[Deuil périnatal] Trame de blót à Frau Holda pour honorer un bébé décédé

[TW : comme le titre le précise explicitement, j’aborde ici la question du deuil périnatal, et propose une trame de blót pour honorer leur mémoire. Si vous êtes concerné.e.s et que vous ne souhaitez pas lire le blabla, je vous invite à scroller jusqu’au gros titre ◊ Déroulement du blót ◊]

Le 15 octobre est la journée mondiale du deuil périnatal, c’est à dire concernant les bébés morts avant la naissance (MFIU, IMG, etc) ou dans la période juste après. Cette période varie en fonction des définitions, celle de l’OMS par exemple, comporte les décès entre la 22e semaine d’aménorrhée et le 7e jour après la naissance.
Évidemment qu’ici, on s’en fout, parce qu’on ne va pas débattre autour des limites médicales pour la prise en charge, ou toutes les questions administratives qui vont avec.

⇒ * Dans le texte de l’article, j’emploie le mot bébé pour des raisons de simplification stylistique. Il est bien évident que le stade d’avancement biologique n’est pas la même pour un fœtus de 5SA et un bébé mort à 7 jours de vie. Cependant, la question des ressentis / vécus est hautement sensible en plus d’être très complexe, variable d’une personne à l’autre et parfois même pour la même personne. Bref, merci de me coller aucun « biais idéologique » parce que j’emploie directement ce terme au fur et à mesure des lignes qui vont suivre. Si pour une raisons ou une autre il vous gêne, remplacez-le. *

Ce que je vous propose ici, c’est une trame de blót à Frau Holda pour ceussent qui souhaitent honorer la mémoire de ces enfants. Ce n’est qu’un axe, et il va de soit que vous pouvez le reprendre et l’adapter en fonction de votre besoin.

Pour faire simple :

Ce n’est pas un sujet « populaire » au sens où typiquement ca fait fuir tout le monde, mais c’est malheureusement un sujet auquel on peut toustes être confronté : soit de manière directe en le vivant, soit par le biais d’un proche, soit parce qu’enfant on a été touché soit en faisant partie de la fratrie concernée, soit par le biais d’un autre enfant. Dans ce dernier cas, bien souvent, les adultes sont tentés de penser qu’on oublie, ou alors qu’on ne s’est pas vraiment rendu compte.

Ce n’est pas parce qu’on se met la tête dans le sable qu’on en sera préservé. Ce n’est pas parce qu’on en parle que ca nous tombe dessus. Ca, c’est de la pensée magique nuisible. Le plus gros risque que vous prenez en vous informant au moins un minimum (si vous n’êtes pas directement concerné) c’est éventuellement d’être moins maladroit (j’ai pas dit plus à l’aise) au cas où vous rencontrez un parent endeuillé et/ou de faire preuve d’un tout petit peu d’empathie.

A qui s’adresse ce blót ?

En priorité, à toutes les personnes asatrù / nordisantes / polythéistes (principalement pour des raisons de connaissances des fonctionnements rituels / divinités et autres questions pratiques non développées dans cet article. Ceci étant, si vous ne l’êtes pas et que vous souhaitez tout de même le faire, rien ne l’interdit tant que la cohérence est respectée : ainsi, on n’honore pas une divinité romaine -par exemple- pendant un blót)… qui souhaitent rendre hommage à des bébés* (voir plus haut pour l’usage de ce terme) morts, quelques en soient les raisons (je pars du principe que si vous souhaitez faire ce blót et sentez qu’il fait écho à un besoin en vous, vous n’avez probablement pas besoin ni envie qu’on rentre dans des débats sémantiques.)  Cela peut être pour des parents ou des proches, pour une de vos ancêtres dont vous savez qu’elle a vécu ce genre de situation (les histoires familiales abondant de ce type de récits, souvent transmis entre deux portes, par hasard, véritables bombes d’émotions et de chagrins encore bruts dans la mémoire de celle qui se confie, chagrins transmis, parfois de générations en générations et dont on peut ne pas savoir quoi en faire).

Qui est Frau Holda (Dame Holle) ?

Déesse plus spécifiquement germanique, elle est parfois également présentée comme étant Bertha ou Perchta (pour faire simple). On disait que les bébés provenaient du bassin de Frau Holda et que ceux qui étaient morts y retournaient. Figure bénévolente, elle les protège et les accueille, et est donc une déesse particulièrement adaptée dans le cas de ce blót.
Si vous souhaitez rester spécifiquement dans le panthéon nordique, il est possible de remplacer Frau Holda par Frigg, leurs attributs et leurs fonctions étant très proches.

◊ Déroulement du blót

En partant de la trame « New Modern Blót », j’ai choisi d’aller au plus simple, pour qu’il soit le plus facilement accessible pour tout le monde et facile à mettre en place, y compris pour des personnes n’ayant pas l’habitude de ritualiser, mais il est tout à fait possible de l’adapter pour en faire un rituel plus sophistiqué / de groupe (vous pouvez vous référer au lien dans la section des sources à la fin de l’article).
De même, je l’ai écris en pensant à celleux qui vont ritualiser en intérieur, considérant que c’est plus facile d’adapter dans le sens intérieur => extérieur que l’inverse. ;

Ce qu’il faut prévoir :

[Note : Vous n’avez pas besoin de matériel sophistiqué ou de dresser un autel compliqué, sauf si vous le souhaitez. Peut-être avez vous un espace dédié avec des photos de votre enfant et des objets spécifiques, ou une boîte dans laquelle vous avez rangé les souvenirs relatifs à son existence. Vous pouvez soit utiliser cet espace pour le blót, ou vous en servir pour dresser l’autel.]

– Une offrande pour Frau Holda (du lait, de l’hydromel ou un vin doux par exemple)
– Deux bougies (une pour l’autel, une autre qui servira pour allumer la bougie d’autel).
– De l’eau fraîche
– Deux bols : un pour verser les libations, un pour l’eau qui servira à se purifier.

1. Dresser l’autel avec des photos / objets qui évoque le(s) bébé(s), le bol à offrandes et la bougie. Si, pour une raison ou pour une autre, vous n’avez rien qui lui/leur soit directement relié, vous pouvez mettre son/leurs prénom(s) et nom(s) sur un morceau de papier, ou les nommer (par l’exemple « les enfants de ma grand-mère qui n’ont pas vus le jour » ou tout autre formulation qui vous paraît juste et adéquate par rapport à la situation) ou encore trouver un symbole qui les représente. Placer aussi un symbole qui évoque Frau Holda (quelques-uns de ses attributs : le lin (des graines de lin, un tissu ou du fil de lin…), le sureau, la faucille, le fuseau, les couleurs bleu et blanc -le brun et les tissus « bruts » sont aussi très utilisés-, des babioles représentant l’hiver ou des figurines représentant un bébé, des plumes blanches, les oies, les chats.) Si vous n’avez rien, il est aussi possible d’imprimer une image représentant Frau Holda (j’en ai compilé quelques unes ici).

2. Préparer la ou les offrandes à proximité de l’autel.

3. Préparer le bol d’eau (relativement grand si possible) et une lingette propre. Il est préférable que ce ne soit pas juste à côté de l’autel.

4. Allumer la bougie de « départ », qui servira à allumer la bougie rituel.

5. Faire trois fois le tour en cercle autour de l’autel avec la bougie de « départ » allumée (ou autour de l’espace au sein duquel vous allez pratiquer si l’autel est contre un mur) . Vous pouvez chanter ou réciter une formule / prière de bénédiction/ purification si vous le souhaitez.)

6. Rincez vous les mains et le visage avec l’eau du bol (pas besoin d’un grand nettoyage si vous êtes en intérieur, cela peut rester léger et symbolique). Essuyez-vous avec une lingette.

7. Prière / invocation à Frau Holda
(Cette prière /invocation est bien entendu une suggestion qui peut-être remplacée par la votre. J’ai mis entre parenthèse certains mots : la tournure « Notre-Dame » pouvant, selon les personnes, perçue très différemment avec des contextes différents.)

Frau Holda
(Notre) Dame du puit,
Protectrice
Des enfants non nés,
des enfants à naître,
et de ceux qui te sont retournés.
(Notre) Dame sous la terre
Gardienne des âmes,
passées et à venir.
(Notre) Dame du Foyer
Accueille en ta Demeure,
Au cœur de la nuit,
Au cœur de l’hiver, 
Ce(lle)ux qui retournent chez Toi. 
Et reçoit les au chaud sous ton toit. 
Frau Holda,
(Notre) Dame du Puit
Gardienne de la Source
(Notre) Dame sous la Terre
(Notre) Dame du Foyer.

8. Consacrez les offrandes à Holda, demandez lui de veiller sur les bébés auxquels vous souhaitez rendre hommage. Vous pouvez, si vous le souhaitez, leur transmettre un message (verbal ou choisir d’écrire quelques mots etc), leur parler, jouer un instrument de musique, chanter. etc.

9. Versez ou posez les offrandes dans le bol rituel.

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TRAME DU BLÒT TÉLÉCHARGEABLE EN PDF

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lectures connexes

• Concernant le deuil périnatal vous pouvez consulter notamment (ressources non exhaustives) :
AGAPA
Petite Emilie (qui concerne plus spécifiquement l’IMG, c’est-à-dire l’Interruption Médicale de Grossesse.)
Le compte insta de Julie @a_nos_étoiles
Au revoir Podcast – Animé par Sophie de Chivré

* * *
Goddess Holle: In search of a Germanic goddess
, GardenStone
La trame de blót de The Troth (consultation possible en français). La trame de blót utilisée ici est celle du « New modern », qui contrairement à ce que l’on pourrait supposer, est plus proche de ce que les sources anciennes semblent décrire, contrairement au « classic » qui est dérivé pour une bonne part de la wicca. Au risque de me répéter : rien ne vous interdit de réécrire complètement ma proposition en vous basant sur l’autre trame si elle vous parle davantage.

Frigg et Dame Holle (Mois pour Frigg)

Issue du folklore germanique,on retrouve la trace de Dame Holle dans le conte éponyme des frères Grimm.

Elle possède un certain nombre de caractéristiques qui peuvent faire penser à Hel, Perchta ou même à la Cailleach. J’en avais déjà parlé il y a deux ans en ce qui concerne les parallèles avec Hel et la Cailleach, je voudrais maintenant faire un lien sommaire entre Dame Holle et Frigg par le biais du contenu du conte plutôt que faire une compilation d’articles existants ici et là.

Je ne raconterai pas le conte en détails, mais voici un certain nombre d’éléments clés qui me semblent parlant pour mettre en regard ces deux déesses.

La fillette
La marâtre / la vieille
Le filage
Le sang
Le puits / la traversée du puits / la noyade
Les tâches ménagères
La neige / les plumes
L’épine

Catrin Welz-Stein – Frau Holle

Premièrement, la cellule familiale telle qu’elle est présentée : une fillette aux prises avec sa marâtre, accablée par cette dernière suite à la mort de sa mère. On a là une filiation uniquement féminine, le père est absent du récit. Le personnage de Dame Holle est à mettre en part, à la fois parce qu’elle semble à première vue génétiquement à part et extérieure au premier cercle constitué de la marâtre / la fillette / l’autre fillette, fille de sang.
Elle semble néanmoins être accessible par une série de processus lié au sang : la première fille saigne en filant, la seconde saigne aussi en se blessant sur une épine.
Les images que ces deux processus similaires comportent sont extrêmement intéressantes. De part la présence du sang et du fil imprégné de celui-ci (en raison d’un travail acharné dans le premier cas, d’une tricherie dans le second), je ne peux m’empêcher de voir dans la figure de cette Dame Holle une résurgence des Disir, ces figures féminines veillant sur une lignée : on peut y lire presque photographiquement le fait de remonter le fil de son sang, le fil de son wyrd, de sa lignée.

Frigg, comme on l’a vu au cours de certains articles précédents, est une déesse du foyer, pas uniquement aux sens tâches ménagères, mais aussi au sens de protection, de lignée (Frigg comme possible Dise des Ases, comme Freya, Dise des Vanes). Lien filage / wyrd / sang / lignée / Frigg (déjà abordé, je ne reviens pas dessus).

Par rapport à l’épine sur laquelle se blesse l’autre fillette, je ne peux m’empêcher de penser à Brunhilde, à la rune Thurisaz, aux épines noires et blanches, gardiennes de la haie (pour la petite anecdote, l’épine noire a effectivement tendance à demander un paiement avec du sang, à plus forte raisons pour certains travaux / passages), mais aussi à ce qui nous attend si on tente de grugger les esprits.

Le puits dans lequel sombre la bobine est une porte évidente vers l’autre-monde. Plus que l’aspect mort/résurrection, j’y vois davantage le fait d’ouvrir les portes, de traverser le passage, de franchir la haie vers le monde des esprits. Processus de transe, mais aussi de descente dans le monde d’en bas, à la rencontre de ses ancêtres.

Toujours dans la thématique du voyage vers l’Autre-Monde, en me rappelant ma lecture d’hier et la mention faite par Britt-Mari Näsström de la présence des noms de Freyja et Frigg dans un charme destiné à guérir les chevaux, je ne peux pas m’empêcher de faire un parallèle sans doute hasardeux puisque les branches germaniques et nordiques ne peuvent être prises d’un seul bloc mais sont à distinguer. Je pense ici notamment à certains aspects de la magie scandinave et au bâton de Nid, une tête de cheval fiché sur une pique, à Sleipnir, le coursier d’Odin… bref à la figure du cheval comme moyen de transport physique et rituel/magique. Le fait que Frigg soit cité, avec Freyja fait que je m’interroge par rapport à un possible lien : Cheval / Frigg / Freyja / Seiðr / Voyage dans l’Autre-Monde / Descente dans le puit / Protection pour ce type de travaux ?

Je ne m’attarderais pas non plus sur la symbolique des tâches ménagères d’un point de vue global, obvious aussi : gestion de la maisonnée, position de la maîtresse de maison, etc.
On peut aussi lire dans le rapport « tu as bien fait ton travail, je te récompense » la continuité d’un rapport donnant-donnant, de la notion d’hospitalité (dans le Hávamál, il est également mentionné l’importance d’être un bon invité, de respecter les règles, bref, de ne pas se comporter comme un malotru.)

Sur la symbolique de l’arbre en général et du pommier en particulier : Frigg est une déesse de fertilité/sexualité, même si cette symbolique est curieusement souvent laissée de côté. (D’ailleurs une pensée éclair : la fertilité physique sous-entend puberté et relation sexuelle. Le fait de saigner peut faire également penser aux premières règles. Le fait de se piquer sur une épine renverrait-elle ici à une métaphore sexuelle évidente : Frigg déesse des liens du mariage à mettre en parallèle avec Dame Holle –qui reçoit les deux fillettes de la même manière : s’il y a eu « tricherie » de la part de la seconde, ce n’est pas pour cela qu’elle est punit, c’est parce qu’elle n’a pas fait son travail.)
Dans la saga des Volsung Frigg offre une pomme à un couple royal qui n’a pas eu d’enfant, et la femme mettra par la suite au monde un fils.

La neige que la fillette est chargée de faire tomber n’est pas sans me rappeler la Chasse Sauvage ou les esprits liés à cette période de l’année, mais aussi à la nuit des Mères. Les dates de la Chasse Sauvage varient suivant les régions, et elles coïncident parfois avec la période de la Nuit des Mères. De mémoire dans Witchcraft Medecine, il est mentionné quand dans le folklore germanique, Dame Holle mène la Chasse Sauvage et que son consort est Wotan. No comment.
Le lien plumes / flocons me fait penser, outre au manteau en plumes de faucon que Frigg possède, mais aussi, du coup, à la métamorphose et au fait de voyager dans le monde des esprits ou parmi les esprits.
Autre analyse probablement tordue et erronée mais tant pis, le lien entre l’édredon et la pratique de l’utiseta, un peu semblable au parallèle avec le cheval fait plus haut.
De manière plus généraliste, le lien entre le lit comme objet de magie et corrélé à Frigg.

A la fin, Dame Holle contrôle l’ouvrage : Frigg en tant que dirigeante de la maisonnée est la figure qui régule, vérifie, check les stocks, s’assure que tout fonctionne correctement. Pas par maniaquerie particulière, mais parce que c’était une question de vie ou de mort. Autant en ce qui concernait les réserves de nourritures, de semences que concernant le filage du lin, qui a joué un rôle primordial dans l’économie et l’expansion des vikings. En contrôlant l’ouvrage et en s’assurant qu’elle soit apte à le faire correctement et sans renâcler, on pourrait dire que Dame Holle vérifie en réalité que la fillette soit capable de survivre, et avec elle toute la lignée.
Il y a une double initiation ici : celle de l’aptitude à fonder son foyer, mais aussi de voyager à travers le monde, d’en connaître, de transmettre et de garder vivant l’esprit de la lignée. Mise en perspective intéressante si on regarde du côté de la Scandinavie ancienne au sein de laquelle les relations avec les êtres de l’Autre-Monde faisaient partie intégrante de la vie quotidienne. On pourrait également ajouter une autre supposition : celle de la magie de Frigg, tellement intégrée à la vie quotidienne qu’elle en est devenue pour ainsi dire invisible, absorbée dans les coutumes et les habitudes familiales diverses. Invisibles, mais toujours vivantes, parce que passées dans l’inconscient collectif.

Dame Holle est présentée sous un jour globalement bienveillant, mais en fait elle est neutre. Ce qui est en fait une figure essentiellement bénévolente, c’est parce que nous la voyons par le prisme de la première fillette. Frigg est un peu comme cela : on la présente généralement comme coolos et gentille, mais au niveau « pratique », si vous ne faites pas le travail correctement ou si vous glandez, vous pouvez manger une baffe bien concrète, garanti sur facture.


Sources : Contes pour les enfants et la maison, Les frères Grimm, José Corti. Page 155. Les notes additionnelles mentionnent que ce conte fût raconté à Wilhem Grimm le 13 octobre 1811 par sa future femme, Henriette Dorotha Wild (je trouve ca assez énorme :p )

Frigg, naissance et destin

Le Pater, 1899

Le fait que Frigg soit une déesse associée à la naissance mais aussi au destin présente une corrélation que je trouve intéressante.

Je ne sais pas de quel texte cela sort, mais il est dit que Frigg file la trame avec laquelle les Nornes façonnent ensuite le Wyrd (note : je suis incapable de me rappeler de la source où j’ai lu cela : impossible de trouver quoi que ce soit à ce niveau là dans les Eddas, je me demande donc si ce n’est pas soit une interprétation personnelle de quelqu’un soit relatif à certaines vieilles légendes). On observe donc une connexion intéressante entre le nouveau-né, l’introduction d’une nouvelle vie et le fait d’offrir aux Nornes la matière première. Il est important de mentionner que dans la conception nordique, le nouveau-né est déjà marqué et/ou accompagné dans son wyrd. La hamingja, ce concept de chance mais au niveau familial, génétique, se transmet. La bonne fortune ou l’infortune d’une famille est une composante qui fait partie intégrante de la vie de l’individu, et non comme une donnée individuelle qui vient se greffer par la suite, bien que les actions personnelles aient une répercussion dessus. De même, l’idée de survivance d’une personne décédée à travers ses descendants se retrouve dans la manière de nommer dans les coutumes scandinaves (pour ca, je renvoie à l’excellent article du blog de Nannalandia Names and Naming in Scandinavian tradition). Dans Teutonic Religion, Gundarsson parle de l’importance du lit, qui fait partie de la dot de l’épousée et qu’elle apporte avec elle. Le lit dans lequel on fait l’amour, on naît, et pour les femmes, dans lequel on meurt (la question de la mort dans le plumard pour un homme est un peu plus tendue et renvoie à la « mort de paille ».) Le lit est rattaché à Frigg et à ses domaines. Par extension, il rattache Frigg aux coutumes sociales. Si on observe le fait de nommer un nouveau-né et son lien avec la hamingja familiale (mais aussi avec la fylgja, l’esprit protecteur d’une famille), le place dans la continuité d’un ordre social et d’un contexte de vénération des ancêtres, en les faisant perdurer.

Frigg n’est donc pas seulement une déesse de la naissance et de la protection des nouveaux-né (entre autres aspects), mais aussi une déesse de la continuité et de la transmission du wyrd. Intéressant aussi – et je ne crois pas l’avoir vu mentionné quelque part- cette notion de naissance et de destin, la place du lit en tant que lieu ambigü de naissance et de mort permet de placer Frigg non seulement dans ses aspects précédemment énoncés, mais aussi en tant que déesse de la mort. Autre parallèle amusant, le lien entre Frigg et Dame Holle, cette dernière étant liée aux enfants morts en bas-âges et aux femmes mortes en couches. Si on remonte de fil en aiguilles, et en se souvenant du parallèle entre Hel et Dame Holle (que j’ai retrouvé dans un bouquin de Jan Fries), il y a quelque chose à creuser.

Si on prend la rune Perthro, qui représente à la fois le cornet de dés et le destin mais qui pourrait être liée à la salle des naissances (Freya Aswynn en parle dans Hommes, runes et dieux), on retrouve une fois de plus cette association.

[PGP] H – Hel/Hela

(Cet article est une simple remise en contexte des origines de Hela. Une seconde partie, plus personnelle est prévue pour vendredi 19/04)

Une introduction généraliste

Hela est une figure complexe : on dit qu’elle est la fille de Loki et d’Angerboda. Qu’elle est la déesse de la mort et qu’elle règne sur le monde des morts, Helheim. Que son visage est divisé en deux parties : l’une resplendissante quand l’autre est pourrissante. Parfois il est mentionné qu’elle fait partie des rökkr, ces déités liées aux forces primordiales, aux puissances chtoniennes. C’est la plupart du temps ce que l’on peut lire sur elle.

En réalité, c’est un peu plus délicat et à nuancer.

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