Un semblant de Odin Project 2020

La dernière date de mise à jour pique un peu quand même… De l’eau a coulé sous les ponts, et je n’ai malheureusement définitivement plus le temps pour poster des articles complets issus de recherches / lectures approfondies (à mon grand dam, mais d’ici à ce que je trouve un retourneur de temps…)

Ceci étant, pouvoir partager, même brièvement, des petites choses sur la pratique, les Esprits et les Dieux me manquait (et je me suis fait un peu tirer les oreilles par la Brochette aussi hein).

Alors, bon gré malgré, et en dépit de mes chouinages -parce que je suis plus du genre « réseau associal »- j’ai ouvert une fenêtre parcellaire sur Instagram.

Vous pouvez aller jeter un oeil et/ou participer au Odin project 2020. #odinproject2020 Que ce soit là bas, sur des blogs ou ailleurs que sais-je.

Ce ne sera pas du tout aussi approfondi qu’en 2012 ou 2013 (et ce n’est pas le but per se, l’idée étant plus de retrouver un genre de fil dévotionnel) mais c’est tout de même quelque chose, si le cœur vous en dit.

Mon compte c’est @sorcieron

Entre toutes les femmes.

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Ce soir, ceux là célébreront des rituels. Ceux là honoreront les Morts. Ce soir, ceux là rendront hommage à leurs Ancêtres.
J’en ai entendu des discours vantant les hauts faits des morts et des lignées, j’en ai vu des gens chanter haut et fort les faits de leurs Anciens.
J’en ai écouté des discours à n’en plus finir sur la douceur des temps passés, sur la décadence de nos Temps modernes. Sur ces vieux jours où les familles étaient soit-disant unies et où les couples ne divorçaient pas. Ah oui, le refrain des jours morts et enfuis, le sucre des soirs d’été, le miel des veillées au coin du feu avec la fratrie assemblée, attentive aux discours des patriarches.

Ah oui vraiment, le bon vieux temps des femmes battues qui ne pouvaient fuir, le temps des bâtards déshérités, des filles-mères foutues à la porte pour avoir « fauté » ou avoir été abusées.
Ah oui vraiment, le bon vieux temps du patriarcat tout puissant où les femelles fermaient leurs gueules prises au piège. Avant de crever.

Alors ce soir, je lève mon verre
À toutes les femmes de leur putain d’ancien-temps-béni-trop bien qui sont mortes dans la misère ou la prostitution pour avoir fuis. À toutes les femmes mortes sous les coups. À toutes les filles abusées. À tous les enfants qui ont vécus ou vus tout cela.

À tous ceux qui ne rentraient pas dans les cases de l’ancien-putain-de-vieux-bon-temps, morts ou condamnés de n’être pas rentrés dans les cases.
À toutes celles qui sont mortes d’épuisement après des vies de misères.
À toutes les femmes bafouées, riches ou moins riches, qui ne pouvaient pas ouvrir leurs gueules.
Alors ce soir je lève très haut ma bière pour honorer toutes celles qui sont mortes, assassinées, tuées, massacrées par leur conjoint, leur mec, leur mari « si aimant-si gentil- que le pauvre il était désolé, il a pas fait exprès« . Non pas il y a cent ans. Maintenant, cette année.

Alors ce soir, je repense à la légende de Macha que les hommes ont fait courir alors qu’elle était enceinte de jumeaux et qui a maudit tous les hommes de l’Ulster.
Alors ce soir, je repense à la chevelure coupée de Sif.
Et à toutes les déesses dont les mythes chantent souvent les abus, les violences subies.
Les reines, les princesses et toutes les belles têtes couronnées dont parle plus ou moins l’Histoire en zappant les abus, les violences, le chagrin effroyable qui émana la vie de ces femmes. Les viols, les enfants morts, le cachot, la répudiation, les violences, la mort… Oui, vraiment, quel beau modèle à merchandiser.

Alors ce soir, tandis que s’ouvrent les portes de l’Anwynn, je voudrais chanter leur mémoire.
Et en pensée toute spéciale, je lève ma coupe à la défunte grand-mère de ma responsable à la Tour Noire. Donnée en mariage, en pâture au premier venu qui voulu bien reprendre la ferme. Elle en était la condition. La terre contre des épousailles.
Elle eu une vie de bête de somme. Battue quand elle voulait se rendre à l’Église le dimanche. Je ne sais plus  quel âge elle mourut, mais elle fit promettre à ses filles de ne pas suivre son chemin.

Cette histoire n’est pas vieille, ne se passe pas sur un continent lointain. C’était la Bourgogne des années 20. Il n’y pas un siècle.

Et pour ceux qui râlent que « le féminisme c’était mieux avant » : ouais, il y a cent ans, on entendait les mêmes discours sur les suffragettes qui voulaient, Ô Scandale des Scandales, le droit de vote pour les femmes. tumblr_nd8bc4yBzk1rbeo1xo1_540

Alors ce soir, je lève mon verre à Elles toutes. À nous toutes.
Et je ne crierai pas vengeance, malédiction, seulement « justice ».

ALL HAIL THE QUEENS.

Que la Furie des Portes les emportent, ceux qu’Elle juge coupable.

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Était-ce un don de Dieu¹,
Était-ce la loi de Laima²,
L’étranger rencontra l’étrangère,
Et ils s’aimèrent leur vie durant.

I

Un seul soleil, une seule terre,
Mais pas de langue partagée :
j’ai traversé la rivière,
Déjà la langue avait changé.

II

Saule³ a mené ses chevaux
Se baigner dans la mer ;
Elle est assise sur la colline,
Les rênes d’or à la main.

III

Où emportes-tu ta maison, Saule,
Le soir en te couchant ?
– Au milieu de la mer, sur l’eau,
À la pointe d’un roseau d’or.

IV

Extrait de Dainas, Poèmes lettons traduits et présentés par Nadine Vitols Dixon.

1 : Dievs, un Dieu qui au fil des siècles a été amalgamé au Dieu chrétien.
2 : Déesse de la Destinée mais aussi du bonheur, la plus souvent invoquée dans les Dainas.
3 : Mère Soleil, déesse solaire, une des plus importantes.

 

Minuit dans les eaux de la baie

Auteur(e) inconnu(e)

Revenir en arrière, jusqu’à Samhain dernier. Le concert de Wardruna et l’entrée en fanfare dans une nouvelle année complètement et totalement placée sous le signe du chamboulement et d’un nouveau cri de guerre : « Tout est pour la Bête. »
Revenir en arrière, avant, encore avant. Il y a bien longtemps, retour passager dans le pays natal de ma grand-mère. Quelques jours avant Samhain, pour un au revoir inconscient. Repenser aux parallèles curieux avec l’année en cours, et au texte de l’an dernier.
Quelques jours avant Samhain, cette année. Beaucoup plus à l’ouest. En Bretagne, encore.
Et le boulanger aux yeux bleus, affublé désormais d’un petit mesquin borgne, qui m’a dit un dimanche matin de fin d’hiver, pointant l’index vers moi : « Toi si tu as l’occasion d’aller en Bretagne, tu y vas. » Je lève un sourcil, répond que je ne connais personne en Bretagne, donc que je ne vois pas bien comment ce serait possible, mais d’accord. Il insiste. Je me demande intérieurement quelle goblinesquerie cela promet.
J’irai pourtant en Bretagne. Deux fois.
Un voyage à Lammas, sous les auspices de Lugh et d’autres déités, dans une cité ancienne, dont m’avait parlé jadis une copine de fac qui n’arrêtait pas de me dire « qu’un jour [je] devrai aller y faire un saut » parce qu’elle est sûre que j’aimerais.
Nuit dans les bois.
Clairière en forêt.
Landes vertes et bleues.
Tourne la roue.
Comme une offrande, je dédie « la prochaine fois que je me baignerai dans l’océan » aux Déités et Esprits des Lieux. Une offrande, la promesse du dépassement de soi et de l’accomplissement.
Sentir la Brochette qui s’efface et tandis que je descend un escalier sous terre, jaillit la curieuse sensation que si je devais rester là, ils partiraient. Je n’en pense rien, je constate.
Concrètement, il y a des chances pour que la prochaine fois que je me baigne, ce soit de l’autre-côté de la Grande Mare.
Et pourtant.
Samhain, la fin de l’année. Le train, la route, vers l’ouest. J’ai toujours été en route comme dirait le poète manchot né en Suisse filant vers l’est. Je suis en route encore, vers la presqu’île de Crozon où nous allons célébrer la fête où les voiles sont les plus fins. La fête des Morts. La bouteille de Chouchen qui s’écrase dans la cour.
De jour, les Sources, les Eglises. La Mer. Les Eaux, les eaux. L’appareil photo argentique qui capote : le retardeur de temps qui bloquait la possibilité de nouvelles images. Sous la mécanique physique, la mécanique céleste. Le tout dans un hasard tout à fait hasardeux. Le pragmatique n’empêche pas le trollage.
La forêt de Huelgoat et ses amanites. La Mare aux Fées. Tourne la roue, avance le cadran, coule la source.
La nuit qui tombe, la voiture qui roule.
Le Menez Hom. Les vents. Les tremblements. Aucune envie de monter là haut vu ce qui circule.
Retour à la maison. Blót sur la plage.
La veille il y a eu ce chant retrouvé sur la jetée, celui-là et l’autre. Un de ceux que Freyr chantait dans un rêve de Lammas.
J’ai prévu de me baigner dans la baie de Crozon. Il est minuit, et je marche vers l’eau. Chantonne. Quant au reste…
Les eaux noires de l’océan, le phare de Douarnenez qui brille au loin. A. qui a décidé de marcher un peu dans l’eau et qui me dira après coup « je ne pensais pas que tu allais vraiment te baigner. » J’ai dit baigner. Pas « marcher dans l’eau ». Présent performatif, ou presque.
L’énergie de l’océan et des vagues noires. Marée descendante. Très différent du jour, et peut-être, peut-être particulièrement en cette nuit de Samhain. Vaguement conscience que l’eau est froide, mais j’ai l’habitude de me baigner dans des mers froides. La Baltique, les Hébrides, la Mer du Nord…
Je nage et les lumières clignotent, et brièvement, la conscience aîgue de tous les navires fracassés. Des sirènes et des gens qui attendent dehors, de nuit, avec la peur grandissante de savoir qui n’est pas rentré. Les naufrages. Les eaux de la baie qui palpitent. Les fils qui tirent. La douleur et le désespoir qui suitent du phare, là bas. Tous les noyés et les corps décomposés, les âmes dans le palais de Rán. La bague que je Lui ai offerte. Offerte il y a longtemps par ma mère. D’argent portant une aigue-marine et gravée « Semper Eadem ». Puisque j’ai pris l’habitude de toujours lui faire une offrande spéciale avant de mettre ne serait-ce qu’un pied dans l’eau.
La profondeur noire perlée d’argent à la surface et soudainement l’injonction. Stop. Pas plus loin.
Pas plus loin. Demi-tour. Maintenant. Maintenant ! Je savais que parfois il est en barque, et c’est logique, mais c’était pas vraiment attendu, quoique pas inattendu non plus.
Je m’en retourne.
Promesse tenue.
Retour à la maison pour un Sumbel entamé par le whisky breton, en pyjama. Tout le monde qui va progressivement se coucher. Reste les Trois Marcheurs.
Nouvelle Année et depuis mon duvet, j’entend la pluie sur le toit.
La nuit durant les morts dedans me guettent, et les Ancêtres se mélangent, s’entrecroisent, les noms s’échangent et un Vieux me donne à choisir entre un coquillage, une sélénite curieuse qui semble porter des oreilles de souris et une pierre trou(v)ée.
Nouvelle Année.