protecteur/trice. La DP n’est pas un ange gardien qui est là pour nous protéger, pas plus que les autres guides ou esprits. Ils peuvent avoir cette fonction là mais ce n’est pas leur rôle, et tout dépend de leurs caractères. Il y en a qui vont vous prévenir ou mettre un filet de sécurité quand d’autres vont vous regarder vous planter et vous dire froidement « bon, maintenant tu sais que ca n’est pas une bonne idée. La prochaine fois tu réfléchiras. »

La question du « à quoi ca sert une déité patronne (encore plus si elle peut potentiellement foutre le bordel dans sa vie ») est déjà pour moi plus controversée Je ne vois pas trop l’intérêt de se poser une telle question, premièrement parce qu’on ne se réveille pas en se disant « tiens j’aimerais bien avoir une déité patronne », d’une part. Ensuite parce que l’important, c’est « quelle genre de personne vous devenez » . On peut avoir un cheminement que certains considéreraient comme tordu et être heureux. On peut avoir une spiritualité socialement acceptable et ne pas être heureux. Et vice-versa. L’important n’est pas ce dont vous ou votre spiritualité avez l’air. L’important est ce que vous ressentez. ce que vous vivez.
Certains redressent les gens et leurs arrachent les masques qu’ils portent pour les pousser dans la « bonne » voie. D’autres viennent et vous obligent à travailler sur vous pour guérir, pour que vous soyez ensuite en mesure de faire certaines choses. D’autres encore vous vous mettre au pied du mur et vous forcent à affronter vos peurs pour que vous vous en débarrassiez… etc. Effectivement. Mais il en a aussi qui vous remettent le nez dans la merde, encore et encore, jusqu’à ce que vous vous leviez et que vous assumiez vos actes ou que vous vous bougiez le derche pour faire évoluer votre vie. Je ne crois pas qu’ils se pointent dans nos vies pour nous sauver ou au nom d’un quelconque « amour rédempteur » (mais l’amour n’est pas absent pour autant, loin de là) ou pour nous punir, par sadisme ou quoi. Je pense qu’ils procèdent simplement de la manière qui sera la plus efficace. Suivant la personnalité, la manière la plus efficace revêt différents aspects. Je pense qu’ils ont un intérêt à se manifester dans la vie de bipèdes, et je ne vois pas en quoi c’est choquant. Vous donnez et vous recevez. Je me demande si l’éponge que j’achète pour faire la vaisselle va bien me servir. Je ne me demande pas si l’homme que j’aime va me servir à quelque chose. Pareil pour les dieux que je prie. Si les dieux et les humains doivent obligatoirement « servir » à quelque chose pour vous, franchement j’ai peur.

Est-ce que tout le monde a une DP ?
J’avoue que je n’en sais rien. Au sus et au vu de que j’ai lu / entendu, je serais tenté de dire qu’il est probable que non. Mais que la réponse soit oui ou non, j’avoue qu’elle me gêne autant parce que dans un cas comme dans l’autre, cela sous entend une sorte de condescendance et de prétention par rapport aux autres, à leurs chemins et à leurs évolutions. Et je ne suis pas omnisciente.

Est-ce que l’on peut changer de DP ?
Franchement j’ai du mal avec cette optique. Autant les déités tutélaires peuvent changer, venir et repartir, et encore plus les déités guides, autant, pour moi, le ou la DP ne change pas. On n’est pas forcément toujours hyper « en phase » avec eux et les rapports ne sont pas toujours facile, mais se dire « nan celle là ne me va pas, j’en veux une autre », c’est un peu comme essayer de modifier la structure de son visage par une opération de chirurgie esthétique : l’apparence sera différente, mais vos caractéristiques génétiques ne changeront pas.

Pareil au niveau des engagements : parfois j’ai l’impression que la conception des engagements spirituels est devenue assez similaire à la façon dont certaines personnes considèrent le mariage : c’est pour le meilleur et si le ou la partenaire déçoit ou ne correspond plus aux attentes, hop on divorce et on va chercher mieux. Qu’une relation soit spirituelle ou physique, je considère que c’est du boulot pour tout le monde : l’harmonie n’est pas toujours obtenue en un claquement de doigts. Le fait de se consacrer à une déité n’est pas anodin, et si parfois il y a des choses qui peuvent changer, des passations qui peuvent se faire dans certains cas, l’idée de dire « ah je me suis consacrée à toi mais en fait non »… comment dire… c’est foireux ?
Les cas où je comprends mieux la démarche des personnes  qui font ca a été expliqué précédemment, mais dans mon fonctionnement, très concrètement, si je me pointe voir mon DP pour lui dire « ah ouais mais non », je vais juste me ramasser une balayette et me manger une beigne dans la tronche.

Les femmes ont une déesse patronne, les hommes un dieu patron :
Rien à voir. Là honnêtement, quand je lis des trucs pareils, j’ai juste envie de me bidonner. Vous pouvez être une femme et avoir un dieu patron. Ca ne fait pas de vous « une femme incomplète qui refuse sa féminité, qui n’assume pas son pouvoir féminin » ou je ne sais quelle connerie. Et vice-versa.
Franchement ce genre d’idée me parait aussi absurde que le fait de considérer que hors du couple hétérosexuel à visée reproductive, point de salut.
Nan mais sincèrement, imposer à une personne une piste de pratique basée sur son genre biologique, que ce soit par similitude ou complémentarité, c’est aussi con que les gens qui disent à une lesbienne que c’est ‘passager et que c’est parce qu’elle n’a pas rencontrée le bonhomme qui lui faut.’ Primaire et bas de plafond comme raisonnement.
Inversement, le fait d’être un homme avec un dieu patron ou une femme avec une déesse patronne ne fait pas de vous quelqu’un qui a « un problème ou qui refuse la complémentarité ». Sans rires.

Les déités tutélaires

Le cas des déités tutélaires est quelque peu différents. Ce sont en quelques sortes celles qui sont nos « référentes », mais subalternes à la DP. Pas qu’elles soient moins importantes en soi, c’est juste qu’elles ont un peu moins d’influences, ou des « consignes » plus restreintes, pour le reste elles sont très proche de la conception du DP que l’on retrouve généralement.
Autant je considère qu’on n’a qu’une seule déité patronne, autant je pense qu’on peut avoir plusieurs tutélaires. Dans le cas de mon cheminement, j’avais expliqué sur un forum particulier m’être consacrée à une certaine déesse. Ceci étant, elle n’est pas ma « patronne » au sens où je tends à définir ce concept, mais davantage une tutélaire. Le pourquoi du comment est somme toute assez factuel.

Les déités guides

Les déités guides sont celles qui viennent et reviennent de façon régulièrement,  suivant les cycles de l’année, les périodes personnelles ou suivant leurs propres « agenda » (enfin, en ce qui concerne « l’agenda », je tend à penser qu’ils en ont tous un, les dieux et les déesses ne sont pas à notre service, quand on a besoin on réclame, mais c’est un autre sujet.) Les rapports sont plus « libres » dans le sens où il est plutôt rare que l’on ait un engagement sur le long terme avec une déité guide, contrairement au « patron » (suivant les déités en question, certaines sont plus ou moins exigeantes en la matière d’ailleurs.)
Je n’inclue pas dans les déités guides celles qui ne viennent qu’une seule fois pour un travail ou passage précis et qui peuvent ne plus jamais revenir ensuite.