Faut-il se faire débaptiser pour devenir ásatrúar ?

C’est une question qui revient très fréquemment dans les discussions avec des débutant.e.s qui commencent à s’intéresser à la religion nordique (note : cette question est loin de ne concerner qu’elle, mais comme je ne connais pas suffisamment les autres panthéons, je me limiterai à l’angle du panthéon germano-scandinave. De même, ma réponse se cantonnera ici à la religion catholique.)

Le présent article ne vise pas être l’exhaustif, mais simplement à y répondre clairement et rapidement. 

La question est intéressante (Il n’y a pas de question stupide. Par contre celleux qui n’en posent pas / ne s’interrogent à propos de rien risque fort de le rester) et elle sous-entends pas mal d’autres problématiques, mais pour rester dans le vif du sujet, non il n’est pas nécessaire de se faire débaptiser pour pratiquer l’Ásatrú. Vous pouvez tout à fait en avoir envie, mais vous n’en avez pas besoin

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1. Peut-on complètement annuler son baptême ? 

Il faut savoir que le fait de renier son baptême est une démarche purement administrative qui n’a aucun effet performatif. Ce n’est pas parce que vous vous faites « rayer » des registres de l’Église Catholique que le rituel est effacé / annulé. Il a bel et bien eu lieu et il est impossible de l’effacer.
En effet, quand vous reniez votre baptême, c’est en réalité votre refus d’être compté au nombre des membres de l’Église Catholique que vous affirmez. Il sera alors porté en marge de votre acte de baptême la mention de cette apostasie et la Paroisse ne vous fournira plus d’acte de baptême. Vous ne disparaîtrez pas des registres proprement dit, la mention du baptême, elle, ne disparaît pas¹

Il me semble avoir vu dans le passé quelqu’un qui a inventé un rituel de « débaptisation » : on va être clair, si vous ça vous fait du bien de pratiquer ce type de rituel, rien ne vous empêche de le faire. Mais encore une fois, ca ne changera pas le passé.

2. Est-ce une obligation pour pouvoir honorer Odin, Thor, Frigg et les autres ? 

Non, ca n’est pas nécessaire pour honorer les Anciens Dieux. Clairement, à part certaines personnes qui ont un kink pour les discours intolérants et extrémistes (spoiler alert : en général, ce ne sont pas non plus les gens les plus intéressants quand on commence à creuser) la plupart des pratiquant.e.s s’en foutent un peu ou ne vous demanderont pas d’aller renier votre baptême.
Au niveau de la pratique pure, pas mal de personnes ont été baptisées bébé et ca ne les a nullement empêché d’honorer les divinités qu’elles honorent à l’heure actuelle. Ca ne les a pas empêchées non plus de se faire tomber sur la gueule, pardon, appeler fortement, par certaines déités. Il est tout à fait possible que ce soit un élément rédhibitoire pour certaines, mais en tout cas dans le cas du panthéon nordique, je n’ai pas constaté de différentiel. 

Pourquoi cela ? 
Notamment parce qu’il n’y a pas de dogme obligatoire dans l’Ásatrú. A partir du moment où vous faites des offrandes, des blóts, bref que votre pratique quotidienne vise à honorer les divinités nordiques suivant des rituels (plus ou moins) précis, alors vous êtes de facto ásatrúar.

3. On me demande de faire annuler mon baptême pour participer à des cérémonies

Plus le temps passe, et plus je considère qu’un groupe (ou une personne) qui exigerait de vous une apostasie est à considérer avec énormément de prudence et beaucoup beaucoup de circonspection. Si vous n’avez absolument pas la possibilité d’assister à la moindre cérémonie ni au moindre rituel avant de le faire, c’est un énorme red flag, fuyez. 
Il y aurait tellement de points à développer que ca pourrait faire l’objet d’un autre article. 

4. Un rituel de protection et un lien avec les Ancêtres

A la base et pour faire court, le baptême c’est un rituel de purification et de protection. Prenons un moment pour regarder un instant les choses sous un angle un peu différent : la grande majorité des personnes ayant vécu en Europe occidentale au long de ces derniers siècles ont été baptisées. 

Woman's hands washing apple under running water
(image libre de droits)

Considérons maintenant l’importance du Culte des Ancêtres dans l’asatru : on peut également voir dans le baptême un lien spirituel avec nos ancêtres et notre lignée, même si aujourd’hui nos chemins se manifestent différemment.
Encore aujourd’hui, et même sans avoir une pratique religieuse particulièrement forte, des parents continuent de vouloir faire baptiser leur enfant « au cas où » et pour la protection que cela peut apporter. Jusque disons, au début du XXe siècle, on faisait baptiser un enfant le plus rapidement possible, de crainte qu’il ne meurt sans baptême et ne puisse accéder au Royaume de Dieu. (D’ailleurs aujourd’hui, on ne considère plus que des enfants morts sans baptême vont dans les limbes). Quelque part, c’est une manifestation rituelle du souhait de vouloir le mieux pour son enfant.
Contrairement à une idée assez répandue, le baptême ne fixe absolument pas l’engagement religieux du tout-petit ou du jeune enfant baptisé. On demande aux parents, aux parrains et marraines de s’engager à l’élever dans la foi catholique (ce que chacun.e interprète à discrétion) et cela s’arrête là. L’engagement sérieux dans la foi se fait lors de la Confirmation, qui se fait bien plus tard, et nombreuses sont les personnes qui n’ont pas fait leur Confirmation… 

5. Comment être comptabilisé.e comme ásatrúar ?

Enfin, si vous souhaitez absolument être reconnu.e comme asatruar, pour quelque raison que ce soit un moyen que ce soit « officiel » est d’adhérer à une asso, par exemple en France, Les Enfants d’Yggdrasil. Promis, cette asso ne demande à personne de renier son baptême, et il y a des parcours très différents. 

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¹ Peut-on forcer l’Église à effacer son nom du registre des baptêmes ?

[On m’a signalé en commentaire que le terme ásatrúar est incorrect, ce qui est vrai ; ásatrú n’est pas plus juste. Il conviendrait de dire « Asatrùarman » au singulier. Il s’agit toutefois des termes les plus employés pour désigner une personne pratiquant la religion nordique. Cet article s’adressant à des personnes débutantes, je le laisse pour des raisons de compréhension / facilité et vous renvoie également à cette entrée : « Comment appelle-t-on un pratiquant de la religion ásatrú ?« ]

[Traduction] Le Sumbel

[Edit du 02/04/2024 : je republie sur le blog d’anciennes traductions faites il y a longtemps pour le site de La Renarde. Ce site n’existe plus aujourd’hui, mais j’ai sauvegardé les traductions qui me paraissaient encore pertinentes.]

Trouvé sur Irminsul Ættir Texte écrit par Susan Granquist © 2001
Traduction & adaptation par Aranna © 2012

489-490

Site nu to symle ond onsæl meoto,
sigehreð secgum, swa þin sefa hwette.

À présent prends place au festin et dévoile ton dessein,
parle gloire et victoire aux hommes en suivant l’élan de ton âme *

Beowulf

Le sumbel (sumbl en vieux norrois) est un rituel solennel où les participants s’assoient ensembles, buvant et discourant d’une manière qui ressemble beaucoup aux toasts que nous portons aujourd’hui au cours d’un diner formel.

Paul Bauschatz dans The Well and the Tree, donne une brève description de ce rituel dans le contexte de la cosmologie nordique et germanique.

« Le fait de boire agit en interaction avec le fait de parler, chacune de ces actions permettant l’accomplissement de l’autre. Pendant un tel acte, le pouvoir de toutes autres les actions est concentré sur le moment du rituel et le canalise à l’intérieur des évolutions constantes de toutes les actions passées et présentes. La combinaison des mots, les actions exprimées et les éléments sémantiques de la boisson et de la coupe reproduisent à la fois le flux continu de l’Orlög et l’eau puisée pour nourrir Yggdrasil, les deux principales tâches des Nornes. Si cette action est représentative de la puissance et de la présence du passé dans le monde des hommes, alors les paroles rituelles prononcées deviennent partie intégrante de ce passé, disparaissent dans la boisson. Tandis que le convive s’enivre, ses actions et la boisson ne font plus qu’un, tandis que le tout est devenu une des strates à l’intérieur du puit. » 1

On fait passer une coupe de boisson alcoolisée : le fait que ce soit alcoolisé constitue une part importante du symbolisme de ce rituel puisque la boisson obtenue résulte d’une transformation des ingrédients de base, ce qui la place au-delà de la réalité ordinaire. La coupe symbolise le puit. Au cours du sumbel raconté dans Beowulf, Wealtheow fait soigneusement passer la coupe, dessinant un parallèle avec les Nornes qui versent l’eau sur les racines de l’arbre permettant à ce dernier de se nourrir et de croître.

Tout ce qui est dit au cours d’un sumbel est important et doit être considéré avec prudence, puisque ces mots deviennent une partie de l’Orlög, mêlant le passé et influençant le cours des événements à venir.

Mais au-delà du fait de s’enorgueillir de ses actes, de rendre hommage aux ancêtres ou d’honorer les autres avec des cadeaux et des chants, ce rituel est également une forme de prière, de lien sacré avec les dieux qui, depuis leurs demeures, participent également au sumbel. C’est des Dieux que proviennent le don du brassage, les runes qui se combinent pour créer de puissants sortilèges, tout autant que l’hydromel de l’inspiration et la poésie qui en découle.

Si nous nous réunissons pour honorer des hommes, ne devrions-nous pas, comme autrefois, honorer également les Dieux et la mémoire des morts ? Honorez-les comme ils se sont eux-mêmes assis et ont honoré ceux qui les ont précédés et ceux qui les ont rencontrés, au cours de cette assemblée.

1 : Bauschatz, Paul, The Well and the Tree: World and Time in Early Germanic Culture, University of Massachusetts Press, Amherst, 1982., p. 77-78

* La traduction française des vers de Beowulf est tiré du livre Beowulf, lettres gothiques, traduction et notes de André Crépin, Le livre de poche.

[Deuil périnatal] Trame de blót à Frau Holda pour honorer un bébé décédé

[TW : comme le titre le précise explicitement, j’aborde ici la question du deuil périnatal, et propose une trame de blót pour honorer leur mémoire. Si vous êtes concerné.e.s et que vous ne souhaitez pas lire le blabla, je vous invite à scroller jusqu’au gros titre ◊ Déroulement du blót ◊]

Le 15 octobre est la journée mondiale du deuil périnatal, c’est à dire concernant les bébés morts avant la naissance (MFIU, IMG, etc) ou dans la période juste après. Cette période varie en fonction des définitions, celle de l’OMS par exemple, comporte les décès entre la 22e semaine d’aménorrhée et le 7e jour après la naissance.
Évidemment qu’ici, on s’en fout, parce qu’on ne va pas débattre autour des limites médicales pour la prise en charge, ou toutes les questions administratives qui vont avec.

⇒ * Dans le texte de l’article, j’emploie le mot bébé pour des raisons de simplification stylistique. Il est bien évident que le stade d’avancement biologique n’est pas la même pour un fœtus de 5SA et un bébé mort à 7 jours de vie. Cependant, la question des ressentis / vécus est hautement sensible en plus d’être très complexe, variable d’une personne à l’autre et parfois même pour la même personne. Bref, merci de me coller aucun « biais idéologique » parce que j’emploie directement ce terme au fur et à mesure des lignes qui vont suivre. Si pour une raisons ou une autre il vous gêne, remplacez-le. *

Ce que je vous propose ici, c’est une trame de blót à Frau Holda pour ceussent qui souhaitent honorer la mémoire de ces enfants. Ce n’est qu’un axe, et il va de soit que vous pouvez le reprendre et l’adapter en fonction de votre besoin.

Pour faire simple :

Ce n’est pas un sujet « populaire » au sens où typiquement ca fait fuir tout le monde, mais c’est malheureusement un sujet auquel on peut toustes être confronté : soit de manière directe en le vivant, soit par le biais d’un proche, soit parce qu’enfant on a été touché soit en faisant partie de la fratrie concernée, soit par le biais d’un autre enfant. Dans ce dernier cas, bien souvent, les adultes sont tentés de penser qu’on oublie, ou alors qu’on ne s’est pas vraiment rendu compte.

Ce n’est pas parce qu’on se met la tête dans le sable qu’on en sera préservé. Ce n’est pas parce qu’on en parle que ca nous tombe dessus. Ca, c’est de la pensée magique nuisible. Le plus gros risque que vous prenez en vous informant au moins un minimum (si vous n’êtes pas directement concerné) c’est éventuellement d’être moins maladroit (j’ai pas dit plus à l’aise) au cas où vous rencontrez un parent endeuillé et/ou de faire preuve d’un tout petit peu d’empathie.

A qui s’adresse ce blót ?

En priorité, à toutes les personnes asatrù / nordisantes / polythéistes (principalement pour des raisons de connaissances des fonctionnements rituels / divinités et autres questions pratiques non développées dans cet article. Ceci étant, si vous ne l’êtes pas et que vous souhaitez tout de même le faire, rien ne l’interdit tant que la cohérence est respectée : ainsi, on n’honore pas une divinité romaine -par exemple- pendant un blót)… qui souhaitent rendre hommage à des bébés* (voir plus haut pour l’usage de ce terme) morts, quelques en soient les raisons (je pars du principe que si vous souhaitez faire ce blót et sentez qu’il fait écho à un besoin en vous, vous n’avez probablement pas besoin ni envie qu’on rentre dans des débats sémantiques.)  Cela peut être pour des parents ou des proches, pour une de vos ancêtres dont vous savez qu’elle a vécu ce genre de situation (les histoires familiales abondant de ce type de récits, souvent transmis entre deux portes, par hasard, véritables bombes d’émotions et de chagrins encore bruts dans la mémoire de celle qui se confie, chagrins transmis, parfois de générations en générations et dont on peut ne pas savoir quoi en faire).

Qui est Frau Holda (Dame Holle) ?

Déesse plus spécifiquement germanique, elle est parfois également présentée comme étant Bertha ou Perchta (pour faire simple). On disait que les bébés provenaient du bassin de Frau Holda et que ceux qui étaient morts y retournaient. Figure bénévolente, elle les protège et les accueille, et est donc une déesse particulièrement adaptée dans le cas de ce blót.
Si vous souhaitez rester spécifiquement dans le panthéon nordique, il est possible de remplacer Frau Holda par Frigg, leurs attributs et leurs fonctions étant très proches.

◊ Déroulement du blót

En partant de la trame « New Modern Blót », j’ai choisi d’aller au plus simple, pour qu’il soit le plus facilement accessible pour tout le monde et facile à mettre en place, y compris pour des personnes n’ayant pas l’habitude de ritualiser, mais il est tout à fait possible de l’adapter pour en faire un rituel plus sophistiqué / de groupe (vous pouvez vous référer au lien dans la section des sources à la fin de l’article).
De même, je l’ai écris en pensant à celleux qui vont ritualiser en intérieur, considérant que c’est plus facile d’adapter dans le sens intérieur => extérieur que l’inverse. ;

Ce qu’il faut prévoir :

[Note : Vous n’avez pas besoin de matériel sophistiqué ou de dresser un autel compliqué, sauf si vous le souhaitez. Peut-être avez vous un espace dédié avec des photos de votre enfant et des objets spécifiques, ou une boîte dans laquelle vous avez rangé les souvenirs relatifs à son existence. Vous pouvez soit utiliser cet espace pour le blót, ou vous en servir pour dresser l’autel.]

– Une offrande pour Frau Holda (du lait, de l’hydromel ou un vin doux par exemple)
– Deux bougies (une pour l’autel, une autre qui servira pour allumer la bougie d’autel).
– De l’eau fraîche
– Deux bols : un pour verser les libations, un pour l’eau qui servira à se purifier.

1. Dresser l’autel avec des photos / objets qui évoque le(s) bébé(s), le bol à offrandes et la bougie. Si, pour une raison ou pour une autre, vous n’avez rien qui lui/leur soit directement relié, vous pouvez mettre son/leurs prénom(s) et nom(s) sur un morceau de papier, ou les nommer (par l’exemple « les enfants de ma grand-mère qui n’ont pas vus le jour » ou tout autre formulation qui vous paraît juste et adéquate par rapport à la situation) ou encore trouver un symbole qui les représente. Placer aussi un symbole qui évoque Frau Holda (quelques-uns de ses attributs : le lin (des graines de lin, un tissu ou du fil de lin…), le sureau, la faucille, le fuseau, les couleurs bleu et blanc -le brun et les tissus « bruts » sont aussi très utilisés-, des babioles représentant l’hiver ou des figurines représentant un bébé, des plumes blanches, les oies, les chats.) Si vous n’avez rien, il est aussi possible d’imprimer une image représentant Frau Holda (j’en ai compilé quelques unes ici).

2. Préparer la ou les offrandes à proximité de l’autel.

3. Préparer le bol d’eau (relativement grand si possible) et une lingette propre. Il est préférable que ce ne soit pas juste à côté de l’autel.

4. Allumer la bougie de « départ », qui servira à allumer la bougie rituel.

5. Faire trois fois le tour en cercle autour de l’autel avec la bougie de « départ » allumée (ou autour de l’espace au sein duquel vous allez pratiquer si l’autel est contre un mur) . Vous pouvez chanter ou réciter une formule / prière de bénédiction/ purification si vous le souhaitez.)

6. Rincez vous les mains et le visage avec l’eau du bol (pas besoin d’un grand nettoyage si vous êtes en intérieur, cela peut rester léger et symbolique). Essuyez-vous avec une lingette.

7. Prière / invocation à Frau Holda
(Cette prière /invocation est bien entendu une suggestion qui peut-être remplacée par la votre. J’ai mis entre parenthèse certains mots : la tournure « Notre-Dame » pouvant, selon les personnes, perçue très différemment avec des contextes différents.)

Frau Holda
(Notre) Dame du puit,
Protectrice
Des enfants non nés,
des enfants à naître,
et de ceux qui te sont retournés.
(Notre) Dame sous la terre
Gardienne des âmes,
passées et à venir.
(Notre) Dame du Foyer
Accueille en ta Demeure,
Au cœur de la nuit,
Au cœur de l’hiver, 
Ce(lle)ux qui retournent chez Toi. 
Et reçoit les au chaud sous ton toit. 
Frau Holda,
(Notre) Dame du Puit
Gardienne de la Source
(Notre) Dame sous la Terre
(Notre) Dame du Foyer.

8. Consacrez les offrandes à Holda, demandez lui de veiller sur les bébés auxquels vous souhaitez rendre hommage. Vous pouvez, si vous le souhaitez, leur transmettre un message (verbal ou choisir d’écrire quelques mots etc), leur parler, jouer un instrument de musique, chanter. etc.

9. Versez ou posez les offrandes dans le bol rituel.

* * *

TRAME DU BLÒT TÉLÉCHARGEABLE EN PDF

* * *

lectures connexes

• Concernant le deuil périnatal vous pouvez consulter notamment (ressources non exhaustives) :
AGAPA
Petite Emilie (qui concerne plus spécifiquement l’IMG, c’est-à-dire l’Interruption Médicale de Grossesse.)
Le compte insta de Julie @a_nos_étoiles
Au revoir Podcast – Animé par Sophie de Chivré

* * *
Goddess Holle: In search of a Germanic goddess
, GardenStone
La trame de blót de The Troth (consultation possible en français). La trame de blót utilisée ici est celle du « New modern », qui contrairement à ce que l’on pourrait supposer, est plus proche de ce que les sources anciennes semblent décrire, contrairement au « classic » qui est dérivé pour une bonne part de la wicca. Au risque de me répéter : rien ne vous interdit de réécrire complètement ma proposition en vous basant sur l’autre trame si elle vous parle davantage.

La parole, les serments, les actes.

Au cours de ces deux-trois dernières années, où des changements pour le moins drastiques ont eu lieu à différents niveaux de ma vie (pour ne pas dire tous), j’ai eu l’occasion d’approcher différents groupes et la chance de participer à toutes sortes de rituels, de blots et de sumbel. Comme toujours, je trouve que les généralisations sont sinon dangereuses, au moins délicates. Elles peuvent induire en erreur et conduire autrui à se faire une image faussée ou des présupposés pas forcément valables, et finalement s’avérer néfastes sur le long terme. Il convient donc, comme toujours, de considérer que mes réflexions et mes positions sont relatives à mon expérience, et qu’elles peuvent par conséquence être proches des vôtres ou au contraire diamétralement opposées, ce qui n’en invalide intrinsèquement aucune : elles rendent juste compte de sommes de vécus différents.

La parole d’un individu est une donnée importante dans l’Asatrù. (Un terme que j’ai toujours un peu de mal à employer pour qualifier ma pratique, pour différentes raisons. Néanmoins, il faut reconnaître que, à l’heure actuelle, s’il fallait n’utiliser qu’un seul terme pour essayer de baliser et de qualifier l’ensemble de ma pratique, autant en terme de perception que de rites,ce serait encore celui qui conviendrait le mieux. Je ne suis pas franchement une polythéiste éclectique, pas vraiment « néo-païenne » dans le sens où ce terme semble globalement utilisé à l’heure actuel, et encore moins wiccane et compagnie.)

Lors d’un sumbel, on considère que tout ce qui va être dit doit être considéré avec prudence, puisque que ces mots ont un impact direct sur l’Örlog, et que de manière générale, la destinée (le wyrd) de tous les participant/e/s est liée. En d’autres termes, pour simplifier le schéma, disons qu’une personne s’engageant à faire quelque chose en un temps donné, ne s’engage pas seulement individuellement, mais qu’elle engage toutes les personnes participants à ce sumbel. Cette façon de considérer l’individu, non comme un élément entièrement indépendant libre d’agir à sa guise, mais comme élément intégré et ayant une part de responsabilité dans la vie de son groupe (le kindred ou le clan) et de ses membres pouvant s’expliquer directement dans la structure des anciennes sociétés germaniques et nordiques, (mais aussi, quoique de manière différente, dans bons nombres de sociétés et de structures anciennes) où la survie de tout le groupe dépendait de la solidarité et des capacités d’action de chacun de ses membres. (Notamment au vu des conditions de vie particulièrement difficile en raison du climat, de la pauvreté de la terre et de toute une série de facteurs. Pour rappel, les conquêtes des vikings -qui ne se nommaient pas ainsi eux même, pas plus qu’ils ne devaient utiliser le terme Asatrù- étaient à la base en partie motivées par la nécessité de trouver des terres cultivables.)

Prêter est un serment n’est pas un acte anodin, il s’agit d’un contrat verbal passé entre plusieurs partis : la personne qui prête serment, l’éventuelle autre personne (ou les témoins / membres du clan qui se retrouvent impliqués indirectement mais qui doivent s’assurer que le serment est rempli) et les Dieux. Une des suivantes de Frigg, Vár, est la gardienne des serments. La personne qui n’honore pas l’un de ses serments peut être punie, soit par les membres du clan, qui sont alors en droit de considérer que cette personne n’est pas honorable et ne peut donc pas demeurer dans le clan, mais aussi par les Dieux (c’est aussi une des fonctions de Vár.) La question corollaire qui vient donc généralement immédiatement en tête c’est « oui, mais comment fait-on si, pour une raison indépendante de notre volonté, on se retrouve dans l’incapacité d’honorer un serment ? » Et bien, c’est à vous qu’il incombe de réfléchir auparavant à cet éventuel cas de figure et à formuler votre serment de manière à ce qu’il comporte une porte de sortie pour ne pas se retrouver en porte-à-faux en cas d’incapacité.
Vu par le prisme actuel, on pourrait considérer que cette façon d’agir est semblable à ces petites notes écrites en tout petit à la fin des contrats d’assurance, et que quelque part, c’est un sauf-conduit bien commode. C’est à la fois vrai et faux. Vrai parce qu’à partir du moment où il est possible de trouver une échappatoire, on peut se demander quelle est valeur du serment initial. Il est alors commode de trouver une manière de se défiler pour ne pas avoir à remplir le serment tel qu’il a été passé au départ. Et bien, tout est dans la manière et dans le contenu : si vous passez un serment qui n’implique pas un réel effort de votre part, qui n’est pas un challenge, et que vous évaluez d’office qu’il y a une grande probabilité pour que vous vous rabattiez sur votre porte de sortie, alors ne passez pas de serments. D’autre part, cette « porte de sortie » ne devrait pas être une solution de facilité pour les paresseux mais devrait être tout aussi exigeante, quoique différemment.
Sinon, votre serment n’a pas de valeur. Et si vous ne remplissez pas vos engagements, alors vous n’avez pas de paroles, et si vous n’avez pas de paroles, alors vous n’avez pas de valeurs. Cela peut paraître froid et abominablement cynique, mais il faut garder à l’esprit que, remis dans les contextes anciens évoqués plus haut, toute cette organisation avait un sens capitale. Une petite structure sociale isolée, si elle voulait survivre, ne pouvait pas se permettre certaines libertés que nous pouvons aujourd’hui nous permettre sans plus de dommages que quelques egos froissés et une ou deux jérémiades sur Facebook.

Ceci étant dit, il me paraît important de préciser quelques points qui viendront nuancer quelque peu le propos. Premièrement, la notion du respect de la parole (et autres) ne voulaient pas dire que les ruses et autres fourberies étant inexistantes et que la subtilité étant inconnue, bien au contraire, il y a un certains nombres d’exemples dans ce sens, autant dans les Eddas que dans les Sagas. Voilà pour le premier point.

Le second point, et pas le moindre, étant que le fait de prêter un serment est tout à fait facultatif. Le serment, bien qu’il soit fréquent, surtout dans certaines occasions particulières, comme un sumbel funéraire, par exemple, n’est en aucun cas une obligation et il est bon de s’en souvenir. Le fait de lire et de se documenter est une très bonne chose, mais cela ne se substitue pas à l’expérience ou au vécu. Je me souviens avoir lu une quantité de choses avant d’assister à mon tout premier rituel de groupe, qui s’est avéré être un sumbel funéraire. Auparavant, j’avais bien lu que, effectivement, le degré d’alcoolémie allant croissant, les participant/e/s avaient tendances à se lâcher, tant au niveau des toasts portés qu’au niveau des éventuels serments prononcés. C’est une chose de le lire dans une étude universitaire qui se base en partie sur Beowulf, c’en est une autre que d’y assister (quelques siècles après Beowulf quand même…) et de constater que, outre le degré d’alcool, il y a aussi une énergie très particulière qui se dégage et un effet d’émulation qu’il peut être important de garder en mémoire, avant de faire une éventuelle connerie parce qu’on aura été tenté de rentrer dans la compétition de « kiki-kala-plulongue ».

Certains individus ont les serments faciles et en prêtent souvent, pour des motifs variés et pour des raisons qui les regardent. D’autres le font beaucoup moins aisément et toujours en choisissant leurs formulations avec une précaution de jésuite. Pourquoi ? Les serments peuvent être une arme à double tranchant, et le destin peut s’organiser de tel manière que tenir tel ou tel serment sera de l’ordre de l’impossible (parfois malgré « la police d’assurance ») ou parce que, même pour pouvoir respecter le serment en ayant recours aux « clauses d’urgences », cela vous conduira à agir d’une manière qui amputera vos capacités d’action ou bien aura un coût humain (en terme d’amitiés, de possibles, de tout ce que vous voulez) terrible. En résumé, même avec les intentions les plus sincères, les plus gentilles et les plus pures, vous n’êtes pas à l’abri de vous retrouver dans une merde noire, et qu’il n’est pas impossible que cela donne aux Dieux une latitude d’action sur votre vie dans des domaines ou par des moyens que vous n’auriez peut-être pas souhaité. Leurs agendas ne sont pas les nôtres, même si au bout du compte, il se peut que nous soyons finalement contents de notre sort, un peu de prudence et de bon sens ne nuit jamais.

Maintenant une autre question, peut-être un peu plus polémique, ou à tout le moins, sujette à débats. Une personne qui refuserait au maximum de prêter des serments est-elle lâche ? Une personne qui en prête beaucoup a-t-elle plus de valeurs ou est-elle juste un mariole de plus ? (Ceci étant une formulation volontairement polémique, répondant à des choses que j’ai pu lire sur la Toile, et pas forcément en français.)
Tout est une affaire de mesure, de contexte et d’actes quotidiens.
Dans mon optique -qui rappelons le, ne concerne que moi – à force de prêter des serments, on peut finir par en arriver à des obligations contradictoires (c’est d’ailleurs un ressort largement employé dans un certains nombre d’œuvres de fictions, et ce cas se retrouve fréquemment dans l’histoire) où pour en honorer un, on est obligé d’en bafouer un autre. Après une personne peut aussi en prêter pour des motifs disons relativement secondaires (quoique comportant une part de challenge pour cette personne, et cette notion est relative et propre à  chaque individu : cela dépend aussi bien de ses conditions de vie, que de ses moyens, de sa situation de famille, de santé, etc…)  -voulant par là montrer sa bonne foi- et elle est mesure de les achever les uns après les autres, sans jamais se retrouver prise au piège de ses mots. C’est un choix personnel, et tant qu’il est rempli, les interrogations que cela peut soulever relèveront davantage de l’interprétation de chacun que d’une démarcation claire et nette de « cela a été accompli », « cela n’a pas été accompli ».

Ceci étant, tout ceci laisserait sous-entendre qu’en dehors du serment, il n’y a rien. Hors, le serment est au départ quelque chose de très spécifique qui n’est employé que pour sceller certains accords particuliers ou pour des événements sortant de l’ordinaire. Au quotidien, et dans la majorité des cas, le comportement d’un individu devrait au maximum être en adéquation avec sa parole. Pour parler de manière plus simple : si vous dites que vous allez faire quelque chose, faites-le. Ne promettez pas constamment que vous allez faire quelque chose pour ne jamais le faire.
Dans les concepts scandinaves (et très probablement germaniques, mais je n’ai pas épluché tout ceci, je me garderai donc de toute affirmation catégorique), l’âme se divise en plusieurs parties, et l’une d’elle est le reflet de la force personnelle de l’individu, de sa valeur et de ses capacités personnelles¹. Le fait de manquer à sa parole porte préjudice à ses capacités, et le fait de rester fidèle à sa parole la renforce. En partant de ce principe, on pourrait s’interroger sur la force personnelle et la réelle capacité d’action d’une personne qui a besoin de recourir à des serments de manière fréquentes. A contrario, j’ai tendance a considérer qu’une personne dont les actes sont dans la majorité des cas en accord avec sa parole ne ressentira pas forcément la nécessité de prêter serment pour assurer l’autre partie (ou les Dieux) de sa volonté et de sa valeur, puisque ses actes parlent déjà pour elle au quotidien, le recours à une « garantie supplémentaire » est donc encore plus facultatif.

 1 : Apparemment, ce concept peut être rapproché de la notion de hamingja, mais étant donné que je manque de temps pour démêler sérieusement ces concepts en me fiant à des sources claires et sérieuses, j’ai choisi de ne pas les nommer, quitte à éditer plus tard l’article.