La communauté païenne est-elle dangereuse ?

Note : J’utilise le terme « communauté(s) païenne(s) », abrégé(s) en CP au fil de l’article, pour désigner les personnes, groupes, associations et autres gravitant autour du (néo)paganisme. Ceci afin de simplifier les propos.
Il est question ici de la France, pour des raisons évidentes.
Je remercie chaleureusement les deux personnes qui ont accepté de relire cet article et m’ont fait part de leurs observations. Le sujet pouvant être épineux, je souhaitais avoir un avis extérieur avant toute publication. 

[A lire avant d’entrer dans le vif du sujet]

⇒ Cet article trouve son origine dans un rapide échange avec deux personnes, échange au cours duquel une des personnes expliquait avoir toujours fait preuve de la plus grande méfiance avant de « mettre son pied quelque part dans la CP », tandis que l’autre, ayant une approche différente, demandait quelle pouvait être la nature de ces dangers.
Après avoir répondu rapidement, je me suis demandé « pourquoi ». Pourquoi est-ce une question que l’on se pose / doit se poser ? Qu’est-ce qui dans la façon dont les choses fonctionnent, dont les gens se croisent peut augmenter -ou parfois réduire- les risques ? Comment présenterai-je le tout si le moi d’il y a vingt ans venait me poser cette question ?

⇒ Il a des airs « Captain Obvious », parce qu’il a été écrit dans le but d’essayer d’expliciter les mécanismes qui sous-tendent la/les CP, d’en comprendre les bases de fonctionnement et de ce qui en découle. A aucun moment, il n’est destiné à être autre chose que généraliste, et ne prétend pas être une vérité complète et absolue. J’ai essayé de l’écrire en restant factuelle autant que je pouvais.

⇒ Je ne rentre pas dans les détails de tout ce qui « peut survenir dans les cas les plus dramatiques » ni ne donne d’exemple ouvertement explicite quant aux abus. Pourquoi ? Parce que certaines personnes ayant vécu des traumas similaires peuvent les voir se réactiver, d’où la mention de plus en plus fréquente de « trigger warning », qui est un minimum quand on aborde certains sujets, et que le but, justement, c’est de faire de ce pavé une lecture accessible au plus grand nombre.

⇒ Bien que quelques exemples de red flags soient glissés au fil des mots, le but n’est pas ici, spécifiquement, d’en dresser une liste.

⇒ « Tu fais chier, c’est un pavé ton truc. » Oui, vu la nature du sujet, je me voyais mal le couper en deux ou trois parties. (Ça aurait été parfait pour du putaclic remarquez).

1/ Considérer la base

Premièrement, et pour essayer de poser une base, le socle des communautés païennes ne repose pas exactement sur le même que celui, disons d’une communauté se regroupant autour du tricot.
S’il y a, et qu’il doit y avoir, des bases communes au niveau du comportement admissible / non admissible, puisque nous évoluons au sein de la même société (occidentale du XXIe siècle) et que nous sommes régis par les mêmes lois (enfin, en principe), les raisons de la présence d’une personne et les sujets abordés sont bien évidemment très différents.

Il y a, chez les païens, non seulement une foultitude d’histoires et de parcours personnels mais on y aborde également des sujets qui sont plus généralement passés plus ou moins sous silence, parce que non pertinents ou alors seulement spécifiques dans certaines communautés « de niche ». J’explicite :

→ Pour reprendre l’exemple du tricot, il n’y a pas besoin d’aborder des thèmes comme la mort (bien que le sujet puisse éventuellement, on peut l’imaginer, survenir de manière épisodique pour X raisons.) Ce n’est pas ce qui va préalablement orienter les personnes VERS la communauté « tricot », même s’il n’est pas possible d’exclure que cela puisse être le cas pour certaines personnes ou que cela ait joué un rôle dans leur parcours.

→ D’autres communautés qui vont aborder certains de ces thèmes (par exemple celui du deuil périnatal) vont le faire spécifiquement dans cette optique. Il est rare que des individues (oui, au féminin) aillent spontanément vers ce type de communauté sans y être confrontée (de manière personnelle / directement autour d’elle / en tant que professionnelle), même si cela arrive, mais dans les faits, c’est globalement -et malheureusement- plutôt rare.

a) Des sujets liminaux

Plus qu’une seule communauté, il est pertinent ici de distinguer grossièrement deux parties dans la CP : celle qui se regroupe davantage autour des axes de la sorcellerie / pratique magique et celle qui est plus axée dans une relation -parfois non personnelle- avec les divinités. L’étendue des sujets abordés couvre un très large spectre. Ce n’est pas la même chose d’essayer de reconstruire le plus factuellement possible une religion antique, de pratiquer certaines formes de sorcellerie ou de magie avec possiblement des rituels spécifiques autour d’une initiation / de pratiquer les Arts divinatoires et j’en passe.
Sachant que dans les faits, ces « axes » ne forment pas des isolats impénétrables et qu’il est possible de cocher plusieurs catégories. Certaines des problématiques et des risques exposés dans cette partie concernent un peu plus spécifiquement la CP « sorcière », bien que la partie « polythéiste » puisse être également concernée.

Au cœur des communautés « sorcière » et « polythéiste », on retrouve toute une série de sujets liminaux par rapport à la société globale dans laquelle nous évoluons. On ne parle pas de sport(s) ou d’aquarelle, on parle de transe, de possession, de divinités, de leurs présences, de trauma, de recherche de guérison, de communication avec la nature, de sexualité, de prise d’enthéogènes, d’empouvoirement… pas vraiment des choses dont il est possible de discuter avec le tout-venant entre deux portes. Aussi passionnants soient ils, ce ne sont pas des sujets anodins et sans conséquences.
Nous venons tous avec nos bagages personnels, notre vécu, et nous avons chacun.e notre propre cheminement, des sujets auxquels nous sommes davantage sensibles que d’autres.

Le corollaire plus sombre de ces aspects liminaux, c’est notamment toute la thématique liée aux gourous, aux abus de toutes sortes et à la possible fragilité / crédulité de certaines personnes, par exemple en raisons de traumas passés.
Enfin, il existe aussi des gens qui viennent à emprunter ces chemins, soit avec des intentions qui les rendent possiblement nuisibles pour d’autres, soit qui au fur et à mesure de leur pratique, de leurs fréquentations et de toute une pléthore d’autres facteurs, vont devenir dangereux. Ce n’est pas le cas le plus fréquent, mais croire que ces personnes n’existent pas est une erreur.
Il y a ceux qui mentent et vont essayer de fourguer de la camelote (physique ou spirituelle) et qui le font sciemment dans le but d’arnaquer (tous ne font pas partie de la CP, certaines personnes profitant « juste » de l’étiquette pour le marché juteux qu’elle attire. Cependant et bien qu’étant externes, ils font partie des problèmes que l’on peut rencontrer « de l’intérieur ».)
Parfois, certains aspects peuvent être perçus comme sulfureux, par exemple la pratique de la nudité rituelle (skyclad) et dans les faits, n’être pas problématique au sein d’un groupe. Parce que toustes celleux qui en font partie sont clean sur la question et ont un comportement approprié. Pour autant, le groupe peut être « clean » sur la question de la nudité rituelle, mais pas sur d’autres plans, ce qui peut s’avérer tout aussi problématique, mais qui sera peut-être, au moins dans un premier temps, moins perceptible.
Pour reprendre l’exemple du skyclad, d’autres groupes peuvent effectivement avoir en leur sein une personne qui a tendance à « mater », voire à commenter ensuite à guichet fermé. (Je n’évoque pas de problématique plus explicite, parce que je pense que le tableau de potentialité est suffisamment évocateur.) Une des réactions peut être de se dire « oh ben ça va, si ça n’en reste qu’au matage, y’a pas de quoi fouetter un chat ». Alors, vous pouvez être concerné.e et ne pas vous en soucier, ce qui est votre liberté la plus stricte. La ou les personne(s) concerné.e.s peut/peuvent être très mal à l’aise voire plus. Cela peut aussi, plus sournoisement, progressivement vous « insensibiliser » à des comportements qui ne sont pas acceptables.
J’explique, en reprenant l’analogie de la communauté de tricot évoquée plus haut.

→ Dans un club de tricot, en général, on ne se met pas nu.e pour tricoter. Dans certains rituels au sein de certains groupes de la CP, c’est une possibilité. Déjà, les « bases » de ce qui est « acceptable » ne sont pas les mêmes.
Qu’on le veuille ou non, il y a déjà un « brouillage » par rapport à ce que l’on peut connaître dans la vie de tous les jours. Alors si ces moments, où nos points de repères habituels ne servent plus, s’avèrent en plus entachés de comportements ou de problématiques qui n’ont rien à y faire, le risque est de considérer cela comme étant en fait « normal » et non pas « problématique ». Et d’accepter de plus en plus de situations qui seraient autrement perçues comme largement abusives / risquées avec éventuellement une escalade dans la gravité des situations abusives.
L’autre aspect risqué, c’est de n’avoir jamais été en position de questionner / de ne pas s’être rendu.e compte qu’il y avait de facto un énorme problème, et de finir par se retrouver en position où l’on peut devenir la personne abusive.

J’ai pris l’exemple du skyclad, parce que dans les années 2005, c’était vu comme très très sulfureux. D’autant qu’on ne trouvait pas d’informations ou très peu, et qu’il y avait peu d’endroits où poser des questions ou avoir un back-up pour checker si c’était sain et normal ou pas. Ce n’est bien sûr qu’un exemple, et ce type de schéma peut s’adapter à bon nombre de pratiques.

En parlant de pratique, une autre question se pose : où s’arrête une pratique saine et où commence une pratique malsaine ?
Si on se cantonne à l’aspect purement humain, c’est déjà compliqué de savoir à quel moment une relation devient toxique (qu’elle soit amoureuse, professionnelle…) ou quand nous sommes dans une situation de violence (notamment quand la pratique est banalisée par le milieu au sein duquel on évolue, je pense par exemple aux pratiques de management de certaines entreprises), alors comment on fait quand on est en présence de pratiques comme les rituels de possession ? Les transes ?
Comment sait-on si c’est vraiment le rituel qui part en couille ou si c’est la personne qui va utiliser ce biais pour profiter de son niveau d’influence sur les autres ? Comment fait-on vérifier ? Par qui ? Il n’y a pas d’instances, de spécialiste(s) neutre(s) avec un diplôme. On peut trouver des personnes non directement concernées et extérieures à la question, mais là aussi, on les trouve comment ? Par le bouche-à-oreille ? Dans une communauté plus développée et différente ?
Je n’ai pas de réponse toute faite à ces questions, mais cela fait partie des aspects à garder en tête et d’y réfléchir, sans doute avant même de commencer à rencontrer un groupe ou autre. Comme me l’a soufflé très justement une des personnes qui a relu cet article : « quand on commence à se poser des questions, ne pas évacuer les choses du revers de la main. On ne se questionne jamais à partir de rien. »

Enfin, et si je ne rentrerai pas dans les détails au fil de cet article, oui, la pratique de la magie / des rituels / du seiðr… de ce que vous voulez, n’est pas sécuritaire. Oui, on peut se ramasser des bricoles. Même des rituels censés être positifs / bénéfiques pour une communauté peut avoir « un bug » pendant qu’il est performé et devenir l’inverse de ce qu’il était censé être.
Certaines pratiques semblent plus risquées que d’autres, mais dans tous les cas, le risque zéro n’existe pas.
D’où, je pense, l’importance d’essayer de comprendre, de décortiquer, de pouvoir échanger, questionner, évoluer… Quand on arrive, et que l’on a peu ou pas de points de repères fixes, comment on fait pour savoir si une pratique est légitime ? Si c’est vrai ? Si le groupe est sain ou pas ?

 

2. Un « monde païen » qui n’est pas « du monde »

Pour ne pas alourdir mon pavé, je ne retracerai pas l’histoire de figures comme celle de la Sorcière, ni ne raconterai l’importance du groupe et des risques qu’il y a/avait à se trouver « à la marge » ou à être « une minorité », supposant que chacun.e possède un minimum de représentation quant à ces sujets.
Tout ceci pour dire qu’il y a déjà une double caractérisation dans la CP sorcière et non sorcière : premièrement une variation plus ou moins grande par rapport à la norme* sociétale française contemporaine (descendant directement des Lumières, qui n’a quand on creuse, de Lumières que le nom…) mais aussi un certain historique d’opposition par rapport à cette norme*. [« Norme » désignant ici « ce que l’on retrouve le plus souvent / le postulat généralement présupposé faute d’informations complémentaires.]
Par « opposition » je n’entends pas ici un rapport de lutte (bien qu’il puisse coexister), mais plutôt deux constructions différentes qui bien que pouvant être proches, se distinguent de manière marquée, un peu comme dans un tableau. Que ce soit de manière consciente ou inconsciente, on note souvent cette marque dans de nombreux ouvrages ou témoignages : la marque d’une différence ressentie, de la recherche d’autre chose, d’une conscience que d’autres ne semblent pas avoir.

Cette opposition, couplée à d’autres facteurs qui ne sont pas propres à la CP (notamment l’impossibilité de pouvoir/devoir expliquer une partie de la nature du groupe / du rite, l’attitude potentielle de la police / des gendarmes, la peur d’être pris.e de haut -fondée ou non-, la difficulté d’arriver à porter plainte, la complexité des fonctionnements judiciaires,  et j’en passe) peut finir par favoriser un processus d’isolement.
Ce processus va par exemple, contribuer (je dis bien contribuer, parce que ce n’est pas un seul facteur qui entre en jeu) à empêcher les gens d’agir face à certains types d’abus voire de violence(s). Plutôt que de faire intervenir des gens situés à l’extérieur du groupe (type médecins, police, etc), le groupe essaiera de régler « ça » de manière « privée » (quand il le fait). Je souligne que ce n’est évidemment pas uniquement une question « de volonté » parce qu’en fonction des potentielles réactions que l’on a rencontrées au cours de nos vies, du soutien ou de l’absence de soutien, des peurs et des enjeux potentiels qui seront différents pour chacun.e, mais aussi des processus d’emprise, cela dépasse la simple question lâcheté / courage telle qu’on la voit souvent décrite de façon binaire.

Et si nous, nous nous considérons comme étant « du monde », parce que par exemple, nous sommes simplement « polythéiste soft », c’est le monde qui considérera que nous n’en sommes pas. On peut trouver différents degrés d’acceptation, validation et autres, mais à un moment donné, plus ou moins haut, cela risque de coincer (je pense notamment aux systèmes judiciaires, aux enquêtes sociales et j’en passe). Les structures et le poids des PC actuels ne nous permettant pas -encore- d’être autre chose qu’une minorité non influente. 

Des structures extrêmement mutables et diverses

Rares sont les groupes stables et nombreux. Ils sont même davantage des exceptions plutôt que la règle. La majorité des groupes existant se composent d’un petit nombre de personnes qui évoluent librement sans structure fixe ni de cadre légal, (a contrario d’une association qui doit avoir un statut enregistré et des membres désignés pour les fonctions administratives) leur longévité est variable.
On retrouve aussi quelques très rares associations françaises.
Ainsi, on a des personnes majoritairement isolées (voire des petits groupes informels) éclatés sur le territoire, avec des poches de concentration suivant les zones / type de pratique.
On a donc, nonobstant la diversité des pratiques religieuses / spirituelles / magiques, une constellation de groupes qui peuvent avoir des politiques de base et des règles de fonctionnement très différents les uns des autres, pour le meilleur comme pour le pire. En général, la plus universelle concerne la non admission de personnes mineures (ou alors pour le cas d’association, avec une autorisation signée de la part d’un représentant légal). Pour tout le reste, c’est à l’avenant et pas forcément toujours simple d’avoir certaines réponses, notamment parce que la majorité… n’ont pas forcément eux même idée de quelle attitude adopter sur place si tel ou tel truc ne se passe pas du tout comme prévu.

Ces groupes sont généralement relativement difficiles à trouver si on vient de l’extérieur et qu’on essaie de démarrer par une classique recherche google, même si ces dernières années, le développement des réseaux sociaux a fait changer la donne : ainsi le bouche-à-oreille se fait aujourd’hui énormément par ce biais : groupes FB, pages insta et autres. Certains sont publics, d’autres très confidentiels.

Ces groupes évoluent rapidement que ce soit pour de bonnes ou de mauvaises raisons. Les gens vieillissent et n’ont plus le temps de prendre part à des événements spécifiques, ou alors déménagent. La structure aussi bien que les participants changent. Retrouver la trace d’un ancien groupe, des traces de son existence, des archives ou avoir des confirmations d’autres personnes peut s’avérer une gageure.

Enfin, beaucoup sont surtout des groupes d’ami.e.s qui pratiquent ensembles et n’ont donc logiquement pas ou rarement d’autre « porte d’entrée » que le cercle de relation.

En fonction des sujets / thématiques / axes de pratique, il est légitime que certains type de groupes n’aient pas nécessairement vocation à accueillir du monde de manière ouverte, ni à être trouvable : de ce point de vue-là, il n’est pas possible de comparer un groupe à visée reconstructionniste et un groupe qui pratiquerait certaines formes de magie.

3. Des identités polymorphes

Les réseaux sociaux mentionnés au paragraphe précédent sont souvent une donnée très appréciable autant pour les nouvelles générations -qui ne sont plus seul.e.s dans leur piaule à planquer un livre sous le matelas en cachette- que pour les plus anciennes, puisqu’on a la possibilité d’échanger, de confronter nos points de vue, de pratiquer nos rites et nos rituels, bref qu’on a la possibilité d’accéder, ne serait-ce que virtuellement, à une communauté relativement diversifiée pouvant partager informations, ressources, et tant d’autre choses positives.

Cependant, toute médaille a son revers, et c’est devenu aussi plus difficile de savoir exactement où on débarque ; même en sachant que popularité et qualité ne vont ni de pairs ni ne sont antagonistes, c’est une véritable jungle -spécialement quand on débute- pour parvenir à trier l’information et y dénicher ce qui est pertinent par rapport à son cheminement personnel. La qualité des contenus est très variable, non seulement d’une personne à une autre, mais aussi suivant les sujets abordés : une personne offrant du contenu en ligne qui peut être très bon sur certains axes, moins sur d’autres.

Enfin, sur les réseaux, il est facile de changer d’identité. On efface tout et on recommence avec une nouvelle interface, un nouveau design et un nouveau pseudo.
C’est aussi possible IRL quoique moins fréquemment : comme la « population » change, que des nouveaux arrivent, on se fait oublier, on monte un nouveau groupe, un nouvel atelier et pouf. La dynamique des groupes, sans parler des « Amicales de Pratique », fait qu’il faut bien connaître les gens pour avoir des informations fiables sur qui se trouve derrière tel ou tel nouveau truc qui a fait pop.

Par manque de place, je ne détaillerai pas le fonctionnement des nouveaux réseaux sociaux, de plus en plus spécifiques, avec un algorithme difficilement compréhensible et dont les règles changent extrêmement fréquemment, rendant quasi-obligatoire la fréquence toujours plus importante non seulement des publications / vidéos mais également différents types d’échanges avec sa communauté / d’autres internautes. D’où la multiplication de tendances en cascade mais aussi des clashs plus ou moins vrais, pour générer de l’affluence. Pourquoi en parler ? Parce que ces nouveaux réseaux favorisent et contribuent à créer une fausse sensation d’intimité avec le compte suivi/ /  des sensations de comparaisons délétères pour l’estime de soi / des phénomènes de harcèlements prenant des proportions toujours plus importantes et j’en passe.

Concernant l’identité sur internet / dans la CP, si les raisons de base sont tout à fait compréhensibles et prudentes, à savoir une certaine discrétion -hautement nécessaire pour certaines professions-, la volonté de ne pas afficher publiquement ses croyances, choix personnels, etc. Il ressort néanmoins que c’est difficile d’avoir un aperçu juste et complet du nombre de pratiquant.e.s, de la composition d’un groupe, de l’identité personnelle (« civile » ou « paganisée » du moment qu’elle est stable, c’est à dire qu’elle ne change pas tous les quatre matins) et donc de pouvoir clairement se prémunir de certaines personnes abusives / de les empêcher de revenir après une éventuelle éviction d’un groupe / d’éviter à des gourous et autres de remonter leur arnaque.

En cas de problèmes du type abus, harcèlement, violences et j’en passe, cela complexifie considérablement les signalements ou les recours (sauf dans les associations où il est normalement possible d’en référer au bureau qui doit, en principe, prendre les mesures appropriées.)
En général, une personne équilibrée dans sa pratique et qui essaie d’avoir un fonctionnement sain ne ressent pas le besoin de changer de pseudo, ou de se créer une nouvelle identité tous les trois mois ou après un énième pétage de câbles, et ce de manière répétée, en effaçant à chaque fois les traces de l’ancienne. (Je ne parle pas ici de la personne qui s’inscrit sur un forum ou sur un discord avec un pseudo, et qui en utilise un autre sur FB.)

La/les CP sont de petites communautés, et plus rares sont celleux qui y restent de manière « active » pendant une voire deux ou trois dizaines d’années. Rares tout court sont celleux qui s’impliquent pour faire quoi que ce soit de concret (se rendre à un blot, organiser un groupe IRL, un atelier en ligne…) me dit-on dans l’oreillette.
Conjugué à une partie de ce qui a été énoncé au point b) un monde païen qui n’est pas « du monde », on peut également assister à un processus d’intériorisation extrêmement toxique : autrement dit, on ne parle pas à « l’extérieur » des problèmes que l’on rencontre dans la CP, pour ne pas « menacer » cette même communauté. (Et en même temps, quand on voit déjà le sort réservé aux enfants qui dénoncent l’inceste et aux mères protectrices, on a envie de dire « comment vous voulez faire ? »)
A noter que ce n’est pas « un choix » qui est « conscient », mais plutôt une zone bien grise au milieu d’une autre zone bien grise. Si on parle, comme il n’y a pas de « politique officielle païenne » ou « d’instances régulatrices », c’est un peu « au petit bonheur la chance » en fonction d’où on parle, de qui on est, et des « bonnes relations », ainsi que de la nature même de ce qui peut être problématique (et là on en revient au point a) des sujets liminaux).

Une normalité païenne ? (I)

Une petite captatio benevolentiae : ceci est une tentative d’analyse factuelle sur un sujet tendax. 

Combien de fois j’ai lu « Je suis païen/ne, et j’ai une vie normale, je suis une personne ordinaire ». Peut-être pour combattre les supposés clichés sur la marginalité de celles et ceux qui suivent une voie différente et mal connue par le plus grand nombre, ce qui est compréhensible. Pour autant, faut-il revendiquer une normalité (avec tout ce que cette notion a de flou) pour asseoir sa légitimité ? Est-ce que, loin de de contribuer à nous rendre « acceptables » pour la Société, la revendication d’une quelconque normalité ne contribue pas au contraire à créer une dichotomie, sous-entendant qu’il y a en fait deux types de « païens » : ceux qui sont « normaux » et ceux qui ne le sont pas, ces derniers n’étant alors que des marginaux, et non de « vrais païens acceptés et acceptables par une hypothétique communauté païenne ?

Comment elle se définit cette normalité ? Par le suivi d’une vie aux critères sociaux acceptables, parce que répondant aux grands courants qui structurent nos vies occidentales dans un XXIe siècle en proie à de grands questionnements et évolutions ? Par le fait d’être neurotypique ? Et qu’est-ce qu’on fait de ceux qui s’écartent, volontairement ou non, de cette norme finalement imaginaire, on les fout au placard et on leurs demande de fermer leurs gueules pour ne pas entacher les jolies images d’Epinal d’un paganisme policé et lissé pour être validé par l’ensemble d’une société qui, pardon, n’en a rien à battre de notre gueule ?

Plus que la notion de norme stricte, qui sous-entendrait que nous nous référons tous aux mêmes critères, je préfère considérer l’existence d’un certain nombre de variables, propres aux groupes et aux sous-groupes qui évoluent en se côtoyant au sein d’une société qui n’est qu’un résumé de façade de tous ces groupes. La somme de toutes ces variables constituent une moyenne, ou même une médiane, et c’est par rapport à cette moyenne ou/et à cette médiane qu’un individu ou un groupe d’individu est aspecté.

Cette idée que, si nous nous présentons comme de gentilles personnes normales, sans aspérités, sans problèmes, alors tout ira bien et la Société nous accueillera les bras ouverts, relève non seulement d’une utopie touchant à la stupidité crasse, mais est aussi un mécanisme pervers qui sous couleur de « tolérance » peut au contraire amener les individus à devenir des persécuteurs de tout ce qui échappe à cette norme du « païen bisounours » (notamment en terme de pratique). Plus on va vouloir tendre vers une « moyenne molle », alors plus les écarts de part et d’autre de cette moyenne vont se situer aux extrémités. Et si l’on avait la curiosité de faire la médiane, sans doute l’image du « païen de base » serait très différente de celle que dresse cette fameuse « moyenne molle ».
Dans certains articles récents paru dans la presse en ligne française (dont celui là) deux tendances se détachent invariablement : d’un côté celle du hippie new ageux qui nous fait du gloubi boulga de croyances aka, une personne un peu conne et irréaliste qui n’a pas grandie dans sa tête et qu’on va regarder en se marrant sous cape. De l’autre, celle du polythéiste (reconstruct’ ou non) qui, parce qu’attaché à son sol et à sa culture, est forcément un sale nazi raciste et que, rappelons-le, le nazisme c’est mal, donc montrons les du doigts, bouh les pas beaux, au bûcher.

Partant de cet exemple, on ne peut pas en vouloir aux gens qui veulent absolument montrer une image acceptable du paganisme dans le but de lui donner plus de crédibilité. Le mécanisme étant tout à fait compréhensible. Le problème, c’est que loin de contribuer à combler le schisme entre « le new ageux con comme la lune » (+ 15 en critique s’il marche pieds nus et mange bio) et le « nazillon blondinet » (+ 15 en critique s’il prie des déités germaniques/nordiques), ca ne fait que l’empirer et ca entretient la dynamique qui est à l’origine de ce type d’interprétation manichéenne. Il n’y pas deux tendances schématiques, mais trois groupes : ceux aux deux extrémités du spectre, et la majorité qui devient une norme, composée d’individus qui auront tendance à présenter un aspect lissé pour y entrer, puisque ce n’est qu’une fois lissée que cette norme devient acceptable. Comme dit plus haut, ce mécanisme est compréhensible, et je n’ai pas d’alternatives pertinentes à proposer. Le problème, en quelques sortes, ce n’est pas tant de vouloir expliquer que non, nous sommes pas composés d’individus excentriques appartenant soit à un groupe A, soit à un groupe C, c’est que du coup au sein de la norme (on va dire le groupe B) il peut parfois s’effectuer un processus conduisant les individus trop susceptibles (ou que l’on soupçonne trop susceptibles) de la décaler vers un des pôles A ou C, et ce faisant, ces mêmes individus se retrouveront effectivement dans les pôles extrêmes (en général ce processus a tendance à être passivement actif : il y a une « morale dominante » et les individus dégagent d’eux-même quand tout le monde explique que « c’est pas bien », dans certains cas, il se produit des pics où l’on crie haro sur le baudet. Le fait étant que ce ne sont pas toujours les mêmes facteurs qui conduisent à ce genre de pics, mais plutôt un ensemble de situations / détails qui vont conduire à une réaction chimique explosive. Plus la situation se complexifie en présence d’un certains nombre d’individus disparates, plus vite on arrive au point godwin et à la désignation d’un bouc émissaire pour ramener le calme dans le groupe.)
Si l’on considère la tendance individualiste, dans laquelle ce sont les individus qui façonnent le groupe, on peut supposer que ces individus auront tendances à influencer de manière plus neutre les pôles A ou C dans lesquels ils auront été « rejetés ». Si l’on considère au contraire la tendance holistique (dans laquelle ce sont les groupes qui façonnent les individus) on peut supposer que, au contraire, les tendances de ces pôles A ou C exerceront alors une influence déterminante sur les individus qui s’y retrouvent. En pratique les mécanismes d’influences ne me semblent pas aussi déterminés et faciles à analyses. Ceci étant, cela m’amène à dégager deux questionnements : premièrement, un groupe qui souhaite se positionner de manière forte gagne t-il véritablement quelque chose en se composant d’individus dont les normes sont consensuelles, puisqu’il n’a alors pas grand chose de « fort » à opposer aux autres groupes considérés comme « marginaux et non représentatifs » ? (Sinon on pourrait supposer qu’il s’auto-régulerait de lui même et que, par exemple, le paganisme serait moins enclin à être présenté encore et toujours par le prisme de ces extrêmes. Exception faite bien sûr du fait que le spectaculaire et le racoleur attire le chaland.) Et là encore, ce fonctionnement est à considéré à plusieurs niveaux puisqu’il n’existe pas de classification unique. Un même individu peut se retrouver classé comme A, B ou C suivant le référent analytique. Je m’explique : je suis peut-être une A suivant certaines personnes. Pour d’autres sans doute une B et enfin pour d’autres encore, une C. Pourtant je suis toujours moi-même. A la lecture de mon blog, il y a certainement des gens pour qui je suis une connasse new age, pour d’autre une païenne typique et enfin pour d’autres encore, je suis juste une sale nazie. Pourtant, ma personnalité propre n’a pas changé, c’est seulement sa perception qui est différente suivant mon interlocuteur. (Vous pouvez bien me classer dans ce que vous voulez, personnellement je m’en branle).

Sur le plan global, nous avons donc défini une sorte de norme, et deux pôles satellites gravitant aux abords de cette norme. Mais si l’on considère intrinsèquement chaque groupe, on constatera que pour chacun de ces pôles A, B et C, il existe aussi une norme et des pôles satellites. En fait, analyser les normes et ces pôles conduit à établir progressivement de plus en plus de division au fur et à mesure que l’on pousse son analyse, un peu comme la division de la matière qui finit par aboutir à l’atome, qui ne peut être divisé. (En fait, techniquement l’atome peut aussi être divisé en plusieurs particules subatomiques. Dont les quarks, qui sont de manière très drôles, des particules dites « sociables », qui ne sont jamais seules. Elles ont des masses croissantes, des noms choupis et pour chaque quark, on retrouve un antiquark. C’est pratiquement le concept de l’âme sœur expliqué par la physique des particules, c’est adorable.) A l’inverse, plus on s’éloigne de la connaissance et des fonctionnement de ces groupes, moins leurs subtilités deviennent intelligibles et plus on est tenté de tout mettre sous la même dénomination.

Bref, nous voilà bien avancé puisque la norme est donc relative et ne peut en somme être aspectée que suivant des référentiels évolutifs. Si l’on reprend donc l’analyse du groupe majoritaire B qui se présente comme étant « normal », on constate que la norme à partir de laquelle ce groupe tente de se définir est la norme sociale courante actuelle en vigueur dans une certaine partie de la société occidentale contemporaine. En d’autres termes, nous avons un groupe qui tente de se faire accepter par une norme qui n’a pas beaucoup de points communs avec lui, et qui répercute ensuite cette norme à laquelle la plupart des païens se sentent étranger sur d’autres sous-groupes. Bisous l’uniformisation. Concrètement, les normes sociales actuelles en vigueur sous nos latitudes ne prennent pas en compte les Esprits, les Dieux (à l’exception de la figure monothéiste) etc. Et nous, on tente joyeusement d’expliquer que mais si, on les prend en compte, mais on est normal. On est différent, mais un peu normal quand même. (Alors qu’en fait, ne vous inquiétez pas, on passe tous plus ou moins pour des con/ne/s). Et encore pour le moment, je m’en tient à une analyse purement factuelle de la « normalité », sans rentrer dans la question des cas neurotypiques / neuro-atypiques, des rapports avec les Esprits, de la magie et de tout le bordel.

Je pense que se proclamer comme normal dans ce cas de figure là, et créer scission communautaire sur scission communautaire, en voulant plus ou moins éliminer ceux qui ne rentrent pas dans nos critères, c’est, sur le long terme, reconnaître que finalement, il n’existe pas de norme païenne, pas plus qu’il n’y a de communauté païenne au singulier. Donc, quelque part, à moins de concilier l’inconciliable, ce qui n’aura jamais lieu pour des raisons évidentes (je ne dit pas qu’il faudrait ou qu’il serait souhaitable d’arriver à concilier inconciliable) on pourrait même douter du fait qu’il existera un jour une « communauté païenne unie. »
Comme je l’ai dit plus haut, je n’ai pas d’alternative à proposer et que cela revient à poser l’éternelle question « faut-il tout accepter ? A quel moment il faut dire stop ? » Loin de toute prise en compte des critères moraux (qui sont individuels) j’en souligne juste le paradoxe (trouver une norme aux seins de groupes qui n’ont dans le fond pas grand chose à voir, « paganisme » étant un vaste mot qui est comme dire « croyant » : il ne suppose absolument pas que les personnes aient dans le fond grand chose de commun sur le plan à la fois philosophique, religieux, moral, économique, social, politique etc.) et le processus d’exécution, ainsi qu’un éventuel impact supposé sur le long terme (mais je ne suis pas exactement une optimiste, plutôt une réaliste cynique). Continuer d’entretenir l’idée d’une norme païenne de référence est-il donc pertinent ? J’en sais rien.

 

Let us free.

Je n’ai pas de réponse précise à la question « qu’est-ce qui fait que parfois, une célébration foire complètement tandis qu’une autre envoie du pâté ? » Tout au plus, mon expérience personnelle me pousse à supposer que la musique n’y est pas totalement étrangère. J’ai l’impression que quand les gens sont des musiciens, ou ont un tant soit peu une sensibilité à ce niveau-là et que cette sensibilité est un peu entraînée, alors il y a une capacité d’harmonisation au niveau du groupe. Chacun se met au diapason des autres, et sans concertation préalable, les différentes parties s’accordent. On s’en tape de savoir si le voisin a exactement la même appréhension du divin que nous, depuis combien d’années il pratique. Plus on dissèque, plus on s’éloigne de la possibilité de la transe. Et malheureusement, parfois certains rituels de groupes ont l’air de concours de « kikalaplugrosse ».

Sauf que cela suppose de rejeter, ou de moins d’oublier, un certain nombre de calques que les organisations sociales, implicites ou explicites, nous demandent de suivre.
Si on reste sur les postulats établis, on ne risque pas de sortir des sentiers et de découvrir autre chose. Il faut de temps en temps se mettre en danger (au moins métaphoriquement parlant), accepter d’être surpris. Accepter que parfois ca foire, parfois pas (et je pense qu’accepter d’organiser un rituel de groupe demande du courage. Surtout s’il est raté. Ca arrive et surtout, c’est trop facile d’en rejeter la responsabilité sur le ou les organisateurs-trices. S’il n’y avait pas de rituel de groupe du tout, il n’y en aurait jamais de foiré. Donc au passage merci à toutes celles et ceux qui se crèvent le cul pour organiser des rituels, réussi ou non et peu importe la tradition.) Accepter de revoir nos préjugés sur les autres, de les voir avec un regard neuf. Laisser l’autre être ce qu’il est, au moment où il l’est. Sans trimballer les bagages du passé, et sans figer l’instant en le projetant dans le futur. Laisser être. Laisser venir, laisser partir. Tout est éphémère. Ce n’est pas parce qu’un expérience est trippante qu’elle est reproduisible, même en créant le même genre de condition.

Parfois, j’ai la sensation qu’une certaine partie du néo-paganisme, en dépit de sa volonté de s’affranchir d’un certain nombre de normes et de cadres sociaux, ne réussit qu’à en poser d’autres, peut-être à son insu.

J’ai récemment participé à une célébration dans un endroit assez improbable et particulier. En l’honneur de certaines Déesses-Mères. Et vous savez quoi ? La majorité des participants étaient des hommes. Je ne connaissais pour ainsi dire personne, et si le rituel était loin d’être parfait, il était grave tripé. Le lieu était tripé. Les gens étaient tripés. Et c’était de la balle. Pendant le rituel, il y a eu de la musique, du tambour, des chants. Quelqu’un qui jouait de la guimbarde. Honnêtement, c’était chouette (concision factuelle, quand tu nous tiens) et quand je pense que j’ai hésité à cause du « les Déesses-Mères c’est pas trop mon truc à priori », j’ai bien fait de ne pas laisser certains de mes préjugés prendre le dessus.
Vous pouvez poser des cadres, des invocations, tout préparer et tout tirer au cordeau, avec une putain de mise en scène et atteindre le degré zéro de la transe.

Par exemple, les cercles féminins ayant pour but de travailler et d’échanger, de construire des rituels et des célébrations autour du « féminin sacré », des déesses (ou de « La Déesse », ce concept pouvant être compris de manière différentes suivant les groupes, et même suivant les personnes participant à ces groupes. A chacun sa manière de le ressentir, de l’appréhender, de le concevoir. Ce sont des visions parfois très différentes, parfois très proches, mais dans le fond, c’est une démarche personnelle sur laquelle donner un avis péremptoire et définitif me semble maladroit. Il y a des visions que je trouve cohérente, d’autres moins, mais la Vérité Suprême n’existe pas). Je n’ai jamais fait partie d’un cercle ou d’un groupe de ce type, cela ne m’intéresse pas. Je comprends que des femmes aient envie de se retrouver entre elles pour aborder certaines questions, et que les participantes en retirent de grandes richesses pour leur évolution spirituelle personnelle,  et c’est très bien que ce genre de possibilité existe pour celles qui le désirent. Toutefois, cela ne me correspond pas, même si j’ai déjà moi-même participé à certains rituels organisés par ce type de cercle, et qu’ils étaient très loin d’être inintéressants. (Et que à l’occasion, je ne dis pas non pour participer, je me laisse la possibilité d’avoir de belles surprises).
J’en ai marre d’avoir été et d’être confrontée régulièrement à des pressions sociales pour que je sois conforme à ce qu’autrui (aka la société, les organismes, le monde du travail, les gens qui feraient mieux de s’occuper de leur vie) souhaite me pousser à faire, toujours pour mon propre bien, évidemment. Qu’on essaie de me dire ce qui devrait être une priorité dans ma vie, que l’on veuille me dicter ma conduite sur la base de tel ou tel critère prévalent dans la société. Qu’on me regarde avec des yeux ronds parce que je me barre régulièrement de chez moi pour aller chez des amies ou dans des endroits improbables, alors que ca ne regarde personne d’extérieur. Tout va bien dans mon foyer, merci.

Pourquoi, parce que je suis une femme, je devrais naturellement être attirée par les cercles de femmes, la maternité, et me contenter de petites sorties entre amies ? Pourquoi est-ce que je ne pourrais pas préférer me trimballer à droite et à gauche pour ritualiser avec des gens que je ne connais pas sans avoir droit à des sous-entendus ? Parce que finalement, paganisme ou non, on retrouve souvent les mêmes schémas sous-jaçents : ce qu’il est « naturel » de faire, comme une justification facile pour réguler les déplacements et les attitudes de tout le monde. Bah oui, parce que l’on est une femme, on a le gène maternel, et attention les hommes sont tous des bites sur pattes incapables d’avoir des interactions normales et intéressantes avec une femme qu’ils ne connaissent pas. Les femmes à l’abri, les hommes dehors. Et ce faisant, on continue d’entretenir des structures d’oppressions et à fracasser tout ce qui dépasse. Si toi, homme ou femme, tu es victime d’un viol, la société ne te protégera pas : on t’accusera de l’avoir cherché. Si tu sors tard, en jupe, seul, que tu bois, avec des inconnus, que tu ne cries pas assez fort, que tu ne résistes pas assez, alors, tu l’auras cherché. Tu seras « un homo ou une allumeuse qui ne demandait que ça. »

Les cadres et les préparations aux rituels ne sont pas inutiles, mais je pense que si les cadres sont là, c’est pour qu’on s’en serve comme support, pas comme barrière. Si on reste gentiment dedans, on tourne en rond alors qu’ils sont là pour nous permettre de les fracasser une fois qu’ils deviennent trop étroits. Cela ne signifie pas faire n’importe quoi, mépriser les règles élémentaires de sécurité -physique ou spirituelles. Il se peut que je me trompe, mais j’ai l’impression que c’est une des rares choses que l’expérience apporte : la possibilité de s’en déconnecter plus rapidement, de mieux s’harmoniser avec autrui sur certains points, parce qu’on sait comment on fonctionne (on connaît ses faiblesse et ses forces, et idéalement, on est honnête là dessus) et pouvoir évaluer si, à priori oui ou non c’est faisable et intéressant ou un gros n’importe quoi qui ne va amener que des ennuis.

Au passage, je suis en train de lire le bouquin de Peter Grey, Apocalyptic Witchcraft, qui poutre un certain nombre d’idées reçues et qui est du genre à poser des paquets de dynamites au pied des structures établies. Comme toujours je n’ai pas de réponses établies, plutôt des axes de pensée, mais cela m’interpelle cette recherche de la transe, de l’extase et de tout le toutim « en boîte de conserve ». Genre, si tu es comme ça, alors tu fais ça. « Les femmes sont par essence connectées profondément à l’archétype de la mère » (bah, je suis une femme, et parfois je me sens plus masculine que féminine, et je vous parle pas de biologie, faites pas semblant de pas comprendre). Oui, on peut rester dans certains cadres, qu’ils nous conviennent parfaitement. On n’est pas obligé systématiquement de prendre le contre-pied. Mais dans tous les cas, il n’y a pas  de mode d’emplois infaillible… Pour un peu, on croirait voir les conneries de régimes pour les groupes sanguins.

Sleep of the Earth of the land of Faerie 
Deep is the lore of Cnuic na Sidhe 
Hail be to they of the Forest Gentry 
Pale, dark spirits, help us free 
White is the dust of the state of dreaming 
Light is the mixture to make one still 
Dark is the powder of Death’s redeeming 
Mark but that one pinch can kill