[Sigyn Project – Jour 28] Bilan / réflexions en vrac

[note du 6/03 : suite à une conversation avec Valiel, j’ai précisé certains points importants en bleu. J’espère avoir été plus claire, mais je sais que j’ai une approche assez « froide » et que mes explications sont parfois un peu tordues et que j’ai tendance à faire des ellipses dans mon raisonnement.

Ainsi s’achève le mois de février et avec lui, le Sigyn Project. Sigyn est une déesse que je connais malgré tout assez peu, beaucoup moins que certaines de mes amies qui ont d’ailleurs des interprétations et théories très intéressantes (mais il ne m’appartient pas d’en parler).

Je n’aime pas beaucoup parler de mes relations avec les différentes déités : certaines sont extrêmement fortes, d’autres l’ont été. D’autres encore sont plus factuelles, mais dans tous les cas, je préfère garder pour moi le niveau de relations que j’ai avec toutes, surtout par pudeur mais aussi parce que j’ai du mal à comprendre en quoi l’expérience du « je » peut-être intéressante pour une autre personne. Nous sommes tous unique, et je ne suis pas certaine qu’essayer de trouver des points de repères autre que le factuel fasse réellement avancer les choses.

En quelque sorte, je trouve cela malsain de comparer la relation que l’on entretient soit avec telle déité avec celle que l’on pense que les autres entretiennent avec elle. Ce n’est rien de plus qu’une projection, une manière de se situer dans une norme, dans le but de trouver sa place ou d’acquérir un statut, que ce dernier trouve sa place dans une sorte de moyenne ou qu’il s’en distingue. [note : ce qui m’interpelle et qui m’inquiète quelque part -bien que le terme soit un peu fort- c’est qu’on finisse par aplatir nos différences et les diversités de nos pratiques, de manière consciente ou inconsciente- en se confortant -consciemment ou non- à des définitions. Que l’on change ou que l’on évolue dans sa pratique n’est pas le souci, au contraire, c’est plutôt que je me demande quelles richesses un changement « provoqué rapidement et artificiellement suite à « une intoxication » est réellement plus profitable que la lente maturation apportée par une pratique personnelle, des expériences concluantes et des méga-gamelles.]

Bref, je n’en comprend pas l’intérêt (tout comme je ne comprends pas l’intérêt de disséquer sa pratique perso -que ce soit sur des blogs ou des forums- ou de lire des blogs dans cette optique, cela amène juste une sorte de « mondialisation /normalisation » des sentiers et des sentiments hiérarchiques avec son lot de remugle égotique et de disputes à la con sur « qui est un(e) vrai(e) spirit-worker/prêtresse/chaman gna gna gna ». Et au passage, j’inclue dans ce genre de schémas les gens qui se présente « a contrario » : je ne suis ni … ni … Je sais que mon point de vue assez tranché, et que là aussi, cette réflexion ne peut avoir lieu que quand la somme de partage existante est suffisamment conséquente. Toute existence de blog peut être soumise à la même analyse d’ailleurs. [Ce qui m’interpelle, c’est moins la question du partage intrinsèque que ce qui se cache derrière. Pas seulement le « pourquoi nous partageons et à quoi cela sert » mais « comment ces partages sont perçus et qu’est-ce qu’ils induisent ». En soit, le fait de se mettre des étiquettes ou de parler en détail de sa pratique n’est pas un problème, pas plus que le fait de se définir à contrario de ces étiquettes/pratique, c’est plutôt toutes les discussions et prises de positions tendues qui peuvent en découler. Ces réactions peuvent produire des rapports « de force » et des avis pas nécessairement toujours constructifs genre « les X que j’ai croisé, c’était de la merde sauf rares exceptions ». D’autre part, j’ai été surprise ces derniers temps par des articles qui semblent exprimer parfois un regret, comme si le fait de ne pas pouvoir se définir de telle ou telle manière devenait « un problème ». Dire « je suis ça » n’est pas un souci en soit ; c’est plutôt toutes ces histoires de contestations/réactions genre « non toi tu es pas un(e) vrai(e) parce que… » ou « j’aurais voulu être ca, mais en fait en lisant les autres je me rends compte que non, je peux pas » et je me demande ce que cela peut apporter de positif sur le long terme : ce sont les raisons pour lesquelles je dis que je ne comprends pas certains type de partage. Chacun interprète une pratique et participe à sa transmutation : à force de d’interprétations et de partages, j’ai par moment l’impression que l’on assiste à une dénaturation de l’idée initiale et que peu à peu, ce qui est un concept vivant se fige. Une fois qu’il est figé, on assiste à l’émergence de nouveau concept « hors-barrière » jusqu’à ce qu ‘ils soient eux aussi « fixés » et stabilisé. Par rapport au terme « spirit-worker » par exemple, j’ai l’impression, suite aux explications de Valiel, que ce mot, au départ un terme valise est en train de se doter de notions/définitions propres suites à des strates successives de définitions personnelles dont certaines interprétations/exemples ont été largement repris et conduisent à le structurer. Pour reprendre l’exemple de ce mot, puisqu’il m’apparaît comme un bon exemple par rapport à ce que j’essaie de retranscrire, il est apparu, tout nouveau, tout beau et est décrit de plus en plus comme une nouvelle voie là où il servait simplement de qualificatif au départ : en ce moment, la « mode » est plus ou moins de s’essayer à des critiques parfois très virulentes de la wicca. Que ces critiques soient fondées ou non n’est pas directement le propos : je constate simplement qu’elles reposent souvent sur une analyse partielle puisque partant de pratiquants semblables, pas toujours représentatifs de l’ensemble de cette voie. Toujours est-il que si on prend le terme de « spirit-worker » dans son sens le plus factuel « qui travaille avec des entités », et qu’on se réfère à certains pratiquants de la wicca, on constate que ce terme peut également s’appliquer à eux. Que sont-ils donc alors ? Le fait de partager largement certains de ses avis et ses pratiques pouvant conduire à une normalisation des voies, on peut supposer que, certaines de ces personnes, il y a dix ans, se seraient décrites comme wiccanes, mais qu’elles préfèreraient peut-être aujourd’hui utiliser le terme « spirit-worker » ; conduisant à un schisme encore plus grand entre des voies qui sont, dans le fond, beaucoup plus perméables qu’elles ne l’apparaissent parfois à travers le prisme de nos perceptions personnelles. Pour reprendre les termes utilisés dans ma réponses : « Au final, qu’est-ce qu’on s’en fous de l’étiquette ou du modus operandi lié à telle ou telle type de pratique (par modus operandi j’entends la pratique codifiée qui semble s’installer sur certaines définitions, alors qu’à la base, il n’y a pas forcément lieu d’en avoir : pas forcément pour des pratiques « historiques » ou avec des réinterprétations reposant sur une base factuelle -par exemple le seidr- mais plutôt toutes ces nouvelles définitions comme « spirit-worker ». Clairement, pour ce dernier cas, j’ai parfois envie de dire que c’est un peu comme Monsieur Jourdain qui faisait de la prose sans le savoir, il est probable que si tout le monde disséquait sa pratique, on retrouverait tous des éléments pouvait se rattacher ou s’approcher du modus operandi en vogue lié à cette étiquette, pourtant, en voulant la circonscrire dans un mode précis, on se coupe de nouvelles voies. Et on risque, à long terme, les mêmes problèmes que dans certaines communautés religieuses. D’où mes questions. »]

Quel pourcentage de nos écrits sont « factuels » ? Quel pourcentage est l’expression d’une part de notre égo ? Et parce que l’existence même de l’égo peut également être une constante  factuelle, à quel moment on passe de « l’égo factuel que nous reconnaissons et acceptons » à « l’égo qui commence à nous tirailler ? » Comment déterminer que le factuel est bien ce qu’il prétend être ? A quel moment cela n’est plus factuel au sens stricte du terme (l’UPG est-elle factuelle par exemple) ? A quel moment le partage tue le partage (pour faire un remix de Laffer) ? [Note : cette question du partage tuant le partage est une sorte de résumé de l’idée exprimée en bleu plus haut.]

Sigyn by ~Ljotunnr
(histoire d’aérer un peu l’article :o)

Je précise au passage que je n’exclue absolument pas mon blog/moi-même de cette ligne de réflexion. C’est un truc qui me turlupine souvent quand j’écris. Je me demande jusqu’à quel point un partage de ressenti peut-être factuel. A quelle moment cela cesse d’être factuel (en même temps, à partir du moment où on dis « je », l’égo parle. Ce n’est pas toujours bon, pas toujours mauvais, mais c’est un fait qu’il faut garder à l’esprit : l’égo est dans le « je ») [note/précision : il y a toujours de l’égo, il fait partie de notre existence et de notre conscience de nous-même. L’important est dans l’équilibre, et dans le fait d’avoir conscience de cet égo pour éviter de se laisser contrôler par lui.] A quel moment je dis un truc parce que je pense que cela apporte un plus, et à quel moment j’ai envie d’écrire certaines choses parce que quand je lis ce que certaines personnes écrivent, j’ai juste envie de dire « merde, vous voulez jouez à qui pisse le plus loin ? Attendez, je participe qu’on rigole. » Quand je sens que c’est la dernière partie qui me tiraille, je gomme, j’efface, je m’arrête. C’est une des raisons pour lesquelles je ne lis plus l’immense majorité des blogs : ca réveille parfois en moi des trucs pas très claires, et je me souviens bien de la première étape du processus de l’inchiabilisation progressive (qui pourrait se traduire suivant les gens par « j’ai envie de mettre mon grain de sel et de dire ce que je vis parce que 1/ soit je me sens en état de complexe d’infériorité et je veux prouver le contraire/expliquer le contraire/appuyer lourdement dessus/ou du coup je vais aller chier sur un truc parce que ca me fait me sentir mal 2/ les gens me font trop rire avec leurs conneries, je vais leur apprendre la vie et prouver que MOI ca déchire ».) et je n’ai aucune envie de replonger dedans (mais peut-être qu’à force de bonne volonté je vais finir par arriver où je ne voulais pas aller ?)

Dans le fond, peut-être que c’est le fait d’en faire une question si importante qui rend la question si épineuse ? Après tout, on pourrait très bien dire « bah ouais, c’est mon égo, je m’étale et merde ». Je pense que tout est une question de point de vue, de mesure, de personne, de sujets, de timing… bref, une sorte de grande danse de la relativité pour laquelle il n’existe pas de constance mesurable. [note : ce que j’essaie de dire, c’est que dans le fond, on s’en fous : un blog reste un espace personnel et on fais de notre mieux et/ou ce qu’il nous plait. Quoi que l’on fasse, on ne fera pas l’unanimité, et c’est tant mieux quelque part.]

Et c’est là que Sigyn « entre en scène » si je puis dire. Sigyn pourrait nous montrer que, dans le fond tout est une question de regard, de point de vue. Et cette question, on la retrouve dans la façon dont sa perception peut parfois se réduire, deux axes « simplistes » : femme abusée ou femme aimante et loyale ? Dans le fond, est-ce que cela change quoi que ce soit à son essence, qui dans tous les cas ne peut être perçue dans sa globalité et avec toute sa complexité parce que nous ne pouvons pas, exactement comme, dans le fond, au-delà des apparences, des masques, des lectures entre les lignes et des comportements « publics », nous ne savons jamais vraiment ce qui se passe dans la tête et dans le coeur de quelqu’un, nous ne les percevons qu’à travers nos yeux, notre empreinte et l’essence est passée au tamis de notre propre être, parfois la sublimant, parfois la dénaturant, mais ce processus de « raffinement » n’en est pas moins un fait.

[Sigyn Project – Jour 24] Jouer !

J’ai finalement assez peu parlé de Narvi et Vali. Avec Sigyn, cette triade pourrait nous apporter un message simple, mais pas toujours aisé à mettre en œuvre : ne pas trop se prendre au sérieux, de profiter des plaisirs simples de la vie et s’amuser. Prendre plaisir à faire des choses toutes bêtes comme griffonner sur une feuille de papier avec pleins de couleurs parce que cela nous éclate, faire la bombe à eau en plongeant, courir après les feuilles. Ne pas trop chercher à vouloir se cantonner à l’image sérieuse que l’on attend de nous, la vie est trop courte. Tant pis si on a l’air un peu con à chantonner en effeuillant une marguerite, ou si on a envie de sortir un vieux jouet de notre enfance.

Auteur inconnu

Faire de la balançoire et fermer les yeux en sentant l’air nous fouetter la figure, chercher des coquillages, ramasser des feuilles jaunies pour décorer le bol de l’entrée, partager un bon gâteau en famille, grignoter des sucreries ou du pain et du fromage en bavardant dans un parc, se blottir dans le creux de sa couette avec ses chats et faire un jeu de société, sortir les pastels et dessiner un arc-en-ciel… autant de trucs simples. Tellement simple qu’ils en paraissent idiots. Des choses simples qui sont à la portée de toutes les bourses. Si simples qu’il n’y a aucune excuse pour ne pas s’accorder le temps de le faire de temps en temps et pourtant, combien sommes-nous à faire passer ces choses là à la trappe en premier ? Parce que pas le temps, parce que le travail, les études, parce que, parce que. Parce qu’il est parfois plus simple de se mettre une chape de béton sur les épaules, de se regarder dans le miroir avec toutes nos responsabilités, qu’elles soient dans le domaine familial, professionnel, spirituel ou tout à la fois.

Mais la vie n’est pas faite que de responsabilités. Elle est aussi faite de tous ces moments là qui ne servent à rien, qui ne doivent servir à rien d’autres qu’à nous apporter un peu de légèreté et de douceur. Si on oblitère complètement cet aspect, alors tout le reste devient progressivement de plus en plus lourd, et si on n’ey prend pas garde, il peut finir par nous écraser totalement. Cet aspect mutin de Sigyn est tout aussi important que l’autre. Elle est à la fois l’enfant qui joue de manière insouciante avec des fleurs et celle qui porte le bol dans la caverne. L’un ne va pas sans l’autre.

Quand j’ai commencé à travailler avec Narvi, je ne savais pas comment faire. Je me sentais maladroite et gauche, je n’avais aucune idée de la manière adéquate pour débuter. Je me sentais beaucoup trop cynique et tranchante pour utiliser mes méthodes habituelles, qui sont parfois assez trash. Autant je n’hésite pas à bourriner pour bosser avec certains, autant, je m’étais dit que j’allais devoir changer mon fusil d’épaule. En même temps, c’est une vue de l’esprit : on projette une fragilité présumée sur eux, et totu ce qu’on lit n’aide pas forcément à trouver sa manière de procéder (C’est depuis ce moment là que je ne lis plus rien avant d’entamer un travail. Ce n’est qu’après avoir commencé que je regarde rapidement ce que d’autres peuvent en dire, histoire d’avoir d’autres visions, mais je n’épluche pas tout, cela ne m’intéresse pas et je ne souhaite pas être trop influencée). En les visualisant comme des enfants, on peut rapidement perdre de vue qu’ils ne sont pas humains. J’ai du faire exactement le même type d’erreur que ceux qui ne voient en Sigyn qu’une femme abusée. Bref, j’ai finalement eu l’idée de jouer avec Narvi. Et c’est comme ca que je me suis retrouvé à sortir les petits bâteaux Vulli avec lesquels je jouais enfant, à me faire couler un bain et à vouloir jouer avec. Je passe sur le moment awkward où on réalise qu’on est à poil dans sa baignoire à vouloir entrer en contact avec une déité qui a l’apparence d’un petit garçon de huit ans. -___- Grand moment de solitude et de « I have no fucking idea what I’m doing ». Le plus dur ? Arrêter de se regarder et de projeter ce dont on pense qu’on a l’air (« on va passer pour des qu’on peut pas se permettre de passer pour » comme ils diraient dans Kaamelott), lâcher prise et prendre du recul. C’est là qu’on se dit « ouais ben bordel de merde, peut-être que je voyage facilement ou quoi, mais là, c’est du challenge. » S’amuser, jouer, garder une âme d’enfant, c’est un putain de challenge, mais c’est aussi nécessaire que toutes ces histoires d’ancrage/purification/protection/visualisation etc.

[Sigyn Project – Jour 14] Amor omnia vincit

Le 14 février est parfois décrit comme étant la fête de Vali¹ (le fils d’Odin et de Rind) et est prétexte à une célébration de l’amour. Bien qu’il semble que cette célébration soit une réinterprétation moderne sans véritables sources historiques (après, je ne suis pas une spécialiste non plus), cela m’a donné matière à réflexion.

J’avoue avoir un peu de mal à comprendre le lien entre la célébration de l’amour et Vali, qui venge la mort de Balder. Autant pour le rôle que joue ce dernier dans la mythologie que par rapport à la relation entre Odin et Rind. (Enfin, je ne suis pas allée leur demander. Autant il y a des questions qu’il m’arrive de vouloir éclaircir pendant mes voyages, autant, sur certains points sensibles, je préfère m’abstenir.) Bref, le parallèle pur et dur entre Vali et l’amour, j’ai du mal à le percevoir, et je ne souscris pas à cette interprétation (mais peut-être qu’il y a des gens à qui cela parle ? J’avoue que j’aimerais bien avoir leurs avis sur la question.)

Au sujet d’une éventuelle célébration de l’amour, j’aurais tendance à le placer plutôt vers le printemps. Ceci étant certains détails m’inciteraient à considérer le 14 février comme la fête de Sigyn, et de l’amour. Premièrement, l’homonymie des deux Vali est une chose qui m’interpelle. J’en avais déjà brièvement parlé dans un article, et émis le souhait de me pencher un jour sur la question. Je n’ai pas plus de précision à ce jour, mais cela constitue une sorte de connecteur logique -un peu tordu je l’admet- qui m’amène à donner plus de précision par rapport à mon postulat personnel, à savoir, le 14 février en tant que jour de Sigyn et de l’amour.

Étymologiquement, le nom de Sigyn pourrait signifier « amie de la victoire ». Dégagée de toute considération guerrière -encore que- il ne semble pas incohérent d’extrapoler et de dire que Sigyn est l’expression même de la victoire de l’amour (d’où la citation latine utilisée comme titre « Amor omnia vincit » : l’amour triomphe toujours. Je ne vais pas faire l’historique de cette citation qui est aussi le nom d’un tableau, mais à l’origine, ce serait une citation de Virgile dans Les Bucoliques -encore une fois si je dis pas de conneries). La victoire de Sigyn n’est pas une victoire guerrière, écrasante. C’est une victoire patiente, la victoire du cœur et du don absolu, de la fidélité et de la confiance sans faille  (pour moi, « sans faille » ne veut pas dire  « sans doute »). Une victoire tellement discrète qu’il en devient facile de la transformer en soumission, de la tourner en dérision.

À un niveau peut-être plus dérangeant, il y a une question que j’aimerais soulever : sans Sigyn, le Ragnarök tel qu’il est décrit aurait-il pu avoir lieu ? C’est Sigyn qui seule reste auprès de Loki enchaîné, jour après jour, alors qu’il est soumis à une torture sisyphienne (néologisme hein, pardon). Par sa présence, elle lui permet de ne pas sombrer totalement, et cette minuscule parcelle de conscience qu’il lui reste, qui le ronge inlassablement, on peut imaginer que c’est celle qui lui donne la force de briser ses chaînes en même temps que Fenrir, et de partir pour la bataille finale.

Sigyn, l’amour victorieux, est aussi une actrice du Crépuscule. Cette part d’amour que d’aucuns trouve négligeable contribue finalement lui aussi à renverser le monde. Quelque part, sans amour, peut-être que Loki n’aurait pas trouvé la force de se relever et d’y prendre part. Quand le monde s’effondre, on constate que finalement, l’amour a joué un rôle peut être encore plus important que toutes les armées dont les forces réunies ne peuvent en définitive pas changer la donne.

Célébrer Sigyn, l’amour qu’elle porte aux siens, sa foi en ceux qu’elle aime même à travers les pires épreuves. Ce n’est pas, comme on a parfois tendance à le croire à l’heure actuelle, quelque chose de fluffy et de facile, de ridiculement facile. De si ridiculement facile et tellement galvaudé qu’il suffit parfois de prononcer ce mot pour se rendre compte qu’il doit beaucoup gêner, et qu’il est aisé de le ranger sous des étiquettes duveteuses ou new-âgeuse pour mieux s’en moquer.
C’est en quelque sorte, se remémorer le fait que rien n’est jamais totalement perdu. Que nous ne sommes jamais seul(e)s. Qu’aucune situation n’est totalement sans espoir, et que, pour reprendre -encore !- Tolkien (enfin, à moins que le film ne m’ait absorbé les neurones, pardonnez-moi mais j’ai la flemme d’aller éplucher mon volume) « Même la plus petite personne peut changer le cours du destin ». Et que même quand la nuit est la plus sombre, l’aube viendra.

1 : Voir Essential Asatrú, Diane L. Paxson, p. 112

[Sigyn Project – Jour 12]

Écrit aujourd’hui à l’heure du déjeuner.

Sigyn,
Il y aurait tant de mots pour te décrire et aucun qui ne conviennent.
Tellement de routes pour expliquer, tellement de chants à chanter.
Mais aucun ne va.
Ni l’emphase, ni la métrique, ni les termes, impatients et lourds
que nous sommes toujours si prompt à disperser, à vouloir partager.
Comme si nous pouvions changer quoi que ce soit, comme si nous pouvions seulement espérer comprendre.
Comme si cela servait à autre chose qu’à l’apaisement —
de notre propre trouble, de notre propre malaise, de nos propres larmes.
Je pourrais chanter, en effet,
le feu du besoin,
le silence de la grotte, résonnant seulement —
des gouttes de venin tombant au fond du bol.
Et de temps en temps, un cri qu’il n’est pas besoin de décrire.
Je pourrais chanter le hurlement à l’instant du point de rupture.
Reprendre le rythme de la douleur.
Je pourrais.
Je pourrais rester au bord des faits. Sobre. Médicale.
Mais je doute que même eux servent à quoi que ce soit, j’en doute profondément, à autre chose que la complaisance de nos dévotions, qu’au reflet de nous-même qui nous rêvons toujours plus haut.
Je doute, Sigyn, que ce soit autre chose qui apparaisse, quand bien même le cœur le voudrait.
Permettez-moi donc de lui préférer
— le Silence
— la Lueur
— l’Arrêt du Souffle qui contemple.