La communauté païenne est-elle dangereuse ?

Note : J’utilise le terme « communauté(s) païenne(s) », abrégé(s) en CP au fil de l’article, pour désigner les personnes, groupes, associations et autres gravitant autour du (néo)paganisme. Ceci afin de simplifier les propos.
Il est question ici de la France, pour des raisons évidentes.
Je remercie chaleureusement les deux personnes qui ont accepté de relire cet article et m’ont fait part de leurs observations. Le sujet pouvant être épineux, je souhaitais avoir un avis extérieur avant toute publication. 

[A lire avant d’entrer dans le vif du sujet]

⇒ Cet article trouve son origine dans un rapide échange avec deux personnes, échange au cours duquel une des personnes expliquait avoir toujours fait preuve de la plus grande méfiance avant de « mettre son pied quelque part dans la CP », tandis que l’autre, ayant une approche différente, demandait quelle pouvait être la nature de ces dangers.
Après avoir répondu rapidement, je me suis demandé « pourquoi ». Pourquoi est-ce une question que l’on se pose / doit se poser ? Qu’est-ce qui dans la façon dont les choses fonctionnent, dont les gens se croisent peut augmenter -ou parfois réduire- les risques ? Comment présenterai-je le tout si le moi d’il y a vingt ans venait me poser cette question ?

⇒ Il a des airs « Captain Obvious », parce qu’il a été écrit dans le but d’essayer d’expliciter les mécanismes qui sous-tendent la/les CP, d’en comprendre les bases de fonctionnement et de ce qui en découle. A aucun moment, il n’est destiné à être autre chose que généraliste, et ne prétend pas être une vérité complète et absolue. J’ai essayé de l’écrire en restant factuelle autant que je pouvais.

⇒ Je ne rentre pas dans les détails de tout ce qui « peut survenir dans les cas les plus dramatiques » ni ne donne d’exemple ouvertement explicite quant aux abus. Pourquoi ? Parce que certaines personnes ayant vécu des traumas similaires peuvent les voir se réactiver, d’où la mention de plus en plus fréquente de « trigger warning », qui est un minimum quand on aborde certains sujets, et que le but, justement, c’est de faire de ce pavé une lecture accessible au plus grand nombre.

⇒ Bien que quelques exemples de red flags soient glissés au fil des mots, le but n’est pas ici, spécifiquement, d’en dresser une liste.

⇒ « Tu fais chier, c’est un pavé ton truc. » Oui, vu la nature du sujet, je me voyais mal le couper en deux ou trois parties. (Ça aurait été parfait pour du putaclic remarquez).

1/ Considérer la base

Premièrement, et pour essayer de poser une base, le socle des communautés païennes ne repose pas exactement sur le même que celui, disons d’une communauté se regroupant autour du tricot.
S’il y a, et qu’il doit y avoir, des bases communes au niveau du comportement admissible / non admissible, puisque nous évoluons au sein de la même société (occidentale du XXIe siècle) et que nous sommes régis par les mêmes lois (enfin, en principe), les raisons de la présence d’une personne et les sujets abordés sont bien évidemment très différents.

Il y a, chez les païens, non seulement une foultitude d’histoires et de parcours personnels mais on y aborde également des sujets qui sont plus généralement passés plus ou moins sous silence, parce que non pertinents ou alors seulement spécifiques dans certaines communautés « de niche ». J’explicite :

→ Pour reprendre l’exemple du tricot, il n’y a pas besoin d’aborder des thèmes comme la mort (bien que le sujet puisse éventuellement, on peut l’imaginer, survenir de manière épisodique pour X raisons.) Ce n’est pas ce qui va préalablement orienter les personnes VERS la communauté « tricot », même s’il n’est pas possible d’exclure que cela puisse être le cas pour certaines personnes ou que cela ait joué un rôle dans leur parcours.

→ D’autres communautés qui vont aborder certains de ces thèmes (par exemple celui du deuil périnatal) vont le faire spécifiquement dans cette optique. Il est rare que des individues (oui, au féminin) aillent spontanément vers ce type de communauté sans y être confrontée (de manière personnelle / directement autour d’elle / en tant que professionnelle), même si cela arrive, mais dans les faits, c’est globalement -et malheureusement- plutôt rare.

a) Des sujets liminaux

Plus qu’une seule communauté, il est pertinent ici de distinguer grossièrement deux parties dans la CP : celle qui se regroupe davantage autour des axes de la sorcellerie / pratique magique et celle qui est plus axée dans une relation -parfois non personnelle- avec les divinités. L’étendue des sujets abordés couvre un très large spectre. Ce n’est pas la même chose d’essayer de reconstruire le plus factuellement possible une religion antique, de pratiquer certaines formes de sorcellerie ou de magie avec possiblement des rituels spécifiques autour d’une initiation / de pratiquer les Arts divinatoires et j’en passe.
Sachant que dans les faits, ces « axes » ne forment pas des isolats impénétrables et qu’il est possible de cocher plusieurs catégories. Certaines des problématiques et des risques exposés dans cette partie concernent un peu plus spécifiquement la CP « sorcière », bien que la partie « polythéiste » puisse être également concernée.

Au cœur des communautés « sorcière » et « polythéiste », on retrouve toute une série de sujets liminaux par rapport à la société globale dans laquelle nous évoluons. On ne parle pas de sport(s) ou d’aquarelle, on parle de transe, de possession, de divinités, de leurs présences, de trauma, de recherche de guérison, de communication avec la nature, de sexualité, de prise d’enthéogènes, d’empouvoirement… pas vraiment des choses dont il est possible de discuter avec le tout-venant entre deux portes. Aussi passionnants soient ils, ce ne sont pas des sujets anodins et sans conséquences.
Nous venons tous avec nos bagages personnels, notre vécu, et nous avons chacun.e notre propre cheminement, des sujets auxquels nous sommes davantage sensibles que d’autres.

Le corollaire plus sombre de ces aspects liminaux, c’est notamment toute la thématique liée aux gourous, aux abus de toutes sortes et à la possible fragilité / crédulité de certaines personnes, par exemple en raisons de traumas passés.
Enfin, il existe aussi des gens qui viennent à emprunter ces chemins, soit avec des intentions qui les rendent possiblement nuisibles pour d’autres, soit qui au fur et à mesure de leur pratique, de leurs fréquentations et de toute une pléthore d’autres facteurs, vont devenir dangereux. Ce n’est pas le cas le plus fréquent, mais croire que ces personnes n’existent pas est une erreur.
Il y a ceux qui mentent et vont essayer de fourguer de la camelote (physique ou spirituelle) et qui le font sciemment dans le but d’arnaquer (tous ne font pas partie de la CP, certaines personnes profitant « juste » de l’étiquette pour le marché juteux qu’elle attire. Cependant et bien qu’étant externes, ils font partie des problèmes que l’on peut rencontrer « de l’intérieur ».)
Parfois, certains aspects peuvent être perçus comme sulfureux, par exemple la pratique de la nudité rituelle (skyclad) et dans les faits, n’être pas problématique au sein d’un groupe. Parce que toustes celleux qui en font partie sont clean sur la question et ont un comportement approprié. Pour autant, le groupe peut être « clean » sur la question de la nudité rituelle, mais pas sur d’autres plans, ce qui peut s’avérer tout aussi problématique, mais qui sera peut-être, au moins dans un premier temps, moins perceptible.
Pour reprendre l’exemple du skyclad, d’autres groupes peuvent effectivement avoir en leur sein une personne qui a tendance à « mater », voire à commenter ensuite à guichet fermé. (Je n’évoque pas de problématique plus explicite, parce que je pense que le tableau de potentialité est suffisamment évocateur.) Une des réactions peut être de se dire « oh ben ça va, si ça n’en reste qu’au matage, y’a pas de quoi fouetter un chat ». Alors, vous pouvez être concerné.e et ne pas vous en soucier, ce qui est votre liberté la plus stricte. La ou les personne(s) concerné.e.s peut/peuvent être très mal à l’aise voire plus. Cela peut aussi, plus sournoisement, progressivement vous « insensibiliser » à des comportements qui ne sont pas acceptables.
J’explique, en reprenant l’analogie de la communauté de tricot évoquée plus haut.

→ Dans un club de tricot, en général, on ne se met pas nu.e pour tricoter. Dans certains rituels au sein de certains groupes de la CP, c’est une possibilité. Déjà, les « bases » de ce qui est « acceptable » ne sont pas les mêmes.
Qu’on le veuille ou non, il y a déjà un « brouillage » par rapport à ce que l’on peut connaître dans la vie de tous les jours. Alors si ces moments, où nos points de repères habituels ne servent plus, s’avèrent en plus entachés de comportements ou de problématiques qui n’ont rien à y faire, le risque est de considérer cela comme étant en fait « normal » et non pas « problématique ». Et d’accepter de plus en plus de situations qui seraient autrement perçues comme largement abusives / risquées avec éventuellement une escalade dans la gravité des situations abusives.
L’autre aspect risqué, c’est de n’avoir jamais été en position de questionner / de ne pas s’être rendu.e compte qu’il y avait de facto un énorme problème, et de finir par se retrouver en position où l’on peut devenir la personne abusive.

J’ai pris l’exemple du skyclad, parce que dans les années 2005, c’était vu comme très très sulfureux. D’autant qu’on ne trouvait pas d’informations ou très peu, et qu’il y avait peu d’endroits où poser des questions ou avoir un back-up pour checker si c’était sain et normal ou pas. Ce n’est bien sûr qu’un exemple, et ce type de schéma peut s’adapter à bon nombre de pratiques.

En parlant de pratique, une autre question se pose : où s’arrête une pratique saine et où commence une pratique malsaine ?
Si on se cantonne à l’aspect purement humain, c’est déjà compliqué de savoir à quel moment une relation devient toxique (qu’elle soit amoureuse, professionnelle…) ou quand nous sommes dans une situation de violence (notamment quand la pratique est banalisée par le milieu au sein duquel on évolue, je pense par exemple aux pratiques de management de certaines entreprises), alors comment on fait quand on est en présence de pratiques comme les rituels de possession ? Les transes ?
Comment sait-on si c’est vraiment le rituel qui part en couille ou si c’est la personne qui va utiliser ce biais pour profiter de son niveau d’influence sur les autres ? Comment fait-on vérifier ? Par qui ? Il n’y a pas d’instances, de spécialiste(s) neutre(s) avec un diplôme. On peut trouver des personnes non directement concernées et extérieures à la question, mais là aussi, on les trouve comment ? Par le bouche-à-oreille ? Dans une communauté plus développée et différente ?
Je n’ai pas de réponse toute faite à ces questions, mais cela fait partie des aspects à garder en tête et d’y réfléchir, sans doute avant même de commencer à rencontrer un groupe ou autre. Comme me l’a soufflé très justement une des personnes qui a relu cet article : « quand on commence à se poser des questions, ne pas évacuer les choses du revers de la main. On ne se questionne jamais à partir de rien. »

Enfin, et si je ne rentrerai pas dans les détails au fil de cet article, oui, la pratique de la magie / des rituels / du seiðr… de ce que vous voulez, n’est pas sécuritaire. Oui, on peut se ramasser des bricoles. Même des rituels censés être positifs / bénéfiques pour une communauté peut avoir « un bug » pendant qu’il est performé et devenir l’inverse de ce qu’il était censé être.
Certaines pratiques semblent plus risquées que d’autres, mais dans tous les cas, le risque zéro n’existe pas.
D’où, je pense, l’importance d’essayer de comprendre, de décortiquer, de pouvoir échanger, questionner, évoluer… Quand on arrive, et que l’on a peu ou pas de points de repères fixes, comment on fait pour savoir si une pratique est légitime ? Si c’est vrai ? Si le groupe est sain ou pas ?

 

2. Un « monde païen » qui n’est pas « du monde »

Pour ne pas alourdir mon pavé, je ne retracerai pas l’histoire de figures comme celle de la Sorcière, ni ne raconterai l’importance du groupe et des risques qu’il y a/avait à se trouver « à la marge » ou à être « une minorité », supposant que chacun.e possède un minimum de représentation quant à ces sujets.
Tout ceci pour dire qu’il y a déjà une double caractérisation dans la CP sorcière et non sorcière : premièrement une variation plus ou moins grande par rapport à la norme* sociétale française contemporaine (descendant directement des Lumières, qui n’a quand on creuse, de Lumières que le nom…) mais aussi un certain historique d’opposition par rapport à cette norme*. [« Norme » désignant ici « ce que l’on retrouve le plus souvent / le postulat généralement présupposé faute d’informations complémentaires.]
Par « opposition » je n’entends pas ici un rapport de lutte (bien qu’il puisse coexister), mais plutôt deux constructions différentes qui bien que pouvant être proches, se distinguent de manière marquée, un peu comme dans un tableau. Que ce soit de manière consciente ou inconsciente, on note souvent cette marque dans de nombreux ouvrages ou témoignages : la marque d’une différence ressentie, de la recherche d’autre chose, d’une conscience que d’autres ne semblent pas avoir.

Cette opposition, couplée à d’autres facteurs qui ne sont pas propres à la CP (notamment l’impossibilité de pouvoir/devoir expliquer une partie de la nature du groupe / du rite, l’attitude potentielle de la police / des gendarmes, la peur d’être pris.e de haut -fondée ou non-, la difficulté d’arriver à porter plainte, la complexité des fonctionnements judiciaires,  et j’en passe) peut finir par favoriser un processus d’isolement.
Ce processus va par exemple, contribuer (je dis bien contribuer, parce que ce n’est pas un seul facteur qui entre en jeu) à empêcher les gens d’agir face à certains types d’abus voire de violence(s). Plutôt que de faire intervenir des gens situés à l’extérieur du groupe (type médecins, police, etc), le groupe essaiera de régler « ça » de manière « privée » (quand il le fait). Je souligne que ce n’est évidemment pas uniquement une question « de volonté » parce qu’en fonction des potentielles réactions que l’on a rencontrées au cours de nos vies, du soutien ou de l’absence de soutien, des peurs et des enjeux potentiels qui seront différents pour chacun.e, mais aussi des processus d’emprise, cela dépasse la simple question lâcheté / courage telle qu’on la voit souvent décrite de façon binaire.

Et si nous, nous nous considérons comme étant « du monde », parce que par exemple, nous sommes simplement « polythéiste soft », c’est le monde qui considérera que nous n’en sommes pas. On peut trouver différents degrés d’acceptation, validation et autres, mais à un moment donné, plus ou moins haut, cela risque de coincer (je pense notamment aux systèmes judiciaires, aux enquêtes sociales et j’en passe). Les structures et le poids des PC actuels ne nous permettant pas -encore- d’être autre chose qu’une minorité non influente. 

Des structures extrêmement mutables et diverses

Rares sont les groupes stables et nombreux. Ils sont même davantage des exceptions plutôt que la règle. La majorité des groupes existant se composent d’un petit nombre de personnes qui évoluent librement sans structure fixe ni de cadre légal, (a contrario d’une association qui doit avoir un statut enregistré et des membres désignés pour les fonctions administratives) leur longévité est variable.
On retrouve aussi quelques très rares associations françaises.
Ainsi, on a des personnes majoritairement isolées (voire des petits groupes informels) éclatés sur le territoire, avec des poches de concentration suivant les zones / type de pratique.
On a donc, nonobstant la diversité des pratiques religieuses / spirituelles / magiques, une constellation de groupes qui peuvent avoir des politiques de base et des règles de fonctionnement très différents les uns des autres, pour le meilleur comme pour le pire. En général, la plus universelle concerne la non admission de personnes mineures (ou alors pour le cas d’association, avec une autorisation signée de la part d’un représentant légal). Pour tout le reste, c’est à l’avenant et pas forcément toujours simple d’avoir certaines réponses, notamment parce que la majorité… n’ont pas forcément eux même idée de quelle attitude adopter sur place si tel ou tel truc ne se passe pas du tout comme prévu.

Ces groupes sont généralement relativement difficiles à trouver si on vient de l’extérieur et qu’on essaie de démarrer par une classique recherche google, même si ces dernières années, le développement des réseaux sociaux a fait changer la donne : ainsi le bouche-à-oreille se fait aujourd’hui énormément par ce biais : groupes FB, pages insta et autres. Certains sont publics, d’autres très confidentiels.

Ces groupes évoluent rapidement que ce soit pour de bonnes ou de mauvaises raisons. Les gens vieillissent et n’ont plus le temps de prendre part à des événements spécifiques, ou alors déménagent. La structure aussi bien que les participants changent. Retrouver la trace d’un ancien groupe, des traces de son existence, des archives ou avoir des confirmations d’autres personnes peut s’avérer une gageure.

Enfin, beaucoup sont surtout des groupes d’ami.e.s qui pratiquent ensembles et n’ont donc logiquement pas ou rarement d’autre « porte d’entrée » que le cercle de relation.

En fonction des sujets / thématiques / axes de pratique, il est légitime que certains type de groupes n’aient pas nécessairement vocation à accueillir du monde de manière ouverte, ni à être trouvable : de ce point de vue-là, il n’est pas possible de comparer un groupe à visée reconstructionniste et un groupe qui pratiquerait certaines formes de magie.

3. Des identités polymorphes

Les réseaux sociaux mentionnés au paragraphe précédent sont souvent une donnée très appréciable autant pour les nouvelles générations -qui ne sont plus seul.e.s dans leur piaule à planquer un livre sous le matelas en cachette- que pour les plus anciennes, puisqu’on a la possibilité d’échanger, de confronter nos points de vue, de pratiquer nos rites et nos rituels, bref qu’on a la possibilité d’accéder, ne serait-ce que virtuellement, à une communauté relativement diversifiée pouvant partager informations, ressources, et tant d’autre choses positives.

Cependant, toute médaille a son revers, et c’est devenu aussi plus difficile de savoir exactement où on débarque ; même en sachant que popularité et qualité ne vont ni de pairs ni ne sont antagonistes, c’est une véritable jungle -spécialement quand on débute- pour parvenir à trier l’information et y dénicher ce qui est pertinent par rapport à son cheminement personnel. La qualité des contenus est très variable, non seulement d’une personne à une autre, mais aussi suivant les sujets abordés : une personne offrant du contenu en ligne qui peut être très bon sur certains axes, moins sur d’autres.

Enfin, sur les réseaux, il est facile de changer d’identité. On efface tout et on recommence avec une nouvelle interface, un nouveau design et un nouveau pseudo.
C’est aussi possible IRL quoique moins fréquemment : comme la « population » change, que des nouveaux arrivent, on se fait oublier, on monte un nouveau groupe, un nouvel atelier et pouf. La dynamique des groupes, sans parler des « Amicales de Pratique », fait qu’il faut bien connaître les gens pour avoir des informations fiables sur qui se trouve derrière tel ou tel nouveau truc qui a fait pop.

Par manque de place, je ne détaillerai pas le fonctionnement des nouveaux réseaux sociaux, de plus en plus spécifiques, avec un algorithme difficilement compréhensible et dont les règles changent extrêmement fréquemment, rendant quasi-obligatoire la fréquence toujours plus importante non seulement des publications / vidéos mais également différents types d’échanges avec sa communauté / d’autres internautes. D’où la multiplication de tendances en cascade mais aussi des clashs plus ou moins vrais, pour générer de l’affluence. Pourquoi en parler ? Parce que ces nouveaux réseaux favorisent et contribuent à créer une fausse sensation d’intimité avec le compte suivi/ /  des sensations de comparaisons délétères pour l’estime de soi / des phénomènes de harcèlements prenant des proportions toujours plus importantes et j’en passe.

Concernant l’identité sur internet / dans la CP, si les raisons de base sont tout à fait compréhensibles et prudentes, à savoir une certaine discrétion -hautement nécessaire pour certaines professions-, la volonté de ne pas afficher publiquement ses croyances, choix personnels, etc. Il ressort néanmoins que c’est difficile d’avoir un aperçu juste et complet du nombre de pratiquant.e.s, de la composition d’un groupe, de l’identité personnelle (« civile » ou « paganisée » du moment qu’elle est stable, c’est à dire qu’elle ne change pas tous les quatre matins) et donc de pouvoir clairement se prémunir de certaines personnes abusives / de les empêcher de revenir après une éventuelle éviction d’un groupe / d’éviter à des gourous et autres de remonter leur arnaque.

En cas de problèmes du type abus, harcèlement, violences et j’en passe, cela complexifie considérablement les signalements ou les recours (sauf dans les associations où il est normalement possible d’en référer au bureau qui doit, en principe, prendre les mesures appropriées.)
En général, une personne équilibrée dans sa pratique et qui essaie d’avoir un fonctionnement sain ne ressent pas le besoin de changer de pseudo, ou de se créer une nouvelle identité tous les trois mois ou après un énième pétage de câbles, et ce de manière répétée, en effaçant à chaque fois les traces de l’ancienne. (Je ne parle pas ici de la personne qui s’inscrit sur un forum ou sur un discord avec un pseudo, et qui en utilise un autre sur FB.)

La/les CP sont de petites communautés, et plus rares sont celleux qui y restent de manière « active » pendant une voire deux ou trois dizaines d’années. Rares tout court sont celleux qui s’impliquent pour faire quoi que ce soit de concret (se rendre à un blot, organiser un groupe IRL, un atelier en ligne…) me dit-on dans l’oreillette.
Conjugué à une partie de ce qui a été énoncé au point b) un monde païen qui n’est pas « du monde », on peut également assister à un processus d’intériorisation extrêmement toxique : autrement dit, on ne parle pas à « l’extérieur » des problèmes que l’on rencontre dans la CP, pour ne pas « menacer » cette même communauté. (Et en même temps, quand on voit déjà le sort réservé aux enfants qui dénoncent l’inceste et aux mères protectrices, on a envie de dire « comment vous voulez faire ? »)
A noter que ce n’est pas « un choix » qui est « conscient », mais plutôt une zone bien grise au milieu d’une autre zone bien grise. Si on parle, comme il n’y a pas de « politique officielle païenne » ou « d’instances régulatrices », c’est un peu « au petit bonheur la chance » en fonction d’où on parle, de qui on est, et des « bonnes relations », ainsi que de la nature même de ce qui peut être problématique (et là on en revient au point a) des sujets liminaux).

[Odin Project #14] En dépit de ? Non. Avec.

Chaque fois qu’il est question d’aborder les aspects dits « sombres », les côtés délicats d’une déité, ce qu’elle a de plus craignos etc, je suis souvent étonnée de voir que ces aspects sont perçus comme un mal nécessaire, quelque chose que l’on accepte à contre-cœur.

Comment expliquer ?

Tout d’abord, je ne pense pas que ce que nous appelons « les côtés sombres » aient toujours, systématiquement été perçus comme tel. Je pense que, quelques soient les déités que nous approchons, la façon dont elles ont été vues a évolué, non seulement au fil du temps (nombre d’entre elles ont en quelques sortes survécues, dissimulées dans les coutumes, les contes et les chansons, on peut lire en filigrane certaines évolutions.) mais aussi en fonction des personnes qui les vénéraient.
En l’occurrence dans le cas d’Odin, si certaines analyses laissent penser que Thor et Freyr avaient la préférence du peuple, d’autres catégories de personnes devaient sans doute préférer Odin, aspects craignos itou. [Je ne reviendrai pas sur les analyses en question qui ont déjà été mentionnées, au moins en partie, sur ce blog.] Notre attitude par rapport à ce qui est « dans le paganisme » (terme à prendre avec les précautions d’usage, ne pas mettre dans le même panier, et tout le toutim) considéré comme l’aspect « sombre » d’une déité est souvent révélateur de nos craintes, de nos peurs et de notre attitude face à la mort, la douleur, la terreur  et j’en passe.

« Le sombre est un outil. Ou un mal nécessaire ». »Si, si j’accepte cette part d’ombre mais » (et j’ai envie de dire comme dans Game Of Thrones « ma mère m’a appris que tout ce qu’il y avait avant le mot « mais » ne comptait pas ») => cela revient plus ou moins à dire « je ne t’accepte pas comme tu es, mais je vais faire un effort, et je suis bien gentil/le de le faire ». Ou « j’en fais un outil, parce que sinon je ne vois pas de justifications à accepter cette part là ».

Comment dire ?

Quand j’aime une personne, je l’aime comme elle l’est. Avec ses qualités et ses défauts. Et parce qu’elle a certains défauts, je la trouve encore plus attachante et je ne l’en aime que davantage. Ce n’est pas toujours simple, ce n’est pas toujours évident. Mais en fin de compte, on ne trace pas une ligne pour dire « ca je prend » et « ca je laisse ». On ne remodèle pas une personne en fantasmant ce que l’on voudrait qu’elle soit, parce que cela ira mieux avec notre caractère, notre histoire, nos attentes et nos projections.

Avec les déités ce n’est pas différent.
Je n’apprécie pas Odin EN DEPIT de ses aspects craignos. Je l’apprécie AVEC. PARCE QUE.

J’ai parfois lu qu’il ne faut pas. Que ce n’est pas conseillé.

On n’est pas obligé de se focaliser « sur ». Mais ne pas se focaliser sur ne veut pas dire « oublier ou composer avec mauvaise grâce ». Ou en faire « un désagrément obligatoire. »
J’honore Viður.
Et Ygg.
Et Hangaguð.
Et les autres.

Auteur inconnu.

Les aspects craignos comme les aspects très sympathiques. Ceux qui réjouissent le cœur et l’âme comme les autres. Je n’ai pas envie de coller une part de ses aspects au placard, comme s’ils étaient des détails repoussants.
Est-ce que c’est utile ? Mais encore une fois : vous honorez les dieux, vous les priez et vous les aimez parce que c’est UTILE ? Vous aimez votre chat, votre conjoint/e, vos ami/e/s parce qu’ils sont utiles ? Vous faites tout par intérêt ?

Il paraît que c’est dangereux.

Mais VIVRE est dangereux. La vie est une maladie mortelle. Faire l’amour est dangereux : vous pouvez chopper le sida. Aimer est dangereux, on peut vous briser le cœur. Surtout ne traversez pas la rue, vous pourriez vous faire renverser par une voiture.

On fait attention à tout. On doit vivre sainement. Baiser avec des capotes, ne pas boire, ne pas fumer, manger sain et de préférence bio. S’inquiéter des radiations nucléaires, de la fonte des glaces, de l’inflation de ci et de mi…et on souhaite « une pratique spirituelle sans dangers ? »
On a largement de quoi s’inquiéter de manière pragmatique, si c’est pour s’inquiéter et évaluer ses choix spirituels comme on calcule les risques pour un emprunt bancaire, non merci. Pas pour moi. Je comprends que l’on puisse préférer faire autrement. Que l’on choisisse autrement. Ce sont des choses qui vous regardent, et personne d’autres n’a à vous dire quelles routes prendre, quels chemins emprunter. C’est personnel.

Peut-être que je le regretterai un jour. Oui, peut-être. Peut-être pas. Et non, tout n’est pas toujours rose, toujours facile. Mais non, tout n’est pas horrible non plus.
Mais c’est seulement dans les dernières minutes de mon existence que je pourrais peut-être savoir si ce choix là était d’une idiotie folle ou pas. Très prosaïquement, je pense que j’aurai autre chose à penser.

[Odin Project #4] Un dieu fourbe ?

Comme cela a déjà été mentionné plusieurs fois précédemment, Odin était un dieu craint et considéré comme fourbe. Encore aujourd’hui, j’ai été plutôt étonnée, en lisant certains forums et en discutant avec des ami/e/s, il est toujours un dieu dont on se méfie voir dont certains ont peur. Pour certains c’est en raison de ce qu’il dégage comme énergie, pour d’autres c’est parce qu’il est perçu comme prêt à vous rouler dans la farine si le besoin s’en fait sentir (pour résumer brièvement une partie des échanges / lectures. Ceci étant, cela n’est bien évidemment pas une vérité générale.)

Est-ce que cette réputation est justifiée ?
Dans les textes, il est rarement vu sous un jour vraiment positif. Quand il apparaît, sous un déguisement, chez les humains, il y a effectivement du grabuge dans la plupart des cas. Dans Les énigmes de Gestumblindi (une partie de la Hervarar saga) et dans le Vafþrúðnismál, -on va résumer grossièrement- il se pointe pour une partie de devinettes et dans les deux cas, il termine par une pirouette en demandant à Heidrekr et Vafþrúðnir « ce qu’Odin murmura à l’oreille de son fils [Baldr] sur le bûcher funéraire de celui-ci ? » (« Oui, non, zbradaradjian ». Pardon aux familles comme dirait Babette.) Evidemment, les deux gars ne peuvent pas répondre. Le géant reconnaît qu’Odin est le plus sage. Le roi Heidrekr se barre en se transformant en faucon, se fait couper la queue. Dans les deux cas, il s’en tire par une pirouette.

On retrouve au fil des textes, (au pif dans le Hávamál : la strophe 110, faisant état d’un serment prêté sur l’anneau. Serment rompu par Odin.) plusieurs mentions de sa « fourberie ». Je ne rentrerai pas aujourd’hui dans le cas du « Odin, fauteur de malheur ? » mais en gros, il est présenté comme un dieu à qui l’on ne peut pas se fier. Il n’est pas un dieu de la justice comme Tyr et il n’est pas non plus un dieu de la guerre et de la force comme Thor. On ne le voit pas directement sur le champ de bataille, par contre, il les provoque. Il n’arbitre pas les conflits, et il n’hésite pas à favoriser ses préférés, mais c’est souvent à double tranchant.

Odin possède une connaissance redoutable, et il a des moyens pour avoir des informations : ses corbeaux, la pratique du Seiðr, Hliðskjálf… On peut donc raisonnablement supposer qu’il a la possibilité d’être au courant de ce qui peut advenir, ou d’un certain nombre de potentialités. Un stratège ne sait pas à l’avance comment une bataille va tourner, par contre, il sait réagir rapidement aux mouvements de l’ennemi et s’adapter le plus efficacement possibles aux changements et à la topographie d’un terre. La fourberie d’Odin pourrait provenir en partie du fait qu’il s’adapterait en fonction de l’évolution de la situation, quitte à revenir sur sa parole. Ce n’est qu’une supposition, et on pourrait objecter que cela n’est pas une raison (en même temps, dieux ou pas, si nous pouvons avoir notre avis sur quelque chose, premièrement nous ne connaissons pas toutes les motivations et deuxièmement, je pense qu’il est toujours facile d’avoir un avis extérieur…) mais il n’est pas illogique de penser qu’il se contente de faire ce qui est le moins nuisible sur le long terme.
Prenons l’exemple de Tyr qui met sa main en gage dans la gueule de Fenrir pour qu’il se laisse attacher. D’un côté il a rompu un serment, de l’autre il s’est sacrifié « pour le bien général ». Rien ne dit dans le mythe que c’était facile pour lui. C’est un peu complexe à résumer comme ça, mais Odin endosse peut-être lui aussi ce rôle de briseur de serment parce qu’il y est d’une certaine manière tenu par sa position.
Et donc, est-ce que sa réputation est justifiée ? Pour moi, oui et non. Parce qu’on ne peut pas demander à un dieu-stratège qui a sans doute des raisons particulières d’agir de faire autrement pour des raisons X ou Y mais je ne pense pas que le stratège le fasse par pur plaisir. Je ne pense pas que cela l’amuse particulièrement de devoir agir comme il le fait. Ses roueries ne sont pas systématiques et l’interprétation des textes est toujours sujette à caution : on ne sait pas si dans certains cas certains traits n’ont pas été forcés, dans quelle mesure.
Après, il est évident que les buts qu’il poursuit sont particuliers, et pas forcément intelligibles, mais le ranger définitivement dans la case « oui » ou la case « non », c’est premièrement penser que nous sommes en mesure de comprendre parfaitement les dieux, que nous avons suffisamment de preuves irréfutables -d’un point de vue intellectuel / ressources- pour l’affirmer avec certitude. C’est aussi se ranger à ces avis manichéens qui classent les dieux en deux catégories, les « lumineux » et les « sombres », alors que nous n’avons en réalité aucun moyen de mesurer à l’avance l’impact qu’une déité aura sur notre vie. Personne n’est tout bon ou tout mauvais, par contre, se dire que l’on peut potentiellement se faire rouler n’est une idée plaisante pour personne, alors c’est plus facile de s’illusionner, dans un sens ou dans l’autre. Pour moi c’est un peu comme se dire « ah non, l’idée que les dieux puissent être, à leur manière, réels, c’est beaucoup trop flippant, alors je vais dire que ce sont des projections, des archétypes. Ca, ca me fait vachement moins peur. » [note : Je ne dis pas que toutes les personnes considérant les déités comme étant des archétypes le font par peur. 😉 Le sujet avait été abordé un peu plus en détails et de manière plus nuancée ici.]

Le danger n’est pas celui que l’on croit

Une réflexion partielle par rapport à certaines lectures

Sur les blogs américains (davantage que sur les blogs anglais me semble-t-il) on peut trouver de nombreux postes sur les dangers de l’astral et les risques potentiels qui peuvent nous guetter. On trouve aussi des articles sur les conséquences de nos actes, parfois sur la loi du triple retour (à laquelle je ne crois personnellement pas), sur le fait de travailler avec des esprits… C’est très intéressant, mais pour être tout à fait honnête, je ne pense pas que ce soit le principal danger de la magie, de la pratique ou appelez ça comme vous voulez suivant votre chemin.

Il ne me vient pas à l’idée de nier les risques, simplement, à mon avis, ces articles nous encourage à nous focaliser sur des problèmes somme toute assez rares au détriment d’autres sans doute moins spectaculaires mais beaucoup plus réels. Je pense que le principal danger, c’est nous-même. Notre plus grand ennemi et le plus grand risque que nous courons n’est pas niché dans le bas astral en attendant de nous attaquer si nous ne sommes pas protégé ou préparé (d’ailleurs au passage, je ne souscris pas à ces théories du « haut astral » et du « bas astral »), il est bien caché au fond de nous, dans notre égo, nos peurs, notre part sombre.
Pour parler clairement, je n’ai vu personne ne pas se réveiller après un voyage astral, par contre, j’ai vu un certain nombre de personnes perdre les pédales, et pour être parfaitement honnête, j’ai moi aussi perdu les pédales à une époque, et rétrospectivement, je suis reconnaissante de la chance que j’ai eu, à savoir d’avoir des amis qui m’ont parfois mis la tête dans la purée « oh, tu as fini tes conneries ? » même si sur le moment ce n’est ni facile à admettre, ni facile à faire.

Perdre les pédales, qu’est-ce que c’est ? Oh c’est à la fois très simple et délicat à expliquer. Ce sont tous les gens qui s’aveuglent dans leur pratique et deviennent inchiables à fréquenter.
Comment on perd les pédales ? C’est propre à chacun, et je pense qu’on perd tous au moins une fois les pédales. Parfois on se remet en selle, parfois on se viande. Parfois on se remet en selle après s’être mangé une, deux, trois gamelles. Parfois on ne remonte jamais.

En ce qui concerne la pratique spirituelle/magique, je pense que personne ne peut juger les ressentis d’autrui et j’essaie autant que possible de ne pas le faire, ne pas ricaner en disant que ce sont des conneries ou que ca n’existe pas.
Ca ne veut pas dire oui et acquiescer aveuglément chaque fois que l’on vous parle de quelque chose, je définirais plutôt l’acceptation comme un mélange équilibré d’acceptation et de doute cartésien : pourquoi le doute cartésien ? Pas parce que j’attends ou désire qu’on me donne des preuves (soit la personne fantasme soit elle ne fantasme pas, dans les deux cas, je considère que tant qu’elle ne se transforme pas en « trouduc » ca n’est pas mon problème après tout, pas dans le sens « je m’en fous » plutôt dans le sens « ce n’est pas à moi de m’en mêler, et de me trouver impliquée dans quelque chose qui ne me regarde pas »), plutôt parce que j’attends de voir comment cette personne va le vivre, comment elle va évoluer.

Le doute cartésien est important -pour moi en tout cas- parce qu’il permet de se détacher du ressenti émotionnel et de l’emphase que l’on peut être tenter de mettre dans certaines choses. Je vois beaucoup passer sur les blogs ce texte sur le fait d’être prêtresse, comme quoi il ne faut pas se réjouir parce qu’on va souffrir, gna gna gna. Et là, une amie a du finalement m’influencer (;) ) parce que le prendre au pied de la lettre, c’est ni plus ni moins qu’une autoroute vers la transformation en Agnus Dei. Je ne dis pas qu’il n’y ait pas parfois une certaine forme de plaisir dans la souffrance, dans le don absolu (ce qui rejoint la conception de ce que je lis parfois sur l’Ordeal Path), mais ce n’est pas le propos qui me paraît être tenu dans ce texte : « si vous êtes appelées ne vous réjouissez pas ». Ben si on doit faire un truc difficile, autant y prendre du plaisir, même si c’est un plaisir que certains considéreraient comme tordu, parce que sinon, c’est la porte ouverte à n’importe quoi. Souffrir pour souffrir, et se regarder dans le miroir en disant « oh regardez comme je souffre »… je ne ferais pas de commentaires en fait (ce serait intéressant de pouvoir discuter avec l’auteure de ce texte, parce que je pense que nous n’en faisons que des interprétations faussées). Être prêtre/sse, c’est factuel, et il n’y a aucune emphase ou fierté à tirer de cela. Il n’y aucune fierté ou égo à tirer de sa voie, peu importe celle que l’on suit.

A propos de l’évolution dont je parlais plus haut, il y a deux options principales, avec un nombre infini de nuances : soit ses expériences lui permettent de se transformer, d’évoluer de manière positive et de régler certains de ses problèmes ou au moins d’y travailler, soit la personne s’enferme dans sa montagne de merde, devient l’agneau du sacrifice, dégage et méprise tout le monde, se permet de porter des jugements à l’emporte-pièces, a les chevilles qui gonflent, bref, devient inchiable. (Note : comme souligné, c’est à des degrés variables)
C’est la seule chose que j’essaie de considérer, indépendamment de tout le reste, parce que le reste implique un ressenti au niveau des mots, un partage d’expérience, de nommer certains concepts et que personne n’a exactement la même façon d’interpréter, de vivre, de comprendre que son voisin.

C’est une grande difficulté et un questionnement permanent ; mais se demander si on est sain d’esprit, ou si on devient fou est une fausse question. Oui, pour beaucoup de gens vous êtes sans doute fou. Pour certaines personnes, le simple fait d’avoir une spiritualité suffit à faire de vous un illuminé bon pour l’asile. (Mme J.,  ma prof de français en Seconde disait toujours « on est tous fous, les seuls qui ne le soient pas, on les a enfermés pour les protéger de nous ».) La vraie question c’est : vous servez vous de votre spiritualité, de votre chemin pour justifier une fuite de la réalité, un comportement odieux, pour ne pas avoir à affronter vos problèmes avec les autres/vous-même ou pour dissimuler de vieilles blessures au lieu de les guérir ?

Parmi les conseils de base, on trouve souvent celui qui porte sur la nourriture, qu’il faut éviter de manger des aliments « raffinés » : je pense que ce n’est pas uniquement un conseil de diététique, c’est aussi que la nourriture « fraîche » demande du temps pour être préparé. De temps et de la concentration, et ce moment là est une bonne façon de s’ancrer, comme faire le ménage ou toutes les tâches ordinaires qui demandent qu’on se focalise sur « ici et maintenant » au lieu de vagabonder dans sa tête.