[SYLPHE] D’ac-corps.

Auteur inconnu

Après les différents articles sur le sujet des signes, le deuxième « round de recherche » du groupe SYLPHE porte, au choix, sur le corps ou sur les sacs de sorcière.

La thématique du corps est riche, vaste, complexe. On retrouve fréquemment des axes semblables, par exemple le chemin vers l’acceptation de soi, l’épanouissement, ou encore le côté sacré du corps.

Il y aurait beaucoup à dire sur la façon dont la société actuel perçoit le corps, et les nombreux partages, souvent sensibles, sur les difficultés rencontrés, sur le long parcours nécessaire pour se détacher des postulats parasites sont autant d’illustrations de ces paradigmes.

Certains angles reviennent fréquemment, notamment celui qui vise à redonner au corps son aspect sacré. « Mon corps est un temple que je vais apprendre à honorer » (en gros) probablement par opposition au diktat du « corps impur et imparfait, sale et tabou qu’il convient de cacher ».

Je n’ai jamais été une grande adepte du précepte visant à faire de mon corps un « temple sacré ». Pendant longtemps j’y étais même assez violemment opposée, complètement rebutée par le côté « passif » du concept. Pas intrinsèquement -après tout chacun fait ce qu’il veut- mais parce que je ne voyais pas en quoi cela allait apporter quoi que ce soit de constructif dans mon parcours et par rapport à ma manière de voir la vie.

J’ai longtemps considéré mon corps comme un outil qui avait intérêt à être fonctionnel et opérationnel, n’hésitant pas à me malmener au besoin. Je suis un peu plus détendue sur la question aujourd’hui, mais je comprend toujours pas en quoi on devrait opposer :

* un aspect dit « sacré », avec tout l’attirail qui accompagne généralement ce terme : discours plus ou moins complaisant, déballage de récits où la personne explique en détail qu’elle a pris un bain parfumé et qu’elle s’est mis de la crème pour le corps, qu’elle honore la Déesse au moment de ses cycles menstruels et que ca y est, elle se sent trop femme et qu’elle est bien dans peau. Tant mieux pour toi Chérie (ce n’est pas ironique). Je suis ravie de savoir que des gens se sentent bien dans leur peau et heureux, mais franchement je vois pas en quoi je dois me sentir concernée. Je comprend qu’on tente de combattre les vieilles antiennes sournoisement insérées par l’éducation et qu’on encourage les petits gestes de réappropriation de soi au lieu de se brimer, surtout quand les personnes ont vécues tout un tas d’expériences plus ou moins traumatiques qui les ont déconnectées de leur corps. Je comprends qu’en partageant le bien-être apporté par cette expérience, la personne essaie d’encourager les autres à faire de même. Je trouve ca chouette, ne vous méprenez pas. Sauf que sur moi, c’est un procédé qui ne marche pas. C’est comme la pub ou les discours des commerciaux, j’y suis hermétique (c’est plus ou moins le même procédé que le « oh cette nana a l’air trop bien dans sa peau avec son nouveau shampooing, ses cheveux sont beaux, tiens je vais tester.)

* un aspect plus martial, plus fonctionnel.

C’est assez intéressant cette mise en opposition quasi-systématique et souvent inconsciente, comme si on rattachait l’aspect « sacré » et tout le toutim à un appareil symbolique féminin et l’aspect martial à un appareil symbolique masculin. C’est aussi con que les gens qui pensent qu’une fille féminine ne peut pas être lesbienne parce qu’elle ne correspond pas à l’image / l’idée que EUX se font d’une lesbienne.

Pour moi, ces deux aspects ne se contredisent pas du tout, ce sont juste des « composants »  par contre, ce qui change, c’est la vision de la personne.
Je ne sais pas comment les autres pensent, et encore une fois, je ne suis pas eux, je ne vais pas extrapoler en pensant que je peux penser comme eux et en faire une vision imaginaire très certainement faussée. Par contre, je peux tenter d’expliquer de quelle manière je perçois les choses.

Quand j’étais enfant, ce que je voulais, c’était m’entraîner à repousser mes limites de résistance physique (ce qui s’est traduit à l’adolescence par un certain nombre de pratiques plus ou moins limites. Comme se graver les runes dans le bras pour s’entraîner à encaisser la douleur. En réalité, c’est assez peu judicieux, d’une parce que le paganisme n’a pas besoin qu’on le torpille en adoptant des comportements pouvant conduire les gens qui n’y connaissent rien à faire des généralisations dangereuses. De deux parce que de toutes façons, entre encaisser de la douleur en étant en mode « stoïque » et en état de stress intense parce que dans un contexte de danger, ca n’a rien à voir, à cause de l’adrénaline etc), apprendre tout ce qui pouvait être utile pour la survie, etc. Concrètement, j’apprenais tout ce que j’avais la possibilité d’apprendre au cas où ca me serve un jour. (Allumer un feu, me servir d’une boussole, et j’en passe). Je me souviens avoir piqué une crise quand on m’a dit que les filles ne faisaient pas le service militaire, et que de toutes façons, bientôt il serait supprimé. Du coup j’avais décrété que les filles en Israël, elle avait de la chance parce que elles, elles pouvaient intégrer Tsahal. (Ca a fait hurler de rire mon père qui m’a dit que je n’avais qu’à m’engager dans l’armée. Ma mère a moins aimé par contre).

Ca ne m’empêchait pas d’aimer porter de belles robes (j’avais horreur des pantalons), de jouer à la petite fille modèle et de vouloir un jour me  marier à l’Eglise (mais sans robe blanche parce que le blanc, c’était moche et que je voyais pas l’utilité d’avoir une robe neuve juste pour une journée) et avoir huit enfants.

(Bon, maintenant, ceux qui me connaissent IRL arrêtent de se tenir les côtes ^^).

D’un point de vue pragmatique et factuel, prendre soin de soi au niveau physique, aimer son corps etc, peut aussi être une arme, et une arme redoutable. En fait, quand on y réfléchit, développer ses capacités physiques, que ce soit sur le plan de l’endurance, des arts martiaux, de la confiance en soi, des connaissances intellectuelles, des méthodes de survies, des pratiques sexuelles, de la meilleure façon de se mettre en valeur physiquement, etc, rien n’est intrinsèquement inutile si on sait quand et comment l’appliquer.
Je pars du principe que le corps étant la seule chose que l’on emporte partout avec soi (cette phrase est sponsorisée par Captain Obvious), autant mettre le maximum de chance de son côté en prenant soin de lui, en apprenant à le connaître et en respectant ses besoins, en connaissant ses limites parce qu’on ne sait jamais quand on sera obligé de tirer sur la corde. Parfois ca peut-être pour des choses marrantes dans un cadre sécuritaire, et parfois ca peut être pour des raisons nettement moins drôles. Mais ca, on ne le sait jamais en avance.

En matière de pratiques magiques, ca vaut aussi, aussi bizarre que cela puisse paraître. Parce que certains rituels vous vident. Parce qu’il est préférable de se connaître, d’être honnête et réaliste par rapport à ses forces et ses faiblesses, physique et mentales, sinon ca peut vite virer au merdier intégral. Pas obligatoirement dangereux, mais qui peut au minimum péter gravement l’ambiance. J’ai un souvenir de ce style là, pas très reluisant pour moi, mais j’avais trop cru que j’avais dépassé certains problèmes, sauf que non. Encore aujourd’hui, j’en suis pas fière mais ca m’a servie de leçon.
Certaines pratiques sont plus fatigantes que d’autres, la pratique de la transe par exemple, suppose d’avoir une condition physique de base pas dégueulasse.

Bien qu’elle puisse paraître froide, cette approche n’est pas, à mes yeux, en contradiction avec le fait de s’aimer (ou d’apprendre à s’aimer, quitte à travailler sur certains points, et au niveau psychologique et au niveau physique) et d’honorer son corps.
Nous ne sommes pas égaux en la matière, que ce soit en considérant nos capacités, notre apparence physique, notre état de santé. Il y a un certains nombres de paramètres sur lesquels il est possible d’agir (si on a un problème de déséquilibre alimentaire et que l’on n’aime pas son apparence physique, il est possible, dans une certaine mesure, d’essayer de résoudre une partie du problème, mais aussi de prendre conscience et de tenter de guérir ce qui est à l’origine du problème. Il ne s’agit pas de prétendre que « c’est très simple et qu’il n’y a qu’à » ou de faire des simplifications abusives : mais il y a sans doute des processus et des gestes qui peuvent aider la personne a transformer un cercle vicieux de  destruction en quelque chose de positif. De ce point de vue là, effectivement, le fait d’essayer de porter un nouveau regard sur son corps sans le malmener et en appliquant par exemple certaines méthodes telle que celle expliquée dans le paragraphe sur le sacré, peut produire une charge positive pour la personne, au moins dans certains cas. )

Concernant l’état de santé, la question est autrement plus casse-gueule. Nous avons nos forces et nos faiblesses en la matière, et si certains points peuvent s’améliorer ou être soigné, ou la vie de la personne rendue plus facile avec le temps, certaines choses resteront impossibles. A ce niveau là, les encouragements maladroits et les avis à l’emporte-pièce ou les réflexions déplacées sont plus ou moins courants et pas facile à gérer. Combien de fois j’ai entendu des phrases comme « mais comment tu fais pour être aussi myope ? » ou « mais tu vas devenir aveugle ? » ou « mais à ce niveau là en fait, tu es handicapée ». Ou plus sournois les gens qui ne disent « ah mais ca n’est pas vrai que tu sois myope, souvent tu ne mets pas tes lunettes. » « Oui, dans ces cas là, il y a un truc qui s’appelle les lentilles de contact tu sais ». Une fois, ca passe. A force, j’avais juste envie de leurs coller un taquet dans la face. Je ne suis pas toujours très douée pour savoir quoi dire quand une personne me parle de certains de ses soucis / état de santé, du coup, je tend à la fermer et à me contenter d’écouter, évitant les « je comprends » (bah non, on peut comprends intellectuellement, mais on n’est pas la personne, donc on évite de faire comme si on savait exactement ce qu’elle vit) ou « mais tu as essayé de » et les conseils médicaux ou « tu verras quand » (au pif, quand une personne vous dit qu’elle essaie de concevoir depuis X mois et que ca ne marche pas, ne répondez pas « ca viendra quand tu ne t’y attendras pas » ou « tu es trop stressées » ou « psychologiquement tu n’es pas prête ». Je connais plusieurs personnes qui ont été ou sont dans ce cas là, et franchement, même si votre remarque se veut « gentille et pleine de compassion », si elle rentre dans cette optique, fermez votre mouille.)

Auteur inconnu

Il y aurait encore beaucoup à ajouter, notamment sur la vision d’un corps idéal, et de sa représentation dans les différentes branches du paganisme actuel. Parce que même si cette représentation se veut quelque peut différente des critères de la société de consommation, on assiste quand même à l’élaboration d’un modèle : celui d’une beauté naturelle, de certains marqueurs de féminité (et masculinité, mais je suis moins au fait pour en parler)  dans le rapport à certains grands thèmes comme la maternité ou les règles. Et j’ai souvent l’impression que, consciemment ou non, un certain nombre de personnes essaient de se positionner -en pour ou en contre- par rapport à ce modèle plus ou moins défini.

sylphe4

8 commentaires sur « [SYLPHE] D’ac-corps. »

  1. « comme si on rattachait l’aspect « sacré » et tout le toutim à un appareil symbolique féminin et l’aspect martial à un appareil symbolique féminin »

    Je soupçonne une petite coquille, ou alors j’ai pas tout compris. 🙂

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